19 septembre, 2008
Ali Mecili à la conférence des cadres du MDA: “ON NE REUSSIRA PAS A NOUS DIVISER »
ALI MECILI A LA CONFERECE DES CADRES DU MDA: “ON NE REUSSIRA PAS A NOUS DIVISER.” Le 22 mars 1987, soit quinze jours avant son assassinat, Ali Mécili s’exprimait devant une assemblée de cadres du MDA. Nous publions ci-après l’intégralité de cette intervention, totalement improvisée qui apporte un éclairage édifiant sur les raisons probable du meurtre du dirigeant du FFS .
“Assalem Alikoum” Je ne peux que vous dire mon émotion d’être aujourd’hui parmi vous car je suis en famille. En famille parce que partout où je tourne la tête je retrouve des visages que j’ai connus ces derniers temps dans des circonstances difficiles. Je revois Mohamed, je revois Tahar, je revois mon ami Bardaoui qui est ici et je suis heureux de les voir là aujourd’hui libres et d’être parmi nous tous pour pouvoir vous saluer d’abord, et vous apporter le salut de tous les militants du Front des forces socialistes ensuite, et le salut de Hocine Ait-Ahmed qui regrette de ne pouvoir venir aujourd’hui parmi vous pour des raisons que vous comprenez aisément.
S’UNIR DANS LA DIVERSITE. Ce n’est pas un salut de pure forme, je crois que nous avons commencé depuis déjà longtemps un combat en commun. En dehors des gens que je connais ici du fait des péripéties que l’on a vécues à propos de leur tentative d’expulsion du territoire français; il y a aussi des gens avec lesquels j’ai combattu, que ce soit pendant la guerre de libération nationale ou après, il y a mon ami Hamou qui est là et avec qui, depuis 1962, nous avons également mené un combat dans l’opposition, pour la démocratie. Il y a donc de multiples liens.
Je voudrais saluer aussi notre frére Mamchaoui qui est ici et qui représente pour nous beaucoup, non pas en tant que symbole simplement d’un passé que nous avons tous en nous et sans lequel nous ne sommes rien, étant entendu que l’histoire de la nation algérienne, personne ne pourra la falsifier indéfiniment par des opérations de police, puisque l’on s’est aperçu que maintenant la seule écriture de l’histoire était une écriture officielle et pour reprendre un mot de Ait Ahmed: “On a considéré que la police et le parti avaient fait une véritable descente sur l’histoire puisque eux seuls étaient maintenant autorisés à dire l’histoire de notre pays.” Donc, la présence ici du représentant du PPA est pour moi plus qu’un symbole puisque nous nous tournons maintenant vers l’avenir et qu’il y a lieu d’associer pour cet avenir, toutes les forces politiques du pays, sans aucun exclusive. Lorsque nous disons cela c’est parce que nous croyons également à un principe qui doit guider totalement notre action.
Il n’est pas question pour nous de se fondre dans un seul parti ni de parler déjà de front uni. Nous disons que la pluralité d’aujourd’hui est la garantie de la pluralité de demain. C’est-à-dire que c’est aujourd’hui, dans le respect de l’indépendance et de l’autonomie de chaque pari politique, de chaque mouvement, c’est que nous créons les conditions de la démocratie de demain, c’est dans la mesure où nous pouvons prouver au monde, et avant tout au peuple algérien, que nous sommes capable de nous accepter avec nos mutuelles différences et que nous sommes capables de débattre librement de nos divergences, et Dieu sait qu’il doit y avoir des divergences y compris au sein même de nos propres mouvements. C’est dans cette mesure seulement que nous deviendrons crédibles pour dire aux gens que demain en Algerie il y aura une véritable démocratie avec le pluralisme politique véritablement respecté. C’est donc une condition essentielle de notre combat.
Il faut que nous continuions chacun de notre coté à poursuivre notre action avec nos propres programmes politiques, nos propres idéologie, tout en ayant un même et seul objectif qui est l’instauration dans notre pays d’un authentique régime démocratique. Toutefois, je dois dire que le chemin est encore long qu’il passera par différentes étapes et que, l’une de ces étapes a été marquée en décembre 1985 par la proclamation de Londres à laquelle nous avons adhéré. Cette proclamation de Londres n’est rien d’ autre qu’un appel pathétique à la démocratisation des institutions en Algérie. Cela veut dire tout simplement que nous disons qu’il n’y a pas d’autre alternative que l’alternative démocratique, que seule l’action conjuguée des mouvements politiques et des masses algeriennes pourra pousser les pouvoirs en place soit à se transformer, et ce serait la meilleure des solutions bien que nous n’y croyions guère, soit à laisser la place finalement à la parle populaire, à la possibilité pour le peuple algérien d’élire librement ses représentants à une assemblée nationale constituante qui elle seule à le droit, qui elle seule pourra définir en toute liberté et dans le pluralisme politique retrouvé, les voies et moyens d’édifier dans notre pays une authentique démocratie décentralisatrice.
