Le fascisme, selon La Dépêche de Kabyle et la démocratie, selon les Arouch¹
Très simplement et selon le dictionnaire Larousse, le fascisme, régime établi en Italie de 1922 à 1945, est fondé sur la dictature du parti unique et l’exaltation nationaliste et visant à substituer un régime autoritaire à un régime démocratique. Le quotidien « La dépêche de Kabylie » a fait usage et à maintes reprises du terme « fascisme » dès lors que des actes de violence ont été commis à son endroit.
Il a fallu que ce quotidien soit interdit de distribution par un certain délégué agissant sous couvert du mouvement pour … « la citoyenneté » pour que ce même journal titre à sa une et sans équivoque : « Cet homme est un fasciste ! » Il a fallu aussi que le siège de « La Dépêche de Kabylie » fasse l’objet d’une visite nocturne pour qu’elle crie de nouveau « au fascisme. » De tels actes, sont – par principe, aux yeux de tout démocrate et de « tout homme libre » condamnables.
Ceci dit, il est utile de « rafraîchir » la mémoire de « La dépêche de Kabylie et de lui rappeler que ce qu’elle a qualifié de fascisme, ne date pas d’aujourd’hui dans la région, depuis l’avènement du Printemps « noir. » Ou alors – si l’on se fie aux réactions « épisodiquement » éditoriales du quotidien- il y aurait deux types de fascismes : le bon et le mauvais et qu’un acte n’est fasciste que s’il porte atteinte à sa propre liberté.
Il y a quelques mois, au plus fort de la violence politique qui s’est déchaînée sur la région et qui a ciblé essentiellement le FFS à qui, des représentants autoproclamés de la population voulaient imposer une ligne de conduite et, au nom d’une certaine conception de la démocratie, des sièges du parti ont été incendiés, des militants et des candidats agressés, des conférences et meetings interdits et… « réprimés » à la méthode stalinienne forts de « ses comités populaires », des affichages arrachés et La Dépêche de Kabylie s’est contentée de rapporter les faits. Sans plus. Alors que d’autres journaux –faiseurs de « figures proue » sans prouesses et faisant le jeu des extrémismes – ont même laissé transparaître une certaine satisfaction qu’il n’est pas difficile de déceler à travers leurs commentaires. Il n’y a qu’à s’amuser à faire une petite revue de presse pour constater …
Au lendemain du saccage du siège du FFS, à Maâktas – pour ne citer que cet exemple – « La Dépêche de Kabylie », dans son édition du 12 septembre 2002, préfère consacrer « l’intégralité » de sa Une à Aît Menguellet, déroge à la règle et « omet » d’exprimer son indignation et de condamner ce qui est pourtant loin d’être un simple acte de vandalisme. En revanche, lorsque le journal a été interdit par ce même … « délégué », le journal n’a pas hésité de qualifier et à juste titre d’ailleurs, cet acte d’action « commando. » Et voilà, qu’en réaction à la menace de suspension qui pèse sur certains journaux, l’auteur de cette « prouesse », dans une déclaration au nom du « comité citoyen », au quotidien « L’Expression » du 7 août 2003, tentait encore de faire croire « qu’en ce qui les concernait (le comité citoyen ), ils étaient surpris par cette mesure digne d’un Etat dictatorial, alors qu’ils étaient en plein combat pour la liberté d’expression, d’opinion et de conscience. » Décidément ! Un jour on braque un journal, un autre on « craque » pour la liberté d’expression.
De notre point de vue, une telle façon de traiter l’information et d’analyser et d’interpréter les faits paraît sélective et discriminatoire. Car œuvrer pour la liberté d’expression c’est aussi et surtout de condamner – et en toute circonstance – tout acte visant à empêcher l’expression de la liberté… D’autant qu’il s’agit d’un journal dont la devise est « le journal des hommes libres. »
Par ailleurs, suite aux menaces d’un militant du RCD à l’encontre du journal, un … délégué déclarait que « menacer des journalistes était du fascisme. » Soit et nous y souscrivons totalement. Seulement, soyons conséquents avec nos convictions et n’ayons pas peur des mots lorsque d’autres espaces d’expression sont menacés d’extinction. « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, disait Voltaire, mais je me battrai avec vous pour que vous puissiez le dire. »
N’a-t-on pas vu des citoyens se faire lyncher et au nom de « la liberté » pour leur appartenance politique et pour délit… d’opinion ? « Il faut attaquer l’opinion avec ses armes », écrivait justement le journaliste Antoine Rivarol², on ne tire pas des coups de fusil aux idées. Et au-delà de sa mission d’informer, un journal ne doit pas perdre de vue son rôle « pédagogique » en direction du public et au service de la démocratie.
Justement, dans son interview à « La dépêche de Kabylie », Aït Menguellet disait : « Si les politiques faisaient de la politique, les culturels la culture, les artisans l’artisanat, eh bien! on se porterait mieux. » Cette liste de métiers reste ouverte et eu égard à la légèreté et à la partialité avec laquelle une certaine presse s’est « occupée » de l’actualité politique qui a marqué le pays ces dernières années, celui de journaliste… dans notre pays, y tiendrait une bonne place. Par Rahim Zenati
1-Transmis à certains journaux, cet article rédigé en octobre 2003, a été interdit de publication
2-Ecrivain et journaliste français (1753-1801)
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