Les Algériens se soucient de la démocratie et non des questions éthniques
A travers la demande qu’il a adressée à messieurs le président de la République et le chef du gouvernenent ainsi qu’au parlement et aux instances internationales, Ferhat Mehenni considère que l’on a affaire à un problème d’oppression farouche entre le pouvoir en Algérie et la région de Kabylie accusant dans son élan les partis fortement implantés dans la région et le mouvement citoyen des «arouch» de ne pas mener le vrai combat. A travers une telle vision, il apparaît clairement que l’activisme de Ferhat Mehenni vise à ébranler l’unité du peuple et de la nation.
Ferhat Mehenni est convaincu que la question de l’identité berbère (tamazight) empoisonne le climat politique dans le pays depuis que la Kabylie a revendiqué son droit à l’autonomie et fait en guise d’argumentaire un rappel des principaux évènements qu’à vécus la région.
Il commence son rappel des évènements par «l’opposition armée de 1963» visant en cela l’insurrection armée dirigée par Hocine Ait Ahmed contre le régime de Benbella oubliant ou feignant d’oublier que cette insurrection revêtait un caractère politique en ce sens qu’elle défendit la légitimité du gouvernement provisoire et l’ouverture du multipartisme et de la liberté d’expression.
Il poursuit en évoquant «printemps berbère de 1980» et enfin le «printemps noir 2001-2003» qui a vu également se réaliser des confrontations sanglantes.
Pour convaincre de la faible représentativité des partis implantés en Kabylie, Ferhat Mehenni évoque le dialogue que les pouvoirs publics ont mené avec des associations amazighes non officielles à l’occasion du boycott de l’école en 1994 puis avec le mouvement citoyen des «arouch» lors de la crise issue du «printemps noir».
Et monsieur Ferhat Mehenni conclut en affirmant qu’entre la région de Kabylie et le gouvernement, la relation ne se limite pas à un simple malentendu, mais qu’il existe bel et bien une crise profonde qui se caractérise par une oppression de la part du pouvoir et un souhait d’autonomie de la part des kabyles.
Devant une telle vision, nous tenons à rétorquer à Ferhat Mehenni et à ses adeptes que le mouvement citoyen de kabylie issu du printemps noir n’a jamais revendiqué ni de près ni de loin la question de l’autonomie de la région et que la plateforme en 14 ponts dénommée plateforme d’El-Keur contient essentiellement des revendications à caractère politique et social allant dans le sens de la défense des acquis arrachés par le peuple algérien grâce au combat incessant qu’il a livré pour libérer le pays du joug colonial puis pour instaurer la liberté d’expression et la démocratie.
Et lorsque le mouvement des arouch a tenté de s’étendre hors du territoire de la Kabylie, considérant qu’il s’agit d’un mouvement citoyen à caractère national, il s’est heurté à la pression qu’a exercé sur lui pouvoir politique qui n’avait pas analysé correctement la situation, ce qui avait constitué une grave erreur politique qui a été exploitée par les adeptes de l’autonomie qui n’ont pas hésité à diffuser leurs idéaux sans jamais être inquiétés par les pouvoirs publics ce qui n’a pas manqué de susciter de questionnements chez nombre d’observateurs.
Il y a lieu de souligner également que le phénomène d’évangélisation dans cette région a constitué un élément nouveau qui est venu renforcer le particularisme de la Kabylie par rapport aux autres régions du pays.
Cependant, nous voudrions rappeler à notre frère, fils de chahid Ferhat Mehenni, que les Algériens ont dépassé les questions ethniques grâce à l’islam et sa portée universelle et que depuis que nos grands-pères amazigh l’ont adopté, il sont arrivés à perfectionner la langue arabe et à contribuer à l’essor de la civilisation musulmane au Maghreb en Andalousie et en Afrique.
La preuve de l’inexistence de la question ethnique nous vient des berbères eux-mêmes qui ont choisi la langue arabe comme langue officielle dans les Etats qu’ils ont créées après leur adoption de l’islam et l’histoire nous a livré, à cet égard, l’exemple de Youcef Ibn Tachfine, le créateur de la dynastie des «mourabitine» et qui, bien que ne connaissant aucunement la langue arabe, n’a pas manqué d’imposer cette dernière comme langue officielle de son Etat.
Et si la région était la citadelle de la culture amazighe, elle était également une citadelle de la culture arabo-musulmane grâce à l’activité des dizaines de zaouïas et des centaines d’écoles coraniques qui ont été fréquentées par des savants de toutes les contrées et durant de nombreux siècles.
Et ne lui suffit elle pas la fierté d’avoir accueilli le savant Abderrahmane Ibn Khaldoun qui y a étudié et enseigné et dont un de ses plus prestigieux professeurs fut le savant Abou El-Abbas Ahmed Idriss qui s’était retiré de Béjaïa vers le pays profond des zouaouas pour y créer sa propre zaouïa à Illoula, le douar d’origine de Ferhat Mehenni !
Nous pouvons affirmer que contrairement aux allégations de monsieur Ferhat Mehenni, les zouaouas ont démontré, à travers l’histoire, leur amour et leur fidélité à la partie ; et nous n’en voulons pour preuve que leur participation à toutes les actions menées pour la défendre ainsi que leur contribution avec leurs frères des autres régions d’Algérie à tout effort de développement économique, politique, culturel et social.
