29 août, 2007
Mort de Lamari, un des officiers les plus puissants d’Algérie
Par Jeanne Congar (Journaliste) www.rue89.com
La mort de Driss Basri, l’homme des basses oeuvres de Hassan II, aura quelque peu éclipsé la sienne. Pourtant, le décès mardi à l’hôpital militaire de Aïn Nadja, à Alger, du général-major Smaïn Lamari (66 ans), directeur de la sécurité intérieure algérienne, marque la disparition de l’un des hauts-gradés les plus puissants et les plus craints d’Algérie.
Il a en effet appartenu, au cours de la sale guerre de la décennie 90 contre les islamistes, à la très petite poignée de « décideurs » militaires comme on a longtemps appelé en Algérie ces généraux-majors qui détiennent la réalité du pouvoir depuis l’indépendance. Smaïn Lamari a toujours été « l’opérationnel » de ce club restreint et très fermé qui comptait les généraux Mohammed Lamari, Khaled Nezzar, Larbi Belkheir et « Toufik » Médiène, le puissant chef du DRS, les services secrets algériens, seul d’ailleurs à être toujours en poste aujourd’hui.
Ex-officier de l’armée française – nom donné aux hauts gradés algériens qui en ont déserté les rangs très tardivement pour rejoindre l’Armée de libération nationale – Smaïn Lamari fut un proche du général-major Larbi Belkheir, actuellement ambassadeur au Maroc mais longtemps considéré comme le « parrain » du régime. Il a fait partie des hauts gradés qui, avec le général Touati, ont « démissionné » en janvier 1992 le président Chadli Bendjedid et annulé les élections législatives remportées par le Front islamique du salut (FIS).
Alors que cette interruption du processus électoral fait plonger l’Algérie dans une décennie de violence, Smaïn Lamari et ses « services » mènent la répression. En mai 1992, Lamari a affirmé en présence de plusieurs officiers: « je suis prêt à éliminer trois millions d’Algériens s’il le faut pour maintenir l’ordre que les islamistes menacent », rapporte Mohammed Samraoui, un ex-officier algérien dans un livre publié en 2003 « Chronique des années de sang ». C’est en tout cas le début de l’infiltration des maquis et des groupes armés par les « services » de « Smaïn » – comme on l’appelait pour le distinguer du général Mohammed Lamari, le puissant chef d’état major de la décennie 90 -, le temps aussi de la manipulation de la violence pour mieux discréditer les islamistes.
Assassiné en juin 1992, le président Boudiaf envisageait-il de le limoger? La rumeur en a couru, y compris au sein des services de sécurité français où « Smaïn » entretenait de solides amitiés, notamment avec le général Rondot ou la DST.
Sa mort survient au moment où la santé du président Abdelaziz Bouteflika se détériore au point que plusieurs de ses sorties – déjà très rares – ont été annulées. La dernière apparition de Bouteflika remonte au 6 août où il a accueilli son homologue iranien, Mahmoud Ahmadinejad à Alger. « Ce jour là, comme lors de sa tournée à Mostaganem et Oran fin juillet, il paraissait exténué, rappelle le quotidien francophone El Watan. Et il avait, au retour d’une pause, un pansement sur sa main droite comme si on l’avait mis sous perfusion ».