L’avocat de Mohamed Ziane Hasseni, Maître Khaled Lasbeur, à Liberté:
Liberté: Un mois après l’arrestation de M. Hasseni à Marseille où en est l’affaire ?
Me Khaled Lasbeur: Cette affaire est pendante devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, que j’ai saisie le 28 août 2008 d’une requête en annulation de la mise en examen de M. Hasseni, conformément aux dispositions des articles 80-1 et 173 du code de procédure pénale. Requête à laquelle s’est associé mon excellent confrère Jean-Louis Pelletier, désigné par le mis en examen qui entend la soutenir à mes côtés devant cette instance d’appel. Tout comme j’avais interjeté appel le 25 août 2008 contre l’ordonnance de placement sous contrôle judiciaire, qui doit être examinée prochainement par cette chambre d’instruction.
La question qui taraude l’esprit de beaucoup d’Algériens est de savoir comment M. Hasseni a pu être arrêté, alors qu’il était détenteur d’un passeport diplomatique ?
En vertu des dispositions de l’article 40 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques, l’agent diplomatique ne peut se prévaloir de l’immunité de juridiction que s’il est accrédité dans cet État, ou s’il traverse le territoire, ou se trouve sur le territoire d’un État tiers qui lui a accordé un visa de passeport au cas où ce visa serait requis, pour aller assumer ses fonctions ou rejoindre son poste, ou pour rentrer dans son pays. Ce qui n’est nullement le cas de Hasseni, au moment de son passage à Marseille. À noter toutefois que lors de son interpellation, le ministère français des Affaires étrangères avait été requis par les services de la police des frontières avant qu’il ne soit déféré, conformément à l’article 133 du code de procédure pénale, devant le procureur de la république d’Aix-en-Provence sur le fondement du mandat d’arrêt national décerné le 7 décembre 2007 à l’encontre de M. Hasseni ou Hassini, pour procéder, ensuite, à son transfèrement vers le juge d’instruction de Paris.
Si des personnalités connues, à l’image du célèbre avocat Jacques Vergès et de Abdelaziz Rahabi, ont crié au scandale en soutenant que le diplomate (Mohamed Ziane Hasseni) arrêté porte le même nom que la personne accusée (Rachid Hassani) d’être derrière l’assassinat de Ali Mecili, ce n’est pas le cas de Mohamed Samraoui qui rejette catégoriquement toute confusion des homonymes et se dit plus que sûr quant à l’implication de M. Hasseni dans l’affaire. Comment expliquez-vous cet acharnement de l’ex-militaire aujourd’hui réfugié politique en Allemagne ?
En effet, en date du 21 août 2008, lors d’un dîner à Paris avec mon confrère Jacques Vergès, je l’ai entretenu de cette affaire et au vu des éléments du dossier qui font ressortir que le diplomate M. Hasseni est totalement étranger à cette affaire, il a crié au scandale en soutenant effectivement le diplomate, lorsque le journaliste de Liberté m’avait contacté ce jour-là sur mon téléphone portable.
Quant à l’acharnement de M. Samraoui, opposant notoire au pouvoir algérien, son témoignage est, aujourd’hui, dépourvu de tout crédit en raison, d’une part, de l’incohérence de ses déclarations qui, de surcroît, s’avèrent être, sur certains aspects, contradictoires par rapport à celles de son collègue Aboud Hicham. D’autre part, dès l’interpellation du mis en examen et sans l’avoir identifié, il déclare que “je considère invraisemblable que la police française ait pu commettre une telle méprise” en procédant à l’arrestation du diplomate. Ensuite, le journal électronique Mediapart lui a présenté deux clichés de visites diplomatiques des ministres étrangers sur lesquels figurent au second plan un homme à lunette, petite moustache, grande carrure, qu’il identifie formellement comme étant Rachid Hassani, alors qu’en réalité, il n’y a aucune ressemblance entre la personne désignée dans les photos et le diplomate algérien mis en examen. Enfin, il voit de dos le diplomate sur la chaîne France 3 et il soutient alors sans hésitation: “Même de dos, je le reconnais.” Ceci démontre à l’évidence le manque de sérieux de ce témoin qui voit partout M. Hasseni. D’ailleurs, la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris devra apprécier prochainement l’éventualité de la mise en cause de ce témoin.
