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Archive pour le 5 octobre, 2008

Hakim Addad, SG de RAJ, au Midi Libre :«Octobre 1988 a été un tournant dans l’histoire de l’Algérie indépendante»

addad.jpgIl faut protéger les acquis démocratiques aussi minces soient-ils, car ils nous donnent le moyen d’exister. Et pour finir, je dirai que le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent agir et qui refusent d’intervenir.

Midi Libre : Quel est l’objectif de ce séminaire placé sous le mot d’ordre «le mouvement d’Octobre 88, vingtième année, et l’espoir continue» ?
Hakim Addad: Comme à chaque année, le RAJ commémore les événements d’Octobre 88. Aujourd’hui, à l’occasion du vingtième anniversaire des événements chers à tous les Algériennes et Algériens, nous voulons faire une halte. Il s’agit de tirer des leçons, des bilans et tracer des perspectives, après une vingtaine d’années, sur les événements d’octobre. C’est dans cette optique que s’inscrit le séminaire ouvert depuis samedi jusqu’à demain et auquel des représentants de la société civile, politique, du monde associatif et syndical ont pris part. Au travers de ces rencontres-débats organisées à l’occasion, nous voulons surtout rendre hommage à tous ceux qui ont sacrifié leur vie et lutté pour l’avènement du pluralisme politique, pour qu’enfin les libertés démocratiques puissent voir le jour en Algérie et sortir du vieux carcan de la pensée unique. Nous voulons aussi faire entendre notre voix, en signifiant aux dirigeants que nous ne sommes pas près d’abandonner le combat et le sacrifice de nos aînés.

Que signifient pour vous les événements d’Octobre 1988 ?
Les événements d’Octobre 1988 signifient pour le RAJ un véritable tournant dans l’histoire de l’Algérie indépendante. Les Algériens, sortis dans la rue un certain cinq octobre 88, ont, faut-il le souligner, obligé le régime politique d’alors à s’ouvrir, et à ce que la démocratie voie le jour en Algérie. Certes, c’était loin d’être parfait, il fallait encore et encore œuvrer et lutter quotidiennement pour préserver notre démocratie naissante. Toutefois, nous pensons que le plus dur sacrifice avait été fait déjà. En ce sens, il convient de noter, par ailleurs, que contrairement à ceux qui disent que les événements du cinq Octobre 1988 ont été orchestrés et manipulés par certains cercles claniques aux bras longs dans les rouages du régime politique, nous pensons quant à nous au RAJ que le peuple est sorti dans la rue pour revendiquer ses droits, ses libertés opprimées et une vie décente.

Justement, comment expliquez-vous les ouï-dire sur la manipulation des événements du cinq Octobre 88 ?
Fidèle à ses habitudes, le régime politique et ses représentants d’hier comme d’ailleurs ceux d’aujourd’hui traitent toujours les citoyens comme des «mineurs», en disant que le peuple s’est retrouvé jeté dans la rue, suite à des jeux claniques au sommet du pouvoir en place. Certes, il y a de la manipulation quelque part. Mais ce n’est pas ça qui a fait sortir les citoyens pour exprimer leur ras-le-bol contre un systèmes qui a verrouillé toutes les portes d’espoir. A cet effet, il convient de dire qu’il est très réducteur que de penser et de dire qu’un peuple qui est sorti dans la rue revendiquer ses droits les plus élémentaires est poussé par quelqu’un, aussi puissant soit-il.

Quel message avez-vous transmettre aux citoyens à l’occasion de la commémoration du vingtième anniversaire des évènements du cinq Octobre ?
En ma qualité de premier secrétaire du RAJ, j’appelle mes concitoyens à lutter quotidiennement et pacifiquement pour la sauvegarde des acquis d’Octobre au moins ceux restants, car ils constituent le meilleur hommage aux victimes de la répression. Il faut protéger les acquis démocratiques aussi minces soient-ils, car ils nous donnent le moyen d’exister. Et pour finir, je dirai que le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent agir et qui refusent d’intervenir.
K. L. C

 