Cela avec le témoignage de l’officier français Josef Neil Rouban qui a évoqué cette épopée en 1830 en précisant que les zouaouas avaient participé au combat à raison de 50% des forces qu’avait réunies le Dey Hussein, de même que Hadj Mohamed Ben Zamoum fût un des héros de la résistance dans l’Atlas de la Mitidja lors de l’occupation d’Alger par les forces coloniales françaises.
Il nous vient à l’esprit que lors de la famine de 1868, les habitants des autres régions d’Algérie qui avaient sollicité l’aide des zouaouas ont pu éviter le pire grâce à l’accueil et à la prise en charge dont ils ont bénéficié de la part de ces derniers.
Tout comme ont bénéficié du même accueil, les fidèles de l’Emir Abdelkader lorsqu’ils se rendirent dans la région. Et bien plus que tout cela, les zouaouas de Kabylie pousseront le sens de la bienveillance et de l’hospitalité jusqu’à offrir le commandement de l’une de leurs insurrections au moudjahid surnommé Boubaghla qui les avait rejoint à partir de l’ouest du pays.
Dans le courant du XIXe siècle, de nombreuses personnalités ont brillé dans le domaine du savoir parmi lesquelles les plus illustres furent cheikh Tahar El-Djazaïri (décédé en 1919 en Syrie) qui a grandement contribué à la renaissance de la pensée en Syrie et cheikh El-Mehdi Seklaoui (1785-1861) qui devint le maître des savants et des gouvernants après qu’il se soit expatrié en Syrie en 1847.
Durant l’occupation coloniale, le colonialisme français a tenté de désunir les composantes du peuple algérien à travers, notamment la politique abjecte du «diviser pour régner» et a élaboré, un traitement spécial pour la Kabylie en exploitant son particularisme et ce, en mettant en œuvre un arsenal d’actions :
– encouragement de la pratique des coutumes régionales kabyles au détriment du droit musulman (Sidi Khelil).
– encouragement de la politique d’évangélisation et de la diffusion du christianisme par les pères blancs.
– Ouverture d’écoles françaises à grande échelle.
– Mise sous pression et surveillance des zaouias en leur qualité d’institution de défense de l’islam.
Malgré les actions et les mesures prises par le colonisateur, les habitants de la région ont résisté grâce à leur grande foi dans l’islam.
Et lorsque le mouvement national à caractère politique a pris naissance, les populations kabyles y ont joué un rôle de premier plan. Tout comme elles ont participé avec force à la révolution de novembre 1954 et nous n’en voulons pour preuve que la tenue de son premier congrès dans les maquis de Kabylie (congrès de la Soummam en août 1956).
Cependant, cet élan a été freiné dès le recouvrement de l’indépendance nationale et ce, pour une double cause : l’absence de démocratie, d’une part et l’exclusion de la question identitaire berbère, d’autre part.
Cette politique a fait naitre chez les jeunes de la région un sentiment de frustration qu’ils ont retourné contre la langue arabe et qu’ils ont fini par considérer comme étant l’adversaire de tamazight.
Cette prise de position a donné naissance au mouvement culturel berbère qui a pris à cœur de militer pour la réhabilitation de l’identité berbère comme composante de la personnalité algérienne.
Et devant l’obstination du pouvoir à ignorer la légitime revendication berbère, d’une part et l’avènement des partis politiques, d’autre part, le MCB a fini par se scinder en deux tendances, l’une proche du FFS et la seconde inféodée au RCD.
C’est dans ce contexte particulier qu’est apparu l’extrémisme de Ferhat Mehenni ainsi que son idée d’autonomie, en parfaite coïncidence avec les évènements tragiques qui ont suivi (la disparition) le décès du jeune Massinissa dans le courant du printemps 2001.
Que dire de vos pensés, monsieur Ferhat Mehenni sinon qu’elles sont ségrégationnistes et étrangères à la culture de la région et que vous vous faite le tambourin d’une machination politique étrangère, menée par la France, les etats-Unis d’Amérique et le Sionisme international.
Nous vous disons également que nous sommes désabusés par le fait que vous violiez les lois de la république et sa constitution et que le gouvernement vous laisse faire.
Malgré les différentes crises et les déchirements internes qu’il a vécus, malgré les complots impérialistes ourdis contre lui, le peuple algérien a pu sauvegarder les principes essentiels qui sont les siens, ainsi que les convictions nécessaires qui lui ont permis d’arracher son indépendance et sa souveraineté.
L’instauration d’un Etat algérien souverain a coûté des millions de martyrs durant 132 années de colonisation. Mais il est désolant de constater aujourd’hui que notre ambition s’amoindrit qu’ont à l’émergence de l’Algérie dont ont rêvé les martyrs et pour laquelle ils se sont sacrifiés.
Le peuple algérien dans son ensemble aspire à la stabilité dans le cadre d’un système démocratique et social, comme l’avaient souhaité des caravanes de chouhada.
Lorsque nous donnons le meilleur de nous-mêmes à notre partie, nous la sauvegardons de tous les maux ! Cela exige de nous une négation de soi de tous les instants.
Et si nous voulons vivre dans le bien-être et réussi sur tout les plans, nous devons donner la parole au peuple…. L’honneur de l’humanité.
Par Ahmed Lakhdar Bensaïd, membre fondateur de l’Organisation nationale des enfants de chouhada (ONEC).
NB: Le contenu de la contribution n’exprime pas l’avis du modérateur du blog sur la question de l’autonomie de la Kabylie. Vos contributions à ce sujet sont les bienvenues.