Il est difficile maintenant d’imaginer Abdelaziz Bouteflika autrement qu’en Président de la République. Comme le répète Belkhadem, y a pas mieux !
D’abord on ne voit pas qui pourrait le remplacer. Du moins dans le rôle qu’on a su lui tailler en 8 ans. Sur mesure. Parfaitement adapté à ce régime si particulier qu’est le système politique algérien vieux d’un demi-siècle. Un tribun éloquent au sommet de l’Etat et un pouvoir occulte qui décide puis qui gère. Un régime qui a toutes les apparences de la démocratie… mais qui n’a rien à voir avec la démocratie : les élections sont continuellement truquées afin qu’elles aillent dans le bon sens, une presse suffisamment libre pour s’autocensurer et ainsi avoir la paix tout en bénéficiant d’une riche manne publicitaire octroyée aux gentils ; une télévision unique gérée directement par le pouvoir ; un pluralisme politique maîtrisé à l’aide de coups d’état «scientifiques» permettant d’obtenir des responsables dociles tout en étant bien nourris : un appareil judiciaire bien tenu avec, pour les magistrats, une obligation de réserve et une obéissance qui permettent d’avaler tous les ordres. Et une population traitée par une soporifique manne pétrolière sur un fond de violence contrôlée selon l’agitation du moment.
Ensuite, dans son rôle, le Président est réellement populaire, et si vous avez des doutes regardez le à la télévision quand il décide de prendre un bain de foule. Qui oserait aujourd’hui s’en prendre à lui et le voir quitter son poste à la manière de Jacques Chirac, de Bill Clinton, de Mitterrand, de De Gaulle, ou d’un quelconque Président d’un Etat démocratique après avoir été battu au cours d’élections libres. Dans le système politique qu’on nous a bricolé, notre Président est vraiment à sa place.
Et puis certains Algériens envient notre voisin de l’ouest, le Maroc, où rares sont ceux qui souhaitent voir détrôné le roi, fils de roi et même, nous dit-on, descendant du Prophète. Notre voisin de l’Est est bien élu Président à vie et nos frères tunisiens sont bien obligés de le supporter.
Bénissons le Seigneur, notre Président n’a pas de progéniture pour lui succéder: nous n’aurons pas les problèmes de Moubarak ou de Kadhafi obligés de se battre pour installer leurs enfants à leur place.
Un débat est suscité autour d’un troisième mandat de Président que pourrait autoriser la Constitution si elle était modifiée. A la faveur des élections locales le chef du gouvernement, secrétaire général du FLN, avait relancé la campagne du troisième mandat. Le timing est cousu de fil blanc: que chacun s’aligne pour intervenir chacun son tour, au moment voulu, c’est-à-dire le moment décidé par les vrais chefs.
Au lieu de répéter le même scénario à chaque élection présidentielle pour sauver les apparences qui ne trompent que les innocents, pourquoi ne pas aller au bout de la logique de ce régime : un Président à vie une fois pour toutes et on n’en parle plus. Bouteflika fait l’affaire. Il aura ainsi droit au terme de sa vie à des obsèques grandioses comme seules peuvent les vivre les populations arabes.
Et peut-être l’humiliation que subissent continuellement les Algériens les fera finalement réagir comme des citoyens…pour défendre leurs droits, tous leurs droits.
Pr Kamel DAOUD, militant des droits de l’homme