Rassemblement pacifique à la place des Martyrs à 12h30

Pour commémorer le 20e anniversaire des événements d’Octobre 1988, l’association Rassemblement actions jeunesse (RAJ) organise aujourd’hui, à partir de 12h30, un rassemblement pacifique à la place des Martyrs. Le secrétaire général du RAJ, Hakim Addad, exhorte les participants à se rassembler dans le calme en observant un sit-in de recueillement à la mémoire des martyrs d’Octobre 1988. «Nous allons à ce rassemblement sans armes, ni dans nos mains ni dans nos cœurs, en bannissant la violence. Nous souhaitons que les autorités co-organisent cet événement avec nous pour que tout se déroule dans les meilleures conditions », dira Hakim Addad. (El Watan)

Abdelhamid Mehri: « La fermeture des frontières algéro-marocaines va à l’encontre de l’idéal de Tanger »*

mehri1.jpg«La conférence de Tanger a permis la reconnaissance du GPRA, qui représente la résurrection de l’Etat algérien», a déclaré Abdelhamid Mehri au deuxième jour du séminaire organisé par l’association RAJ. Il faut noter que la conférence de Tanger s’est tenue fin avril 1958 (du 27 au 30 avril exactement) et le 13 mai 1958., on sait ce qui s’est passé avec la jacquerie du général Massu qui a conduit à l’effondrement de la IVe République et à l’arrivée du général de Gaulle au pouvoir. Pour Abdelhamid Mehri, il y a une corrélation entre la réunion de Tanger et le mouvement du 13 mai 1958.

«Le congrès a été un facteur de déstabilisation qui a fait éclater les contradictions qui minaient le camp français», note-t-il. L’envers de ce tableau idyllique est que «l’esprit de Tanger n’a hélas pas été respecté après les indépendances», regrette M. Mehri, ce qui a exacerbé les contradictions intermaghrébines qui ont, au mieux, pondu une fantomatique UMA totalement obsolète. «Aujourd’hui, nous lisons dans les différents journaux maghrébins toutes sortes d’insultes à l’égard des autres régimes. Un jour, je me trouvais au Maroc et j’ai lu ce genre d’insanités à propos du régime algérien. J’ai dit aux frères marocains que ces propos étaient sans doute fondés, mais qu’ils valaient pour l’ensemble des régimes maghrébins.» Abdelhamid Mehri termine en insistant sur le fait que l’aspiration à un Maghreb uni est un impératif catégorique imposé tant par l’histoire que la géographie ; la mémoire des luttes communes autant que la convergence d’intérêts.

Commentant le problème de la fermeture des frontières, Abdelhamid Mehri estime que cela va tout à fait à l’encontre de l’idéal de Tanger.

Sources El Watan

*Titre choisi par El Mouhtarem

LADDH: Conférence interdite

libertedexpression1.jpgLa LADDH vient d’apprendre avec consternation, que la rencontre- débat qu’elle organise  ce dimanche 5 octobre 2008 à la fondation Ebert à l’occasion de la commémoration des événements d’octobre 88  vient d’être interdite.

En fait, c’est vers 15H30 que la ligue a été contactée par les responsables de la Fondation pour  lui signifier que la Fondation est dans l’impossibilité d’abriter cette rencontre, et cela pour des raisons «indépendantes de sa volonté».

Cette rencontre–débat devait être animée par: Maître BOUCHACHI Mostefa, Maître ALI YAHIA Abdennour, Monsieur MEHRI Abdelhamid et Monsieur DJABI Nacer.   

La LADDH qui considère cette interdiction comme un exemple concret de la régression en matière des droits et des libertés dans notre pays, invite la presse à une conférence de presse à  11h00 à son siège sis au 5 Rue Pierre Viala (frères Alleg), au niveau du 101 Didouche Mourad.

Alger le 4 octobre 2008

Maître Bouchachi Mostefa/ Président       

Les journées d’Octobre 88:vues d’hier et d’aujourd’hui

corbis1.jpgPar Sadek Hadjeres 

«L’intifadha» d’Octobre 88 a été un sursaut populaire, l’explosion d’un mécontentement accumulé.. Elle a résulté de la conjonction de problèmes de fond non résolus et de manipulations irresponsables du pouvoir. Ces quelques journées vécues dans l’enthousiasme des jeunes, la colère et les espoirs de toutes les générations, ont ébranlé le régime autoritaire sur le moment et durant quelques mois. Mais la grande vague de fond n’a pu transformer la nature et les logiques hégémonistes du système. L’édifice oligarchique, bâti sur une combinaison de pratiques super étatistes et d’appétits libéraux de plus en plus sauvages, a été replâtré et repeint aux couleurs d’un pluralisme sans démocratie.