DES PRINCIPES POUR LA DEMOCRATIE Et pour cela dans la proclamation de Londres nous avons énoncé un certains nombre de principes sans lesquels il n’y a pas de démocratie. Quels sont ces principes? Ils sont très simples pour des gens qui ont vécu dans des démocratie, mais ils demeurent, dans un pays comme l’Algérie, et qui semblent être, pour le pouvoir en place, des principes de guerre, des principes révolutionnaires. En fait, de quoi s’agit-il? Il s’agit tout simplement du respect des droits de l’homme, du respect de ces droits qui font que chaque citoyen responsable, à savoir: la liberté d’expression, la liberté d’aller et venir, le liberté d’association, la liberté de créer des partis politiques, la liberté syndicale, le droit de sûreté, c’est-à-dire le droit qui fait que ce soir vous êtes sûrs de vous coucher chez vous et de vous y réveiller, et non pas en ayant la crainte que le matin, ou même avant puisqu’en Algerie on ne respecte pas le droit, vous soyez emmenés pour une destination inconnue et séquestrés pendant des mois et des mois sans avoir droit à aucun procès. Il y a donc lieu d’établir d’abord les supports physiques indispensables qui font que l’homme peut véritablement jouir de sa liberté et s’épanouir pour pouvoir participer effectivement à la construction du pays. Il y a également, en dehors des liberté que l’on appelle formelles, toutes les libertés qui sont du domaine économique et social. Aujourd’hui plus que jamais se posent pour les Algeriens les problèmes vitaux; problème pour chaque ménagère d’assurer la possibilité de nourrir sa famille. Il y a les problèmes inhérents aux logements, à tous les droits sociaux relatifs à la vie dans la cité. Tous ces droits là sont aussi important que les droits civils et politiques et nous affirmons qu’ils sont absolument inséparables. Par ailleurs, il y a l’aspect des libertés publiques: à savoir que dans un pays démocratique, il faut voir la possibilité de pouvoir former des partis politiques, il faut avoir la possibilité pour les syndicats de s’organiser librement, et non pas, comme c’est le cas pour l’instant de l’UGTA, sous la coupe du parti unique; la possibilité pour toutes les associations de pouvoir fleurir, alors qu’aujourd’hui les dirigeants de l’association (pour la mémoire de martyrs de la révolution) sont en prison, souvent dans les lieux-memes que leurs pères ont connus au temps du colonialisme. Voila tout simplement ce que nous avons affirmé à Londres. Nous n’avons pas fait une déclaration de guerre. Au contraire, nous avons affirmé que nous voulions pour notre pays la paix civile dans un climat démocratique. UN DEBAT ET UNE ACTION COMMUNE Eh bien malgré cela, on a considéré de l’autre coté qu’il s’agissait véritablement d’une déclaration de guerre puisque, une fois de plus, n a répondu, d’ailleurs en donnant une importance qu’on n’espérait pas aussi grande dans la presse officielle, on a répondu par l’injure, par l’anathème et un certain nombre d’insultes qui ont été proférées, notamment dans certains éditoriaux, contre les deux chefs historiques de la révolution. Et puis cet appel s’adressait également à d’autres. Il ne s’agissait pas du tout de faire l’union uniquement de deux personnes ou de deux partis politiques, non , il s’agissait au contraire d’ouvrir bien grand les portes du débat démocratique et de demander à toutes les personnalités politiques, à toutes les organisations politiques, sur la base d’un texte qui est très large, de venir pour pouvoir justement engager une action commune pour l’instauration de la démocratie dans notre pays. Il y a eu, au niveau populaire et au niveau d’ un certain nombre de personnalité, des réactions positives par rapport à cette proclamation de Londres, mais, de notre coté, nous n’avons pas attendu que des personnalités politiques, que des mouvements politiques se manifestent, nous avons menés, dés le lendemain de la proclamation de Londres, un certain nombre d’actions communes et nous avons participé à des meetings que nous avons organisés en commun. Je me suis moi-même déplacé à plusieurs reprises à Alicante, à Madrid pour informer l’opinion publique internationale des problèmes posés par la dictature en Algérie. Nous avons entrepris ensemble tout un travail de conscientisation, un travail d’information que nous menons en commun. Nous avons également, d’une façon trés concrète, créer un organe d’information qui s’appelle Libre Algérie, que vous avez vous-meme distribuée et qui essaye de poser , dans un cadre plus large, le problème de la démocratie en Algérie en donnant la parole d’une façon très libre à tous ceux qui veulent la prendre. Je crois que l’existence même de ce journal, malgré toutes les difficultés qui entourent à chaque fois sa parution, parce qu’il est difficile malheureusement dans un climat total de démission, il faut bien le dire, au niveau de notre société et notamment au niveau de nos intellectuels qui une fois de plus ne répondent pas aux obligation qui devraient être les leurs dans une situation aussi catastrophique que celle que vit l’Algerie, et bien dans ce climat de démission nous faisons ce que nous pouvons pour assurer tout de même la périodicité de cette parution et je crois que cette parution a été très très bien accueillie dans tous les milieux de l’immigration et y compris au pays quand nous avons réussi à la faire passer. Ce sont des exemples donc de combats communs que nous menons ensemble, sans qu’aucun problème d’ailleurs n’ait pu naître entre nous depuis la proclamation de Londres…