Par Ammar Belhimer , Le Soir d’Algérie
Six petits paragraphes signés de trois grands hommes d’Etat, un vendredi après-midi à quelques heures du f’tour, cinq jours après les attentats terroristes de Dellys. Ou c’est trop dire — dans ce cas, il faut lire entre les lignes — ou c’est pas assez — il reste alors à savoir pourquoi.
Si les signataires de la déclaration se disent «affligés» par la situation et «gravement préoccupés » par un possible nouvel engrenage de la violence, c’est qu’ils n’écartent pas un regain de violence. Mais, cela reste une éventualité, comme s’ils s’abstenaient de souffler sur le brasier et tiennent à le rappeler, même si leur sentiment laisse entrevoir le pire. Deux des trois signataires ont droit à des grosses manchettes irrespectueuses. Rappelons-nous : «Aït Ahmed est un traître» et «Taisez-vous Monsieur Mehri !». Le troisième l’a échappé de justesse dans un matraquage médiatique qui le faisait passer, lui aussi, pour un signataire des accords de Sant’Egidio alors qu’il n’avait jamais quitté Alger. Que ne leur a-t-on donc pas également imputé comme «insinuations tout aussi répétées que malveillantes » sur de pseudoaccords secrets avec les intégristes en 1991… Ce à quoi, dès avril 1999, Hamrouche répondait dans les termes suivants : «Les faits historiques sont têtus. Ils établissent que les protagonistes des événements de mai-juin 1991 n’avaient d’autre objectif que l’interruption du processus des réformes politiques et économiques par le départ du gouvernement que je dirigeais. C’est l’enseignement de cette époque. Quant à l’accusation que colporte la version du complot ou d’alliances occultes, de quelque nature que ce soit, l’Histoire l’a depuis quelque temps déjà reléguée au rang de contrevérité, de basse manipulation et de mensonge avéré.» Relus huit années plus tard, ces propos donnent un sens sincère à la «condamnation, sans appel, de tous les attentats » et «l’entière solidarité » avec les familles des victimes dont ils partagent la douleur hors de toute instrumentalisation , comme cela est malheureusement souvent le cas. Des victimes sitôt oubliées une fois ensevelies. La réaffirmation, «avec force», que les «terreurs et violences ne sont pas les voies de l’espérance» et le rejet de «la négation du politique, la répression et l’exclusion» comme «solutions aux multiples difficultés et impasses que connaît le régime» s’insèrent dans une continuité inaltérable pour les trois signataires. Aït Ahmed le rappelait assez expressément à l’ouverture des travaux du 4e congrès du FFS en se référant aux controverses, souvent stériles, suscitées par la parution du livre de Bélaïd Abdesselam sur le Net : «Les révélations tardives et les nombreuses mises au point faites ces derniers jours par des acteurs de l’époque, qu’ils soient de premier plan ou des seconds couteaux, montrent avec quelle légèreté s’est joué le destin du pays. Si elles étaient faites à temps, ces révélations, qui sont autant de témoignages tardifs, auraient épargné au pays une décennie sanglante. Si les affaires du pays avaient été menées dans la transparence, sous le regard des Algériennes et des Algériens, sous le regard de l’opinion nationale et internationale, notre pays se serait épargné une décennie sanglante. On mesure aujourd’hui les conséquences néfastes des décisions clandestines, prises entre complices. A l’évidence, les esprits n’étaient pas mûrs pour une médiation politique car il n’y avait pas, dans la période précédente, dans les us et coutumes du régime des habitudes et des dynamiques de négociation. Il n’y avait pas le sentiment de la nécessité du compromis.» Tout concourt à lui donner raison aujourd’hui quant à la prééminence du politique dans les solutions de sortie de crise. D’où la conviction des trois signataires que «la mise en place d’un processus de démocratisation du pouvoir, de son exercice et de son contrôle constitue le chemin de la sécurité nationale, de la stabilité et de l’espoir». Un pouvoir qui n’est du reste pas rejeté en bloc, tant il est loin d’être monolithique. Ce que Aït Ahmed traduit par un réel espoir de jeter des ponts avec nombre de ses branches indemnes de compromission avec la prédation rentière et l’arbitraire : «Serait-ce courir après des fantômes que de croire qu’il existe au sein du pouvoir des secteurs ou des hommes convaincus que le changement et l’ouverture sont vitaux pour le pays, que le statu quo est intenable et exige un prix politique et humain très lourd à cause d’explosions de violence et de répression inéluctables ?», s’interrogeait-il à la même occasion.. D’où cette conviction partagée des trois que «toutes les composantes de la société s’impliqueraient et s’engageraient dans la concrétisation d’un tel processus». Dans un tel processus, le FLN occupe naturellement une place particulière pour des raisons évidentes que Hamrouche ne perd pas de vue, convaincu que «le FLN ne s’arrête pas à une direction ou à un appareil. Bien au-delà, ce sont des convictions et un programme. Ses militants activent et agissent au sein de la société en fonction de leur programme et de leurs convictions. C’est ce qui me permet de garder intact l’espoir que le FLN continuera, à l’avenir, de jouer un rôle et d’occuper une place particulière pour peu que ses militants puissent se mouvoir dans un cadre démocratique et libre de toute interférence extérieure». On aura bien évidemment souligné «cadre démocratique et libre de toute interférence extérieure ».
A. B. |