Ressenties d’abord comme exaltantes, ces journées laissent aux Algériens qui les ont vécues un goût d’amertume. On peut craindre dans le paysage politique actuel de redoutables rééditions des confusions d’Octobre 88. Le peuple exaspéré risque d’en payer les frais et les déceptions. Des enseignements précieux sont à tirer des causes et conséquences de ces journées et des péripéties qui les ont marquées.

Causes profondes et manipulation du mécontentement

Deux facteurs ont fait jonction au cours de la décennie 80: la montée du courant néolibéral dans le monde et la gestion incohérente et parasitaire de ses conséquences en Algérie. Au cours de l’été, un climat très lourd s’était installé, qui rappelle par certains côtés celui d’aujourd’hui. La dégradation économique et le mécontentement populaire s’étaient accentués en conséquence de la déstructuration anarchique du secteur d’Etat, la chute du prix des hydrocarbures et une politique d’endettement irresponsable. Face à la pénurie des ressources nationales, deux clans rivaux s’étaient constitués dans le pouvoir, sous couvert d’un conflit biaisé entre les options étatique et privative.

Chacun d’eux s’efforçait de détourner sur le clan rival la colère résultant des méfaits auxquels ils avaient été tous associés. Le discours du président de la République le 19 septembre était significatif de ces tensions.. Soucieux de maintenir ou de conquérir des privilèges économiques pour eux et leur clientèle, les uns et les autres,croyaient résoudre leurs contradictions non par un débat au grand jour, mais par des manœuvres, et des diversions. Un seul point leur était commun : rien pour les couches salariées et populaires, sinon la répression de leurs revendications. Certains technocrates et démocrates sincères intégrés au système appelaient à des réformes capables d’articuler positivement les deux secteurs dans l’intérêt de l’économie nationale et de la justice sociale. Ils seront eux-mêmes renvoyés après leur passage éphémère dans les instances gouvernementales constituées après Octobre 88.

L’important est que ces affrontements « au sommet » méconnaissaient la nature et la profondeur des problèmes sociaux et politiques. Les tenants du régime avaient cru possible de ruser avec les signaux d’alarme qui avaient jalonné la décennie.. Ainsi le printemps amazigh de 1980, le soulèvement de la jeunesse de Constantine contre l’arbitraire et la mal-vie en 1986, les remous politiques et les agissements terroristes sporadiques provoqués par les courants islamistes, l’éclosion d’organisations et associations pour la défense des libertés et des Droits de l’Homme. Enfin, la toile de fond permanente des luttes syndicales et politiques de plus en plus structurées après des décennies de blocages incessants et l’interdiction des organisations de progrès dont le PAGS.

C’est en particulier contre les travailleurs et leurs organisations que le pouvoir va construire une double machination : la première les frappant directement à la veille des évènements, la deuxième les visant indirectement le lendemain. Les cercles intrigants n’avaient pas prévu que la vague populaire énorme des jours suivants allait retourner ces deux machinations contre leurs auteurs. 

Le 4 Octobre, coup de force anti-syndical et anti-démocratique

Les mois précédents, la vague revendicative était devenue plus consciente et organisée, malgré le débile et malfaisant article 120 du FLN, les bureaucrates soumis dans l’UGTA et la répression par toutes les polices. Les castes dirigeantes voyaient dans cette évolution une double menace. Ce mouvement ascendant tendait à rassembler dans l’action unie des sensibilités politiques et identitaires que le pouvoir cherchait à diviser. De plus, les travailleurs ne se mobilisaient pas seulement autour des problèmes sectoriels quotidiens, ils condamnaient frontalement la politique anti-sociale menée contre eux par paliers successifs depuis le milieu des années 80. Comme les courants néolibéraux dans le monde, les décideurs prétendaient apporter des réformes alors que leurs actes tendaient au maintien de leurs privilèges, ils bloquaient les changements nécessaires au développement économique et social et à la cohésion nationale,

Un fait occulté officiellement et non vu ou souligné par les analystes, jette une lumière crue sur les évènements. Dans la nuit du 4 au 5 octobre, la répression s’est abattue sur le mouvement social et politique pourtant pacifique des travailleurs. Sa brutalité a été sans précédent depuis les coups de filet policiers qui avaient suivi le coup d’Etat du 19 juin 65. Cette diversion grossière a ciblé massivement les cadres et les structures d’organisation du PAGS et des syndicats actifs. Elle va fournir après coup la preuve flagrante que des sphères officielles étaient informées par avance des mouvements destructeurs des commandos de casseurs qu’ils allaient tolérer le lendemain. Nous avions connu des scénarios provocateurs du même genre à plusieurs reprises au cours des émeutes de la décennie, comme à Constantine en 86. Ils visaient à brouiller les pistes, isoler les syndicalistes et le PAGS, mais ils avaient été régulièrement mis en échec par la riposte et la solidarité populaires.

