3 novembre, 2007
Déclaration de Mohamed Samraoui, 3 nov. 2007
Bismillahi Errahmane Errahime,
En cette date anniversaire du déclenchement de la révolution de Novembre 1954 qui a permis à l’Algérie de se débarrasser du joug colonial, je salue tout d’abord le peuple algérien pour son courage et sa ténacité à résister à l’oppression et à la tyrannie que lui inflige un groupe de haut gradés pour le spolier de sa souveraineté, de ses richesses, et le pousser à la misère, la dépravation ou l’exil.
Le moment est venu pour s’unir, mettre nos différences de côté et concentrer toute notre énergie afin de nous débarrasser d’une caste qui fait souffrir notre peuple, dilapide les richesses de notre pays et met en danger l’avenir même de notre nation. Un changement radical est nécessaire, attendre signifie perpétuer le calvaire des Algériens.
Je voudrais saisir cette occasion pour informer le peuple algérien des circonstances de ma récente arrestation en Espagne, pour qu’il soit juge des basses méthodes du régime policier qui les gouverne.
Arrivé le 18 octobre 2007 dans le cadre du congrès annuel de la fédération internationale des échecs par correspondance, dont je préside la destinée depuis 2005 et pour laquelle je viens d´être réélu pour un nouveau mandat de quatre ans, je ne fus ni interpellé ni inquiété à mon arrivée à l’aéroport de Malaga (je voyage depuis plus de dix ans sans le moindre problème). Ce n’est qu’au cinquième jour de mon séjour que deux policiers en tenue civile sont venus me voir à mon hôtel vers 11h pour me signifier que je faisais l’objet d’un mandat d’extradition délivré par l’Algérie en date du 01.10.2003, sans me préciser les raisons ni les chefs d’inculpation.
N’ayant rien à me reprocher, j’ai bien entendu suivi les policiers au commissariat de Torremolinos où vers 14h je fus informé que j’étais poursuivi pour « désertion, atteinte au moral de l’armée et activité terroriste », accusations mensongères et grossières qu’il m’était aisé de réfuter. D’ailleurs les policiers ont vite compris qu’il s´agissait d´un coup tordu et m’ont traité de façon correcte. Cependant, la machine étant déjà déclenchée, je fus informé que je devais être conduit à Madrid vers 3h du matin. Aucune question ne me fut posée, mis à part ma date de naissance et le nom de mes parents.
A 3h nous avons pris le départ vers Madrid, mais je tenais auparavant à régler ma note d’hôtel, pour éviter un éventuel coup de Jarnac, (avec les services, on ne sait jamais ce qu’ils peuvent manigancer !).
Vers 8h 40 nous sommes enfin arrivés au tribunal de Madrid et vers 11h je fus présenté au juge d’instruction Mr Ismael Moreno (un ex policier devenu magistrat), sans au préalable avoir vu mon avocat, ni informé qui que ce soit de mon arrestation.
Compte tenu du timing (procès des terroristes du 11 mars 2004, arrestation d’un groupe islamiste au Burgos,…) et à la lecture des charges, notamment la citation « activité terroriste », mon avocat désigné d’office (un colombien installé en Espagne depuis deux ans seulement) le juge décida d’ordonner ma détention préventive. Il refusa de m’entendre sous prétexte qu’il n’avait pas encore reçu le dossier d’Alger et qu’il ne statuerait qu’une fois qu’il aurait compulsé ledit dossier. Il m’informa que, conformément à la loi, ce dossier devait lui parvenir dans un délai maximum de 40 jours, faute de quoi il ordonnerait ma libération.
J’estime cependant que mes droits élémentaires ont été bafoués, puisque il ne m’a pas été permis d’entrer en contact avec ma famille ou mes amis, que l’assistance d’un représentant du consulat d’Allemagne à Madrid m’a été refusée alors que je bénéficie du statut de réfugié politique et que je dispose d’une résidence permanente en Allemagne ; l’interprète désigné d’office n’a rien traduit du tout, se contentant d’opiner; et pour couronner le tout mon passeport délivré par les autorités allemandes fut confisqué.
Pour tout dire, après cette audience expéditive qui n’a duré que 5 minutes, mon avocat qui ne m’a parlé que 2 ou 3 minutes seulement (et que je n’ai plus revu depuis) n’a même pas daigné informer ma famille en Allemagne.
Il s’agissait selon mon humble avis d’une opération commanditée par les services algériens, qui cherchaient à m’extrader dans la discrétion la plus totale. Mais « el hamdoulillah », les délégués qui participaient au congrès, n’ayant pas eu de nouvelles de leur président ont réussi à alerter ma famille et l’ambassade d’Allemagne à Madrid le jeudi, soit 4 jours après mon arrestation, et ce n’est que le vendredi que je fus autorisé à communiquer avec le représentant consulaire et mon épouse qui me désignèrent chacun un avocat.
