31 juillet, 2007
Message de Hocine Aït-Ahmed au Conseil national du FFS
Questions ¬insolites aux membres du Conseil National réunis en session ordinaire à Alger, 26/07/2007
Chers camarades, chers amis,
Massa Ennour, Azul moqren, salutations affectueuses.
A l’occasion de votre dernière session ordinaire qui précède la tenue de nos prochaines assises, j’ai pensé plus sympa de vous faire une surprise en vous posant quelques questions qui, certes se moquent de la langue de bois, mais ne sont ni surprenantes dans la forme ni légères dans le fond.
Il s’agit d’un exercice sérieux de réflexion, que je souhaite sous la marque FFS de l’humour et de la dérision. Les conclusions pourraient être éventuellement soumises au congrès.
1 / Que pensez-vous des attentats-kamikases perpétrés contre les bâtiments du 1er ministre et celui de l’intérieur ? La rumeur court sous le burnous, dans les allées du pouvoir, et aussi à Paris que ces attaques sophistiquées sont tombées à point pour soutenir l’un des candidats à l’Elysée dont le problème sécuritaire était le cheval de bataille. Cette version ne semble pas invraisemblable étant donné les campagnes médiatiques unanimes et simultanées qui ont actualisé l’antique cri de guerre romain » Hannibal est à nos portes ! » autrement dit » le GSPC à leur porte ! » Pourtant Mr Zerhouni, ministre de l’intérieur s’était empressé de démentir techniquement le caractère Kamikase de l’attentat. Laissant clairement entendre qu’il s’agissait d’un règlement interne au pouvoir.
Quid de l’attaque contre la caserne de Lakhdaria, située dans le périmètre » kabyle » et
des effets d’annonce tragiques concernant la grande offensive du » GSPC » à Yakouren, haut lieu de la lutte de libération ? Ne sommes nous pas également dans le scénario désormais classique toutes les fois que s’aggravent les luttes de pouvoir à propos de la succession à El Mouradia. Pourquoi faut-il régler leurs comptes par massacres interposés comme ce fut le cas au cours de la sale guerre en particulier dans la Mitidja ? On doit une fière chandelle à l’ambassadeur des USA, non pas tellement d’avoir protégé la présidence du général Zéroual, mais d’avoir stoppé les hécatombes en chaîne en direction de la capitale.
Quels liens avec le vieux et permanent complot stratégique visant à Tchétchéniser la province algérienne de Kabylie ; afin de la « pacifier » et d’y éradiquer le politique et la démocratie ? Le printemps noir et les grandes manipulations militaro-policières des « Arouch » pouvant être considérées comme des préludes.
Par qui et comment a été commise – plus grave qu’un crime – la faute politique de créer systématiquement l’insécurité dans cette région dans l’objectif de faire imploser l’unité nationale.
N’y a t-il pas lieu d’attribuer aussi aux généraux de « l’opération ¬Jumelles », l’intention de punir les villageois de Kabylie pour avoir accueilli, organisé et protégé le congrès de la Soummam. Evénement sans lequel les processus tactiques d’intégration civique, politique et révolutionnaire – comme prévu par le déclenchement technique du 1er novembre 1954 – seraient, sinon problématiques, du moins terriblement retardés. Avec pour conséquence catastrophique de rendre impossible la dynamique et la légitimation du GPRA, l’instrument révolutionnaire par excellence, qui sera le levier fondamental à la fois de l’internationalisation de la question algérienne et de la négociation de l’indépendance.
N’oublions jamais cette réalité subversive: les manipulations mensongères, qu’elles soient politiques ou criminelles, sont la géométrie officielle de la culture ambiante du système. Ce n’est pas le souci du bien et de la sécurité des compatriotes qui anime les » gouvernants » c’est celui de la conservation de leur puissance et de leurs intérêts.