Les dizaines de cadres syndicaux et politiques arrêtés et « disparus » dans les casernes et lieux de détention, seront sauvagement torturés comme on l’apprendra seulement quinze jours plus tard à leur libération. Leur arrestation « préventive » n’était pas fondée sur des actes mais sur les fiches de police établies durant les années précédentes. Certaines comportaient des erreurs grossières et ont frappé des gens n’ayant plus d’activité militante.

Certaines autorités imaginaient de faire ainsi d’une pierre deux coups. D’une part, créer un climat de danger imminent d’agitation sociale, pour rendre plus crédibles les agissements des commandos casseurs qu’ils avaient programmés pour le lendemain. D’autre part, court-circuiter et neutraliser les actions démocratiquement engagées ou prévues au grand jour par les travailleurs depuis plusieurs semaines dans la zone industrielle et agricole de l’Est-Mitidja. Les unions locales et les sections d’entreprise s’apprêtaient par une grande marche à faire jonction avec les actions syndicales de la capitale. Le mouvement en cours, constructif et rassembleur, avait mûri depuis des années en expérience et base de masse. Il pouvait prouver que le monde du travail était capable de devenir un catalyseur, l’exemple d’un mouvement de contestation responsable et ramifié dans les couches populaires. Les clans influents du pouvoir n’en voulaient à aucun prix. Depuis l’indépendance, ils préféraient avoir en face d’eux des oppositions armées et aventureuses (quand ils ne les provoquaient pas), sans vrai projet social et politique, estimant qu’ils les isoleraient et détruiraient plus facilement. 

Vague de fond populaire, malgré le déclenchement manipulé du 5 octobre

Le PAGS et d’autres formations ont disposé de nombreuses données fiables sur la première journée. Les détails continueront à être vérifiés et enrichis par les témoignages, les recherches pluridisciplinaires , l’ouverture (problématique) des archives ou les fuites liées aux règlements de comptes entre officiels.

Le point de départ a été le déchaînement simultané à la mi-journée de jeunes notamment adolescents dans les artères centrales de la capitale et d’autres villes du pays. Leur déferlement n’avait rien d’un « chahut de gamins » spontané comme l’avait qualififié un responsable FLN de l’époque. Une grande partie de ces jeunes étaient peu ou pas du tout politisés ou membres d’organisations, ils avaient été attirés par les rumeurs lancées les derniers jours de septembre lorsque, avec le discours du président, le bras de fer des « chefs » avait débordé les coulisses du pouvoir. D’autres par contre avaient été recrutés et étroitement encadrés sur le terrain pour un travail de casse sélectif dans les villes. La synchronisation, certains mots d’ordre provocateurs proférés, les cibles des destructions, les actes de diversion étaient orchestrés directement par des chefs de file reconnaissables à divers indices. Le scénario était visiblement planifié en hauts lieux. Les services de sécurité, « débordés » ou sur ordre, sont pratiquement restés à distance sans réprimer ces jeunes.

Dans la brèche ainsi créée, se sont engouffrés les jours suivants des milliers de jeunes manifestants populaires, d’une autre qualité et d’une autre signification. Leur ouragan a gagné nombre de villes du pays en dépit des mesures répressives. Ces jeunes exprimaient leur révolte sans être pourtant porteurs d’un projet politique démocratique et social précis. A ce stade, l’immense majorité des manifestants, inorganisés et de sensibilités idéologiques variées, unis par leur colère et leur soif de justice, occupaient la rue selon des solidarités de proximité (quartiers, associations etc). Leurs heurts avec la police ont été de plus en plus réprimés, des centaines d’entre eux ont perdu leur vie et des milliers blessés.

Ils ne sont pas à confondre avec une troisième vague de manifestants, entrés en lice dans les derniers jours à la suite de tractations du pouvoir impliquant une ou des mouvances islamistes. Animés par le même sentiment de révolte, ils étaient minoritaires mais relativement structurés et regroupés idéologiquement.

