27 août, 2008
Affaire du consul de Kiev: Y’a-t-il anguille sous roche?
La rigueur dans la recherche de la vérité n’est pas le point fort du Pouvoir réel ou de sa vitrine d’El Mouradia quand il s’agit de se remettre en question ou d’élucider des affaires scabreuses qui impliqueraient ses sbires. Le souci de la préservation de la crédibilité de l’État devant le peuple n’est pas un credo cher pour les “puissants” de l’Algérie.
Les vertus de la probité et de l’impartialité ne sont pas l’emblème proprement dit de son appareil judiciaire et ses juges qui restent assujettis à son bon vouloir dans les grands scandales financiers et les grandes affaires de magouille et des fraudes électorales. Les parodies de jugements auxquels on a eu droit dans des dizaines d’affaires ne sont pas là pour soigner cette sombre image. Le Pouvoir ne fait rien pour effacer de notre esprit le lourd préjugé de grand Haggar des citoyens et grand manipulateur de l’opinion publique. Sa politique se résume ainsi: “Je dis ce que je veux. Ce que je dis c’est l’absolue vérité”. Pas besoin de preuves. Des hommes et des femmes de différentes origines sociales et de différentes “tendances politiques », mais tous obséquieux et prébendiers sont là. À la rescousse. Ils s’empressent à rabâcher, en chœur liturgique parfait, la Vérité absolue officielle à tout bout de champ. Peu importe le sujet du moment que c’est payant. Un mensonge seriné mille fois devient vérité dans les médias que l’État contrôle de près ou de loin.
Voilà comment ça fonctionne en Algérie. Croire à la thèse du Pouvoir ou pas, c’est kif-kif. La “raison d’État” est la meilleure… Et que le meilleur gagne dira le chef d’orchestre.
Aucune espèce de respect pour les citoyens. Aucun traitement digne, qui montre que le peuple est réellement souverain. Car cela supposerait des arguments solides et un contre-pouvoir authentique qui mettrait en doute les arguments des thèses et des politiques mis en œuvres par l’État. Il n’y a pas de transparence dans la gestion des affaires publiques, ni dans celle des commissions d’enquête mise sur pied en traînant les pieds et dont beaucoup d’entre elles sont restées sans suite.
Le Pouvoir a souvent, au gré de ses humeurs, bafoué la règle élémentaire des droits de l’homme. L’un de ces droits et non le moindre est de considérer tout suspect innocent aussi longtemps que les preuves de sa culpabilité n’ont pas été établies. Combien de cas où des suspects ont attendu plusieurs années en prison, sans qu’ils sachent la nature de leur inculpation.
Avec toutes les injustices qu’endurent les Algériens quotidiennement, non seulement il n’existe aucun respect pour les représentants de l’État, mais le sentiment général profond est un sentiment d’impuissance. Le citoyen se sent vulnérable devant la loi. Il se sent comme une proie facile à des prédateurs qui appartiennent à l’État. La chronique judiciaire conforte chez nous l’idée q’un un fonctionnaire du gouvernement ou de l’administration est un rapace en puissance au pouvoir d’extorsion illimité.
Les escroqueries qui se font en nom de l’État sont très révélatrices de la vulnérabilité des citoyens et de l’image de puissance que procure l’appartenance à l’État. Une puissance artificielle bien sûre et dirigée seulement contre le citoyen démuni. Combien de fois des citoyens ne se sont-ils pas fait arnaquer par des escrocs en usurpant l’identité d’un officier militaire, d’un proche parent de responsables hauts placés. Combien de fois des citoyens n’ont-ils pas été victimes d’abus de pouvoir, de trafic d’influence et de népotisme par de fonctionnaires véreux. La corruption s’est généralisée à tous les niveaux. Le bakchich fait aujourd’hui office d’une taxe obligatoire que les citoyens doivent débourser s’ils veulent faire aboutir n’importe quelle requête auprès de l’administration. Transparency International a donné une gifle à l’Algérie en la classant parmi les pays les plus corrompus du monde. Ces clichés négatifs des fonctionnais sont ne sont pas venus de nulle part, mais de notre triste réalité. Une information sur une extorsion de 500 dollars par un consul algérien est certes originale par le fait que le mis en cause est identifié, mais reste ordinaire au regard du niveau de corruption mondialement avéré de notre pays. À moins d’être un parent ou une connaissance du mis en cause personne ne sera particulièrement choqué d’entendre ce fait divers.
Si notre consul de Kiev est innocent, il est très facile pour lui de le prouver. S’offusquer par la façon dont a été rapportée cette accusation me semble inadapté par rapport à la chronique judiciaire algérienne chargée d’affaires graves. Si nous nous trouvions dans un État de droit l’information aurait été prise par de longues pincettes. Mais c’est loin d’être le cas. Entre tayabettes (les médias selon notre président) officielles et regassettes officieuses, rien ne nous dérange ou ne nous surprend maintenant. On n’est devenu tellement méfiant qu’on ne lit les informations qu’entre les lignes et on ne les écoute que sur les trottoirs.
On a vu pire que cette accusation de tentative d’extorsion. Les grands scandales et les affaires de calomnies et de diffamations sont très nombreux et autrement beaucoup plus graves que cette affaire de consule de Kiev. Ils devraient largement suffire comme cible prioritaire à ceux qui ont une réelle et authentique volonté d’en découdre avec le mépris perpétuel de l’État aux principes des libertés individuelles et des droits de l’Homme en Algérie.
Dans ce contexte exécrable venir aujourd’hui crier au loup et donner de leçon de rigueur professionnelle, pour une si banale affaire, à ceux qui luttent contre les injustices, paraît aussi surprenant que suspect. La méfiance oblige.
Par Sniper