2 / a- Pourquoi l’Algérie officielle dont les institutions onusiennes savaient qu’elle n’a respecté ni de près ni de loin aucune de ses signatures au bas de l’ensemble des pactes des Droits de l’Homme et des conventions humanitaires, a-t-elle été admise au nouveau Conseil Onusien des Droits de l’Homme? Il faudra bien enquêter sur les complicités non pas tellement des partenaires inconditionnels des dictateurs mais de certains gouvernements dévoués aux Droits de l’Homme mais qui ont pris pour de l’argent comptant la profusion des gestes de promesses et de séduction voire de pleurnicherie et d’auto-victimisation. Le silence et l’indifférence de ces défenseurs des Droits de l’Homme devant les phénomènes gravissimes de leurs violations à ciel ouvert sont aussi sidérants que la responsabilité des potentats qui piétinent chaque jour davantage leurs engagements internationaux solennels.
b- Pourquoi donc a-t-elle persévéré dans le parjure en violant les deux engagements successifs préalables, conditions sine qua non à l’admission à cette nouvelle instance, savoir défendre et promouvoir toutes les libertés et droits proclamés dans la nouvelle instance ?
Devant tant de bienveillance, et peut être de pitié à l’égard d’un peuple si glorieux, une certaine décence de la part des gouvernants algériens aurait dû inspirer un renvoi d’ascenseur en faisant moins de répressions visibles. Or jamais, jamais les répressions n’ont été aussi permanentes, systématiques et généralisées.
D’où viennent cette hargne et cet empressement à faire le nettoyage politique, sans aucun égard au contrat clair et transparent qu’ils venaient de signer. La motivation qui pousse les décideurs à multiplier les gaffes et les empressements irresponsables est qu’ils réalisent qu’ils maîtrisent l’espace national et les » indigènes » mais pas le temps. L’impunité garantie par la corruption et l’esbroufe n’est pas éternelle. Hitler n’a-t-il pas dit dans mein kampf » un contrat ou un accord vaut ce que valent les circonstances dans lesquelles ils sont signés. » Pourquoi donc ces dénis fou furieux des Droits de l’Homme ?
3 / Pourquoi, l’hitlérisme a été moins difficile et plus facile à repérer que le stalinisme, comme ennemi de la liberté de la démocratie et de la paix ?
Serait-il violer le secret en disant parce que le stalinisme a longtemps réussi à s’emparer de ces mêmes valeurs, leitmotiv et leit-bildung ( leading ideas and images ), pour les enraciner dans sa vitrine et sa propagande, avec un culot « révolutionnaire » c’est à dire mensonger.
Chers camarades, chers amis,
Puis-je suggérer que nous baptisions notre prochain congrès ; à vous, aux camarades militants et cadres de proposer une dénomination adéquate. Moi je pense à un Congrès du Millénaire, du 21e évidemment ; avec l’ensemble des grandes thématiques proclamées. En rejetant Dhimniyen, les systèmes fascisants et totalitaires du siècle précèdent mais qui aujourd’hui s’évertuent à renaître de leurs cendres. Qui dit mieux ? Je l’espère en tout cas ; Ana abd edhaâif comme disent nos potentats.
Peut-être même pourrions-nous nommer chacune de nos commissions au Congrès par un martyr d’une qualité transcendante. J’ai personnellement pensé à Larbi Ben M’Hidi, et Kacem Zidoun l’un des premiers brillants diplomates militants arrêté à Oran le 1er novembre 1954, torturé, coupé en morceau et jeté à la mer dans un sac. Face aux vitesses de l’histoire et aux terribles distances qui séparent les évènements, il n’est pas inutile de s’engager dans des quêtes de rapprochement des racines et des causes plus profondes, quand celles-ci sont camouflées par les préjugés ou ces apparences qu’elles sont censées avoir provoquées.
D’évidence, les gouvernements totalitaires comme le nôtre, ont le génie malfaisant d’ouvrir de profondes fosses communes pour y enterrer les faits et les évènements précis qui leur font toujours peur. Comme la destruction du GPRA par le groupe de Tlemcen. Condamner le passé comme s’il n’avait jamais existé. Mais le passé existe avec force et, quand il bégaie dans le présent, c’est qu’il refuse de passer vers l’avenir.
Pensées affectueuses et respectueuses.
Hocine Ait-Ahmed