Les militants d’opposition organisés ont manifesté leur présence ou leur absence sur le terrain selon les orientations et analyses propres de leurs formations respectives. L’Exécutif national du PAGS, après que les dizaines de cadres avaient été arrêtés ou recherchés dans la nuit du 4 u 5, a donné pour sa part à ses militants des directives précises et offensives. Comme de multiples témoignages récents me l’ont confirmé, elles ont été appliquées malgré de nombreuses coupures de contacts avec la même abnégation qu’à Constantine deux ans auparavant. Elles n’appelaient pas seulement à la nécessaire vigilance pour préserver les structures de l’organisation, mais surtout à la participation physique et au travail de responsabilisation politique partout où se déployaient les jeunes. Des membres de la direction exécutive ont maintenu les contacts avec la base y compris en assumant les rencontres prévues auparavant, même sur des lieux inattendus où se déroulaient des affrontements. Ce sont des camarades avec l’appui des travailleurs qui ont protégé, par la persuasion ou par la force, des usines et établissements d’intérêt public contre les destructions, comme au complexe Pompes et Vannes de Berrouaghia et plusieurs autres entreprises dans le pays. 

Désarroi du pouvoir et son repli tactique pour une trompeuse issue de crise 

L’ampleur nationale et la tournure prise par le mouvement de révolte a affolé l’ensemble des composantes du pouvoir. Certains d’entre eux se sont mis en quête cette fois de voies vers « l’apaisement », mais ont persisté dans les démarches d’apprentis sorciers tournant le dos aux problèmes de fond. Ils ont engagé des tractations dont une partie seulement est connue à ce jour, avec des leaders de courants islamistes, dont un officiel responsable de services de sécurité s’était vanté alors à un de nos camarades détenus « qu’ils mangeaient dans sa main ». Cette mouvance dans sa majorité était encore organiquement à l’état de nébuleuses structurées autour des prêches de certaines mosquées

La mission attendue de ces jeunes ainsi embrigadés était de canaliser le bouillonnement massif des manifestants. Accompagnés par leur leader charismatique qui s’est retiré avant l’arrivée du cortège à Bab el Oued, leur cortège ainsi que la masse des manifestants présents sont tombés dans le piège et la provocation classiques de tout temps à travers le monde. La manoeuvre débouché sur un massacre perpétré dans des conditions qui restent à éclaircir, avec les fusillades émanant des détachements militaires appelés à renforcer ou remplacer les forces de police débordées.

Le pouvoir a dû brusquement reculer parce qu’ils n’avait trouvé dans le peuple et même dans la « classe politique » qui lui était acquise, aucun écho favorable à leurs tours de passe-passe, aucune force capable de les soutenir dans l’épreuve. Le FLN comme facteur de mobilisation s’est évaporé sur le terrain. L’institution militaire engagée comme dernier recours venait d’épuiser son crédit et ne tenait plus à continuer de « porter le chapeau » de la répression. Le courant islamiste ne faisait pas encore le poids face à l’élan d’une jeunesse qui le plaçait en porte à faux, sa mise en selle sur la scène politique par le pouvoir lui-même n’aura d’impact que l’année suivante.

Fragilisé par l’indignation nationale et internationale, le pouvoir assis sur l’arbitraire des armes reconnaissait implicitement à travers le discours télévisé du chef de l’Etat et pour la première fois depuis l’été 1962, le bien-fondé de la protestation populaire et de sa soif de liberté et de justice. Il promettait de corriger le déficit démocratique devenu criant et dangereux pour la nation. Un courant favorable à l’évolution des institutions s’est dégagé à travers l’adoption quelques mois plus tard d’une nouvelle Constitution proclamant des principes démocratiques.

Tout le monde sait que le pluralisme formel instauré sera vidé de contenu démocratique et social en l’espace de deux ans. Un exemple, un de plus à élucider, est hautement emblématique de la transition sabordée, l’usage de la torture. La Constitution de 89 a vigoureusement condamné et interdit la torture, mais tous les membres du Comité d’action large et actif contre la torture mis sur pied après les révélations d’Octobre 88, ont été soit assassinés dans des conditions obscures soit contraints à l’exil. 

Vingt ans après, que reste-t-il d’octobre 1988.

