Ils refusent d’ouvrir des permanences parlementaires:Nos parlementaires fuient les citoyens
Par Chafaa Bouaiche, La Tribune du 19 janvier 2008
«Mon devoir de remplir correctement le mandat de député que les électrices et les électeurs m’ont confié et mon choix de leur restituer de bout en bout mon activité parlementaire font partie des principaux engagements que j’ai pris envers la population (…) J’ai le plaisir de vous inviter à la réouverture de ma permanence parlementaire, le samedi 25 novembre à 11 heures (…)». Cette déclaration n’émane pas d’un parlementaire algérien, mais de l’ancien député du Parti communiste français de la circonscription de Marseille, Frédéric Dutoit. L’Assemblée nationale française attribue aux députés des prêts pour l’acquisition d’un logement ou d’un local à usage de bureau ou de permanence, soit à Paris, soit dans la circonscription. D’ailleurs, pour accomplir leurs missions, les députés français se font entourer de plusieurs collaborateurs.
En Algérie, une fois élu, le député quitte sa circonscription d’origine pour s’installer à… Alger. Il bénéficie d’une indemnité d’hébergement dont le montant est fixé, mensuellement, à 63.000 DA. Afin de percevoir cet argent, le député signe une déclaration attestant sur l’honneur qu’il ne possède pas de logement à Alger. Mais en fin de compte, c’est tous les parlementaires qui en bénéficient. Même ceux qui possèdent de luxueuses résidences à Alger signent la fameuse déclaration sur l’honneur. «Mais que vaut l’honneur devant une telle somme ? », diront certains.
Après leur installation, la première action que mènent beaucoup de parlementaires : changer son numéro de téléphone ! Une meilleure manière de fuir leurs électeurs qui leur rappellent toutes les promesses de campagne électorale. «Trois mois après les élections législatives du 17 mai 2007, j’ai tenté d’appeler le député de ma circonscription. A ma grande déception, je reçois une réponse de la téléopératrice m’annonçant que le téléphone de votre correspondant n’est plus en service», nous déclare un membre d’une association de quartier écœuré par le comportement arriviste de certains élus de la nation.
L’éthique politique exige de tout élu d’être fidèle à ses engagements électoraux et de rester à l’écoute des citoyens. Comme ils l’ont porté à l’hémicycle, il portera leurs doléances. N’est-il pas du devoir du député d’ouvrir une permanence parlementaire dans sa circonscription ? Elle servira pour recevoir les doléances des citoyens. Par ailleurs, l’activité de la permanence va œuvrer à rétablira cette confiance perdue entre l’électeur et son élu.
L’abstention massive des Algériens lors des dernières élections législatives a révélé la crise de défiance des citoyens à l’égard de l’APN. Déjà discréditée par son rôle qui se limite à l’adoption, parfois sans débat, de lois et d’ordonnances, l’APN ne sert, aux yeux des citoyens, que de tremplin pour tout homme « politique » voulant accéder à des privilèges. Cette conviction est renforcée par l’absence remarquable des députés lors des débats au niveau de l’hémicycle et leur « refus » d’ouvrir des permanences parlementaires. Une situation que tentent d’expliquer les députés par l’absence d’un budget conséquent. Pourtant, les partis politiques perçoivent une indemnité annuelle de l’ordre de 240.000 DA pour chaque parlementaire. Le citoyen est en droit de demander où va cet argent ? Son argent.
En Europe, en plus de la permanence parlementaire, le député se dote d’un site internet ou d’un blog pour informer les citoyens de ses activités. Avec ses collaborateurs de la permanence, le député se met à la disposition des citoyens pour mieux répondre à leurs attentes. Ce n’est malheureusement pas le cas chez nous où le député ne revient dans sa région que pour demander de se faire réélire. Mais faut-il pour cela trouver des citoyens qui iront voter ? CB
l’assemblée populaire nationale est une salle à manger et une « chambre » à coucher