Après trois jours de détention où je fus confiné à un isolement total (j’ai eu quand même le privilège de pouvoir garder mes habits civils), je fus transféré le vendredi 26 dans le pavillon réservé aux « V.I.P. », où les conditions étaient nettement meilleures puisque j’avais accès à la télévision dans ma chambre, à l’eau chaude, à des draps propres, à la bibliothèque et à la salle de sport de 8h 30 à 20h… Bref j’étais un prisonnier en costume et cravate, mais toujours tourmenté par le sort qui m’attendait. Ce n’est que lorsque j’ai vu mon avocat le lundi 29, que j’ai compris que la manipulation orchestrée par un officier zélé à partir d’Alger avait échoué.
Je fais confiance au système judiciaire espagnol, d’une part parce que je n’ai rien à me reprocher (les charges étant désuètes, infondées et à la limite ridicules) et d’autre part l’Espagne est un Etat de droit qui ne se laissera pas manipuler par des voyous qui utilisent Interpol comme un instrument pour persécuter et intimider des opposants.
Cette mésaventure ne fait que renforcer ma foi dans la justesse de notre combat pour venir à bout d’un système corrompu et corrupteur. Il m’est aussi permis de lancer un appel à tous les frères et sœurs de bonne volonté pour s’unir et œuvrer contre l’injustice, pour édifier un Etat de droit et asseoir une démocratie authentique qui permettra au peuple algérien d’imposer sa souveraineté et de recouvrer sa dignité.
En tant que membre fondateur de Rachad, je persiste à dire que notre mouvement travaille dans la légalité et la transparence pour apporter le changement souhaité par les Algériens, nous refusons et condamnons toute action qui vise à l’accès ou le maintien au pouvoir par la force ou la violence.
Je tiens aussi à remercier le capitaine Haroun, Monsieur Hocine Ait Ahmed, militant inlassable pour la démocratie en Algérie, Monsieur Francois Gèze, Maître Antoine Comte, ainsi que tous ceux et celles qui m’ont témoigné leur sympathie en ces moments difficiles. Enfin, le soutien indéfectible de mes collègues du secrétariat de Rachad durant cette épreuve est hautement apprécié.
Gloire à nos Martyrs !
Vive l’Algérie !
Mohammed Samraoui 3 novembre 2007
NB: sources Rachad/ Photo Elpais
Commentaires(5)
Je n’ai pas écrit un brûlot. Ce n’est pas une provocation. Ce n’est pas un livre qui a été écrit pour déclencher un scandale. J’ai écrit un livre pour les Algériens. Un livre qui raconte l’incarcération arbitraire dont j’ai été victime et sur laquelle je ne me tairai jamais. Pour moi, il n’y aura jamais de silence sur l’arbitraire dont j’ai été victime ainsi que la presse algérienne et la société civile. Je ne me tairai pas non plus sur la machination politico-judiciaire qui a impliqué sa police et sa justice aux ordres, dans mon incarcération.
Paris, Genève, le 2 novembre 2007 – Le Collectif des familles de disparu(e)s en Algérie (CFDA) et la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) se félicitent des recommandations du Comité des droits de l’Homme, demandant instamment aux autorités algériennes d’abroger l’article 46 de l’Ordonnance 06-01- portant application de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale- bafouant la liberté d’expression. Il s’agit d’une victoire importante pour tous ceux qui dénoncent le caractère liberticide de cette charte.
Interrogé, en marge du 2e Colloque national sur Ahmed Bey à Biskra, à propos de son initiative lancée avec Hocine Aït Ahmed et Abdelhamid Mehri, l’ex-bras droit de Chadli Bendjedid, estime qu’elle est suffisamment claire et directe et ne souffre d’aucune ambiguïté. Les trois hommes, pour mémoire, ont lancé un appel «à réfléchir ensemble aux fins d’éviter à l’Algérie un possible nouvel engrenage de la violence». Hamrouche, Mehri et Aït Ahmed ont appelé à la mise en place d’un processus «de démocratisation du pouvoir, de son exercice et de son contrôle» aux fins de garantir «la stabilité et l’espoir». Les trois chefs politiques, dans une déclaration finale rendue publique, ont soutenu que «toutes les composantes de la société s’impliqueraient et s’engageraient dans la concrétisation d’un tel processus.» Les trois alliés ont déclaré également être «disposés à apporter notre contribution à la recherche de solutions de sortie de crise dans toutes ses dimensions».