Plus que le souvenir de la révolte d’Octobre, il reste les enseignements de la tragédie des années 90 et de ses séquelles

Le grand changement espéré n’a pas eu lieu parce que, pendant ces journées ou plus tard, les causes profondes qui ont généré la révolte d’Octobre 88 n’ont pas été traitées, et encore moins extirpées, elles ont même été aggravées par la détérioration du contexte international

A l’autoritarisme et aux machinations du pouvoir, premier responsable des déboires vécus par l’Algérie, la société et ses organisations politiques et sociales n’ont pu opposer une résistance à la fois unie et consciente, s’exprimant dans un projet politique et de société alternatif et rassembleur. Divisées et politiquement non préparées par les décennies de mentalités et de parti uniques, il leur a manqué au moment crucial la capacité théorique et pratique de déjouer les ruses du pouvoir et d’imposer une alternative commune constructive.

Deux défaillances se sont conjuguées. La première, foncière et structurelle est celle des autorités dans leurs responsabilité s étatiques. La seconde est liée à l’impréparation idéologique et politique de la société. Ce double déficit, sensible à la veille et lors du déclenchement de ces journées, a créé la confusion politique qui a marqué leur déroulement, puis leur dénouement. Un de ses indices les plus forts a été l’acharnement avec lequel les clans au pouvoir, juste avant les évènements, ont réprimé le monde du travail, ses forces syndicales et politiques, qui sans cela étaient potentiellement en mesure de peser sur les évolutions dans le sens des libertés et droits démocratiques, de l’intérêt et de la cohésion nationale. Vieille politique réactionnaire et conservatrice hantée par le spectre du communisme et cherchant à tout prix à enfermer les forces de libération sociale de toutes obédiences dans un « cocon de chrysalide » !

Les orientations antipopulaires, sous des formes subtiles ou brutales, s’accentueront pour déboucher après 1990 sur la tragédie nationale dans le nouveau contexte du basculement du rapport de forces international. C’est le moment de rappeler les résultats de l’aventurisme politique que nombre de gouvernants arabes tout comme les cercles réactionnaires des USA ont largement pratiqué, en exploitant les faiblesses et divisions idéologiques des peuples.. Le désastre algérien était déjà en germe dans les péripéties d’Octobre 88. Certains des cercles qui ont procédé au coup de force antidémocratique préliminaire du 4 octobre ont continué, quand les manifestations populaires sont devenues incontrôlables, à vouloir faire porter aux progressistes la responsabilité des évènements, qualifiés « d’insurrectionnels ». Ils voulaient ainsi à la fois justifier leur répression sauvage et ouvrir la route aux noyaux islamistes, même les plus extrémistes en les instrumentalisant.

Assistons-nous aujourd’hui à un début de retour du balancier ? Y aura-t-il prise de conscience des courants politiques et idéologiques qui ont été trompés et l’ont payé cher ? Se dirige-t-on à travers les luttes en cours vers la construction persévérante de l’unité d’action démocratique et sociale et des moyens d’organisation capables de faire progresser une dynamique des changements radicaux ?

Tirer les enseignements d’Octobre 88 pourrait y contribuer.

*Photo Corbis

LADDH: La commémoration du 5 octobre 1988

corbis.jpgPar Maître Ali Yahia Abdennour

Il y’a  un avant et un après le 5 octobre, dont nous n’avons pas mesuré encore toute les conséquences. Octobre 88 n’est pas un accident de parcours, mais le résultat d’une gestion, la conséquence d’une politique, dont les signes avant coureurs se sont multipliés dés le début de la décennie 1980, fertile en événements qui ont secoué le pays en profondeur. La politique intransigeante du pouvoir a porté les fruits de la violence, avec le 20 avril 1980, l’arrestation des dirigeants islamiques, le maquis de Bouyali, le procès des dirigeants de la LADDH et des enfants de martyrs de la Révolution, l’agitation dans les mosquées, les stades, les universités, le prix très bas du baril de pétrole, le chômage très élevé, la dette extérieure très importante, l’affaire Mecili.

Les violences policières sont entrées dans l’ère du quotidien. L’impunité est la règle. L’humiliation une fois vécue et acceptée, prépare à subir d’autres, à obéir et à se taire en toutes circonstances, à ne plus pouvoir vivre et penser qu’en aliéné.