Au lendemain de l’arrestation de M. Hasseni, nombre d’observateurs ont relevé l’absence de réaction officielle de la part des autorités algériennes. Comment, en tant qu’avocat de la défense, avez-vous vécu la chose ?
Il s’agit d’une affaire de justice qui ne saurait en aucun cas entraîner l’immixtion du pouvoir politique, aussi bien français qu’algérien sur le bien-fondé de l’affaire. Cependant, à ma connaissance, les autorités algériennes ont immédiatement agi, aussi bien par la voie diplomatique que par la voie de l’autorité judiciaire, conformément au protocole d’accord judiciaire algéro-français, sur le procédé de l’arrestation de M. Hasseni. Aussi ai-je appris qu’une cellule de crise a été installée auprès du ministère des Affaires étrangères dès l’interpellation de l’intéressé. En outre, il y a lieu de relever qu’immédiatement informé, le consul général d’Algérie à Marseille lui a rendu visite le soir même, conformément à l’article 33 de la convention consulaire. Ce qui a d’ailleurs fait réagir certains journalistes du journal satirique Le Canard enchaîné, dans son éditorial du 10 septembre 2008 annonçant : “Sarko fait ouvrir une taule en pleine nuit” pour que cette visite puisse être effectuée.
Enfin, le soir même de l’arrestation de l’intéressé, M. Meziane Chérif, consul général d’Algérie à Paris, m’a contacté pour me confier ce dossier et a dépêché son adjoint pour être présent durant le déroulement de toute la procédure qui s’est d’ailleurs achevée le lendemain 15 août 2008 à une heure du matin.
Dès sa présentation devant la juge d’instruction de permanence, vice-présidente du tribunal de grande instance de Paris, cette dernière s’est obstinée à placer sous mandat de dépôt M. Hasseni en saisissant le juge des libertés et de la détention devant lequel il a été mis en exergue l’erreur judiciaire que la justice française est amenée à commettre dans cette affaire. La remise en liberté du mis en examen sous contrôle judiciaire a été décidée par ce magistrat lors d’une audience publique au cours de laquelle le conseil adjoint était présent.
Des voix assurent que si le juge parisien Jean Thouvenot avait décidé de lancer un mandat contre M. Hasseni, c’est parce que la partie algérienne avait refusé de répondre à la commission rogatoire. Quel crédit accordez-vous à une telle thèse ?
En effet, le juge d’instruction, probablement en méconnaissance de la convention judiciaire du 28 août 1962, a décidé de lancer le mandat d’arrêt le 7 décembre 2007 en l’absence d’exécution de la commission rogatoire délivrée aux autorités algériennes.
Toutefois, il y a lieu de relever qu’il a été expliqué au magistrat que l’absence de l’exécution de la commission rogatoire trouve certainement son fondement dans les dispositions de l’article 28 de la convention suscitée, précisant que l’autorité requise (partie algérienne) pourra refuser d’exécuter une commission rogatoire si, d’après la loi de son pays, celle-ci n’est pas de sa compétence ou si elle est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité ou à l’ordre public du pays où elle doit être exécutée.”
Parlons du collectif d’avocats dont vous faites partie. Comment a-t-il été constitué et par qui ?
J’ai été désigné par le consul général d’Algérie à Paris, et mon confrère Jean-Louis Pelletier a été choisi par l’intéressé, certainement sur la demande du ministère des Affaires étrangères qui a, en effet, décidé de renforcer la défense de l’intéressé.
Qu’en est-il de la requête que vous avez déposée le 28 août auprès de la chambre d’instruction ?
Cette requête, qui est en cours, sera examinée par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris certainement avant la fin de ce mois.
Avez-vous, Maître, bon espoir quant à la libération proche du diplomate algérien ?
M. Hasseni Mohamed Ziane, d’une éducation exemplaire, étant innocent et totalement étranger à cette affaire, mon confrère et moi-même sommes très confiants en la justice française, d’autant que, selon la jurisprudence de la cour de cassation du 1er octobre 2003, lorsque la chambre de l’instruction relève qu’il a été procédé à une mise en examen en l’absence d’indices graves ou concordants rendant vraisemblable que la personne mise en examen ait pu participer, comme auteur ou complice, à la commission de l’infraction dont le juge d’instruction est saisi, la chambre d’instruction est tenue d’en prononcer l’annulation.