Par Chafaa Bouaiche, La Tribune
«Réclamer son droit est-il un crime de lèse-majesté ?» s’est interrogé hier un enseignant contractuel en réaction à l’interdiction par la police d’un rassemblement prévu devant le siège de la présidence de la République à El Mouradia. En effet, les enseignants contractuels ayant répondu à l’appel du Conseil national des enseignants contractuels (CNEC) ont été accueillis par un impressionnant dispositif sécuritaire déployé à l’occasion. Si les manifestants ont opté pour l’action pacifique, les policiers, quant à eux, ont préféré le recours à la répression et aux méthodes musclées.
Les habitants d’El Mouradia ont assisté à des scènes désolantes : enseignants malmenés, insultés, intimidés et humiliés par des policiers intraitables. Mourad Tchikou, secrétaire national chargé des conseils du Snapap, M. Boutebal, membre du bureau national du CNEC et un membre de la LADDH ont été embarqués avant d’être relâchés deux heures plus tard.
Enseignant d’histoire-géo dans un lycée à Adrar, Abdenabi était hier au rendez-vous d’El Mouradia. Très déçu par l’attitude des policiers, Abdenabi nous a déclaré qu’il est enseignant contractuel depuis 3 ans et qu’il n’a pas perçu son salaire depuis 18 mois. «Pour la seule wilaya d’Adrar, nous sommes 713 enseignants contractuels dans le secondaire à vivre le calvaire», a tenu à préciser notre interlocuteur. Même sentiment de révolte chez Mustapha, enseignant de langue française dans une école primaire à Gouraya (Tipasa) et son collègue Yacine rencontrés sur le lieu de la protesta. «Je suis licencié en droit, j’enseigne la langue française depuis 8 ans à l’école primaire. En ma qualité d’enseignant contractuel, je perçois un salaire mensuel de 15 000 DA. Pis, il faut attendre parfois 6 mois pour qu’on nous verse nos salaires. Il convient de signaler que nous ne percevons pas les salaires du mois d’août», nous a expliqué Yacine. Ces exemples se comptent par milliers, puisque le nombre d’enseignants contractuels est de
40 000. «Cela représente 10% du corps enseignant», a souligné un membre du Conseil des lycées d’Algérie (CLA) venu exprimer sa solidarité agissante avec les grévistes de la faim. «Après 23 jours de grève de la faim, les enseignants n’ont reçu aucune réponse de la part du ministère de l’Education nationale», a regretté le représentant du CLA, avant d’expliquer que la situation exige l’ouverture d’un dialogue pour éviter les dérapages. A cet effet, la chargée de communication du CNEC, Meriem Marouf, a déposé une lettre au niveau du bureau d’ordre de la Présidence et une copie au ministère de l’Education. Dans leur missive, les enseignants contractuels ont appelé les autorités à ouvrir un dialogue pour éviter la catastrophe. Par ailleurs, les enseignants contractuels ont exprimé leur détermination à continuer le combat jusqu’à satisfaction de leurs revendications. Une réunion des grévistes de la faim et des membres des bureaux de wilaya du CNEC est prévue pour samedi prochain à Alger.
Au menu, l’élaboration d’une stratégie de protestation pour les mois prochains. «Nous lançons un appel à toutes les organisations de la société civile et aux partis politiques pour se déterminer vis-à-vis de notre mouvement», a déclaré M. Tchikou.
Pour sa part, le représentant du CLA a affirmé qu’une grève générale sera observée à la prochaine rentrée scolaire. «Si le ministère de l’Education nationale ne prend pas en charge les revendications des enseignants contractuels, qui consistent en premier lieu en leur titularisation, nous allons paralyser le secteur de l’éducation», a souligné le syndicaliste du CLA. Enfin, pour illustrer la situation d’un enseignant contractuel qui n’a pas perçu son salaire depuis trois ans, alors que ses élèves ont obtenu le bac, l’orateur a usé d’une belle expression : «Bac à crédit.»