Le peuple algérien dévoré par son Etat a le sentiment que la politique nationale, la vie politique, telles qu’elles sont gérées, se font au dessus de lui, sans lui et contre lui. Ceux qui monopolisent le pouvoir, trouvent qu’il n’est pas bon de le partager, ni de l’éclairer, n’écoutent personne, croient tout savoir, n’avoir rien à apprendre, mais tout à enseigner. Ils ont besoin pour durer de bafouer les règles les plus élémentaires de la démocratie, d’exercer une répression qui a tendance non pas à régler les problèmes, mais à éliminer ceux qui les posent, à supprimer les contradictions en éliminent les contradicteurs.

Le divorce est entre le peuple dépouillé de ses droits et le FLN parti unique, qui est supposé le représenter et parler en son nom, pour l’empêcher de parler.

L’année sociale de 1988 s’annonce morose et même pleine de périls. Une réaction populaire profonde est au bout du chemin.

I-   Les événements du 5 octobre 1988.

Je m’incline une nouvelle foi avec émotion indicible, devant la mémoire des victimes d’octobre 1988, et représente 20 ans après mes condoléances les plus attristées à tous les membres de leurs familles, avec l’expression de mon profond respect.

Les événements d’octobre 88 découlent d’une lutte de clans exaspérée au sein du pouvoir. C’est à l’intérieur de ce dernier que se déroule à huit clos, secret, rude, le plus dur des combats, entre deux tendances divergentes, contradictoire, l’appareil du FLN pour qui la vie politique est conçue avec un seul objectif, pérenniser le système politique en place depuis l’indépendance du pays, et la présidence de la république avec les partisans de l’ouverture contrôlée, du libéralisme. Le FLN dont l’UGTA est une de ses organisations de masse, a incité discrètement les 18000 ouvriers de la zone industrielle de faire grève, qui s’est étendue à tout le pays, bien que sachant que c’est l’armée qui est au pouvoir, et qu’il n’est que l’instrument de sa domination. En Algérie, qui détient l’armée, tien le pouvoir.

Pour camoufler les rivalités et les divergences stratégiques au sommet de l’Etat, le pouvoir a déclaré le parti d’avant-garde socialiste(P.A.G.S) qui avait infiltré de nombreux syndicats, responsable de la tragédie, et a procédé à de nombreuses arrestations de ses cadres et militants. Cette déclaration est de toute évidence contraire à la réalité des faits. La rue disponible qui ne supporte pas le vide, est occupée par les jeunes qui ont détruit de nombreux symboles du pouvoir. Ce dernier sous-estimant la profondeur du mécontentement et du désespoir des jeunes, en particulier l’exaspération de ceux sans débouchés, en rupture d’école et de travail, flottant entre petits boulots aléatoires et les combines inavouables, qui se posent avec angoisse la question relative à leur avenir, et celui de la société, a vu leur irruption brutale dans la rue. La coupe est pleine, c’est le ras le bol, car les jeunes ne peuvent aller plus loin dans la démission et la soumission.

L’explosion populaire du 5 octobre 1988, s’inscrit dans la mémoire collective du peuple algérien, comme une rupture du pays légal avec le pays profond, un cri de colère et de désespoir d’une jeunesse stressée, flouée, soufrant du double syndrome d’exclusion et de frustration, longtemps drapée dans le silence, en accusations muettes, qui refuse un pouvoir centralisé, bureaucratique, dictatorial. Elle clame par sa descente dans la rue, sa volonté de mettre fin aux entraves à ses droits et à sa liberté, par la mise en œuvre de la démocratie et des droits de l’Homme.

L’état de siège décrété par le président Chadli Bendjedid le  6 octobre 1988 a placé sous le commandement militaire, les forces de sécurité et toutes les autorités civiles et administratives. Chaque jour apporte une sinistre moisson d’outrages à la dignité humaine qui est plus chère que la vie. Quand l’homme est humilié, il oublie qu’il habité par la vie et il la risque. La ligne rouge celle du sang a été franchie par les militaires, les gendarmes et les policiers, qui ont tiré avec des armes de guerre, sur des enfants, des adolescents, des jeunes et des moins jeunes, qui n’avaient comme défense que leurs mains nues.

Pour le pouvoir la répression doit être sans pitié afin d’être efficace, menée dans le plus grand secret, en dehors des fondements essentiels de l’Etat de droit, des lois et des droits de l’Homme. Les violations des droits de l’Homme ont été à grande échelle, systématiques, massives. Le pouvoir a avoué 500 morts, le double est à retenir. La torture est de notoriété publique, généralisée. Défendre les droits de l’Homme, c’est en premier lieu dénoncer la torture, dont l’interdiction doit être immédiate, globale, efficace. De nombreux témoignages des victimes sont bouleversants, difficiles à supporter. Une manifestation islamique dirigée par Ali Benhadj, dispersée au niveau du siège de la DGSN à Bab el Oued a fait 10 victimes.

