12 octobre, 2007
Au marché couvert des élections
Mardi 9 octobre. 22h30. Nous arrivons au siège de la wilaya d’Alger pour déposer des dossiers de candidatures aux élections locales.* Au niveau de la porte d’entrée, le passage est contrôlé par des agents de sécurité. Tout le monde passe sous un scanner. Une fois à l’intérieur, nous tournons à gauche avant d’emprunter des escaliers menant au sous-sol de la bâtisse. En bas, c’est la salle des délibérations de l’APW d’Alger. Avant d’y accéder, un agent nous délivre un jeton que le candidat doit remettre à l’agent chargé de collecter les dossiers de candidature.
La salle l’APW est pleine à craquer. Les strapontins sont tous occupés par des candidats qui remplissent les formulaires de candidature. Une véritable corvée. Pour la commune de Kouba par exemple, les candidats doivent remplir 35 formulaires. Le candidat n’a pas intérêt à se tromper. Les formulaires se font rares. Il est vrai qu’il existe encore des candidats illettrés qui risquent de se tromper. Un climat de stress règne dans la salle. Les candidats sont angoissés. Ils ont peur de l’éventuel rejet par l’administration de leurs dossiers…
Les candidats se connaissent déjà. Pour la plupart, ils ont travaillé ensemble durant tout un mandat. Ils ont cohabité pour œuvrer au développement de leurs localités. Là, je plaisante ! Beaucoup d’élus ne sont, en réalité, intéressés que par les privilèges que leur procure leur statut. Un élu qui «gagne» un logement à Alger, c’est un élu qui gagne 1 milliard de centimes ! Un élu qui pratique la Tchippa, n’est pas prêt à lâcher son poste aussi facilement qu’on le pense.
J’ai aidé un camarade à remplir les 23 formulaires de sa liste. Les concepteurs du formulaire n’ont rien omis. Le candidat, en plus du dossier déjà compliqué, doit fournir tous les renseignements liés à son état civil et sa profession. Nom et prénom, date et lieu de naissance, niveau d’instruction, dernier diplôme obtenu, nom du père et de la mère, situation vis-à-vis du service national, nationalité (comme si nos élections intéresseraient les Suédois). La nationalité d’origine n’est pourtant exigée qu’au candidat à la présidence de la République. Nous avons même des ministres binationaux…
Je fais des va-et-vient à l’intérieur de la salle. Je discute avec les candidats… Je rencontre un élu du FFS de la commune d’El Biar. Le connaissant, j’ai vite deviné qu’il est candidat sur une liste d’un autre parti. Je ne me suis pas trompé. Il me confirme qu’il est sur la liste du PT de Louiza Hanoune en m’expliquant que le FFS l’a jeté. Je lui dit : « mais tu as trouvé ceux qui t’ont ramassé. Je suis certain qu’en 2012, tu seras encore là, mais sur la liste d’un autre parti… » Un autre élu du FFS de la commune de Gué de Constantine est dans la salle. Il conduit une liste du RCD ! Je discute avec lui. Il essaye de justifier ce changement rapide. « Tu es libre de changer de parti, mais tu n’a pas le droit d’insulter le FFS. On ne peut pas justifier ses revirements politiques en salissant son parti d’origine… », était ma réponse. Au fond de la salle, je vois un autre élu du FFS de Bir Mourad Rais. Ce dernier était radié du parti suite à sa participation à la fronde. Il est assis comme un bon élève à attendre son tour pour déposer sa liste. Il conduit la liste du RPR. Un petit parti dirigé par Abdelkader Merbah dont Smail Mira est député.
A la cafétéria, je rencontre un jeune que j’ai connu dans les années 1990. Il a mon âge. Il est jeune, mais il a progressé. En tout cas, mieux que moi. Lui est tête de liste dans un parti de l’Alliance, moi je suis entrain d’écrire des conneries ! J’apprends qu’il conduit la liste de son parti. Moi, quand je l’ai connu, il était agent de sécurité. Il travaillait dans le dispositif « emploi de jeunes ». J’espère qu’une fois Maire, il pensera à la jeunesse!
Un candidat du FNA de Moussa Touati s’affole. Un de ses candidats retire son dossier. Le « tête » de liste (je ne sais pas si réellement il a une tête) se dirige vers un candidat d’un autre parti pour lui demander s’il n’aurait pas un dossier en plus ! Au milieu de la salle, je vois un ancien membre du conseil national du FFS, radié du parti pour avoir participé à la fronde. Il conduit une liste du PT…
Bientôt l’Adhan. Le S’hour est raté. Deux élus, non reconduits sur les listes du FFS, rentrent en négociation avec un autre parti à l’intérieur même de la salle. Après des tractations qui n’ont duré que quelques minutes, ils réussissent à conduire deux listes d’El Islah dans deux communes différentes. Je prends la bouteille d’eau pour boire. Un des nouveaux candidats d’El Islah, me dit : « Attention, c’est bientôt El Adhan ». A mon tour de répondre : «Je pense que ne pas observer le Carême est moins grave que ce que vous venez de commettre».
Enfin, selon des témoins crédibles, un chef d’un parti politique a désigné son frère pour vendre les accréditations pour les candidats. Le prix d’une accréditation est fixé à pas moins de 20 millions de centimes. Ce parti qui a déposé un millier de listes a réussi à gagner 20 milliards de centimes.
El Mouhtarem www.ffs1963.unblog.fr
*Je ne suis pas candidat à ces élections.