Au nom de la sécurité, les libertés ont été altérées et aliénées. Il faut naviguer au milieu des vents violents, et faire face à la tempête, condamner les atrocités commises et les horreurs perpétrées.

La LADDH s’est fixée un devoir, une obligation et une règle, parler et écrire pour dénoncer les arrestations arbitraires, la torture, les camps de travaux forcés dans le sud du pays, diffusés par la télévision. Marcherait-on à ce point sur la tête en Algérie ? J’ai été convoqué par le général Mohamed Betchine qui venait d’être désigné à la tête de la sécurité militaire par le président en remplacement du général Lekhal Ayat. Trois raisons sont supérieures à la raison d’Etat : celle du droit contre l’injustice, celle de la liberté contre la tyrannie, celle de l’humanité contre la barbarie.

Les intellectuels dans leur grande majorité ont renoncé à leur rôle de critiques et d’analystes rigoureux, pour servir de simples relais et d’instrument du pouvoir.qui sait flatter sait aussi calomnier. Les médias tous publics, la télévision, et la radio et la presse en particulier, ont diffusé non pas l’information mais la propagande, règle totalitaire, qui a pour but de manipuler l’opinion publique considérée comme étant passive et perméable aux principes idéologiques et doctrinaux du pouvoir, qui justifient la dictature.

La justice ne contrôle pas la police politique, qui a le pas sur elle. Il faut compter avec la sécurité militaire, bien rodée, d’une redoutable efficacité. Pour qui la fin justifie les moyens ; elle détient l’essentiel des leviers de la justice, pèse d’un poids démesuré sur son fonctionnement et sur ses décisions. Les tribunaux et Cours de justice, ne sont pas des lieux ou la justice est rendue, mais des instances politiques où le pouvoir juge ses adversaires.

II-  L’après octobre 1988  

Quel regard peut-on parler sur l’après octobre 1988 ? Je ne propose pas une solution mais un élément de réflexion. Il faut avancer en regardant devant vers l’avenir et laisser au temps le soin de découvrir toute la vérité sur octobre 1988.

La meilleure façon de commémorer octobre 88, c’est d’attirer l’attention sur les tâches qui ne sont pas accomplies par manque de direction ; pour certains le 5octobre a été une vague, mais une fois que la marée s’est retirée, il n’est resté que des pierres. L’action menée était en effet dispersée, n’a pas été plus soucieuse de rigueur et de cohérence, mais a ouvert malgré ses faiblesses un espace politique qui a profité au peuple. La politique menée est ouverte sur le mouvement du temps, dispose d’une peine liberté de conception, d’expression, et d’initiative, a obtenu des résultats concrets et peut en espérer d’autres ;

Lorsque des jeunes manifestent pour retrouver le chemin de la dignité et de la liberté, luttent pour sortir le pays de l’arbitraire, de l’injustice et de la corruption, c’est que rien n’est perdu et que l’espoir est permis ; tout pouvoir a besoin d’être contesté ; il ne peut être que contesté de l’extérieur et non transformé de l’intérieur.

Le pouvoir a compris que la réforme de la société n’est possible que par la démocratisation, d’où : la Constitution du 23 février 1989, la ratification des pactes internationaux des droits de l’Homme de 1966, reconnaissance d’associations à caractère politique (A.C.P) et d’associations autonomes, la liberté de la presse.

Allons dire un jour que le pire est derrière nous, et que le meilleur est devant ?

Le peuple algérien ne peut vivre dans la dignité, la justice et la liberté, car il n’y’a pas de justice sans liberté, ni de liberté sans justice, que s’il a acquis ses droits humains, qui sont l’un des rares lieux privilégiés de rencontre des Algériens de tous bords, l’ultime valeur à défendre.

La devise dans la voie du devoir nous rappelle constamment, que les droits de l’Homme reviennent de loin en Algérie, mais qu’ils ont encore un long chemin à parcourir, et qu’il faut être plus sensible, plus motivé, plus déterminé à poursuivre la route à faire, qu’au chemin parcouru.

* Photo Corbis

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