5 octobre 1988: lorsque l’Histoire bégaie sous le nez de la chouette !!
Par khoukoum Samy,
de Paris.
20 ans déjà ! Que d’émotions et d’amertumes mêlées de douleurs à travers cette réminiscence ! Tout reste presque intact dans l’esprit comme figé pour l’éternel.
A l’heure de cette commémoration, il est loin d’être inutile de s’interroger sur l’ampleur du traumas 20 ans plus tard ! Saisir la symbolique de cette meurtrissure. Huit ans après les révoltes du « printemps berbère » (1980), et deux ans après les émeutes de Constantine (1986).
Face à une symptomatologie politique, économique et sociale effroyable, conjuguée à la faillite d’un régime à l’agonie, la « thérapie » était confiée – une fois n’est pas coutume – non pas aux providentiels « guérisseurs » politiques et leur ‘‘sagesse’’ mais à l’« acier » des munitions, des tanks, des blindés et autres calibres de 12 Mm !
L’Algérie, qui comptait près de 60 % de sa population âgée de moins de 20ans, devait donc faire face au désespoir grandissant. Les divisions internes au régime atteignent leur paroxysme. Fidèles de l’immobilisme ou partisans de l’ouverture économique, nostalgiques du régime émietté de Boumediene ou autres énergumènes du parti unique, la grande bataille des « éléphants » ne fait que commencer. Seule grande victime : les moustadhaafines du peuple. Souffrant comme l’herbe sous les pieds de ces « mammifères », c’est toute la société qui se trouve condamnée aux peines de leur enfer ! Acteurs ou complices, l’imagination de certains ne manquera pas de créativité pour assouvir leurs pulsions les plus bestiales de gain et de privilèges. Devenue l’« art » par excellence des grands barons du système, la corruption va bientôt gangrener telle une métastase tout le corps social.
Effarée, angoissée, la jeunesse ne se reconnaît plus dans cet univers sans lendemain. La peur va bientôt détrôner le doute déjà bien enraciné. Longtemps inconsidérée voir même humilié, cette tranche de la population n’ayant jamais connu la guerre se lance dans la rue s’attaquer à tout ce qui symbolise l’Etat. Du pot de fleur à l’entrée des kasmas aux grands édifices, tout devait disparaître comme pour réécrire l’Histoire sur une nouvelle page blanche…
Tout a commencé en ce jour du mardi 4 octobre. Jeune lycéen que j’étais à Abbane Ramdhane (Mohammadia, El Harrach), donc en plein adolescence. Avec tout ce que celle-ci implique comme enthousiasme bucolique et nonchalant à la fois. Ambivalence des sentiments, vagabondage de l’imagination, puis cette « rage irrépressible ». Bref, tous les rêves – croyait-on – sont permis !!
Le son compulsif des rumeurs sonnait depuis plusieurs jours déjà dans tous les quartiers avoisinant la ‘‘rive gauche’’ d’Alger. Juste quelques syllabes presque féeriques : « le cinq, le cinq…octobre !! ». Il fallait bien ‘‘profiter’’ de l’occasion pour crier son désarroi. Juste son désarroi ! Comme tous les enfants et copains du quartier, nous n’avons jamais connu le bruit des tourelles, ni ces mouvements de véhicules à chenilles et encore moins les mitrailleuses lourdes rasant quelques jours plus tard (samedi 8 octobre) à 360° tout ce qui bouge ! Bab El-Oued, Chevalley, Fougeroux, Climat-de-France, Bachdjarrah, Belcourt, Hussein Dey, Kouba…etc., la répression s’abat comme une foudre. Les premiers morts du soulèvement sont déjà signalés. L’Histoire bégaie au sifflement des balles traçantes à la tombée de la nuit et jusqu’à l’aube !
Aujourd’hui, avec ce temps de recul nécessaire, on peut dire que « octobre 88 » est tout simplement : la confirmation de l’éloignement progressif de tous les espoirs d’un peuple accablé par l’éternel retour des brûlures de l’Histoire. Pire, les ‘‘architectes’’ de ce drame nous donneront quelques années plus tard (11 janvier 1992) les leçons d’un autre scénario, inédit cette fois-ci, dans les annales de l’horreur. Un véritable « long métrage de meurtrissures » sans fin… Avec son lot de deuil et de mélancolie qui ne cesse de hanter nos esprits !
20 ans après, que des morts !! Le décalage entre l’évolution des institutions et l’évolution de leurs bases sociologiques qui avait engendré l’explosion d’octobre 88, n’a jamais été aussi béant.. Les effets de désillusions qui touchent la société jusqu’à ses dimensions anthropologiques, ne cessent d’interpeller les consciences. Le phénomène des harragas, hypothéquant leurs vies au nom d’une mort quasi certaine n’est que l’ultime symptôme d’un malaise dont les ressorts ne pourront plus résister aussi longtemps que certains bien-pensants voudraient bien nous le faire croire.
Une jeunesse étouffée et toujours en mal d’expression. En quête d’espace d’une autre vie. Un pouvoir en mal de légitimité. Une souveraineté populaire malmenée comme cet enfant maltraité par des ‘‘tuteurs’’ qui se sont désignés par défaut.
Des dirigeants qui n’ont rien compris. Enfin, font semblant ! Qu’importe. Pourvu que rien ne vient troubler leur volonté paranoïde de végéter encore plus longtemps dans le sillage de leur vanité démesurée. De leurs richesses arrogantes dans l’univers de pénurie sciemment structurée. Rien compris au cris de cette jeunesse non-désirée… Autiste à tout ces cris de sagesse de ces quelques hommes et à cette poigné d’individus écrabouillée dans l’opposition mais bien déterminée à garder cette lueur d’une bougie qui ne cesse de se consumer, en attendant des jours meilleurs..!! Comme faisant échos à cette citation apprise presque par prémonition l’avant veille du cours de philosophie chinoise un certain « 3 octobre 1988 ». Et qui venait presque d’ailleurs. Celle où Confucius disait (il y a 5000 ans) : « mieux vaut allumer une chandelle que de maudire l’obscurité » !!
Aujourd’hui, notre Algérie se réveille avec l’esprit défiguré par l’amateurisme lugubre au nihilisme infini. Une Algérie qui s’éloigne de plus en plus du rêve d’Ibn Badis, de Hassiba (Ben Bouali), de Dalmould (Maamri), et du simple profane de nos quartiers et nos Douars…
Que dire encore 20 ans après ??
Pourtant, avec un peu d’imagination et de sens des responsabilités qu’il incombe aux dirigeants de n’importe quel Etat du monde, cela aurait pu se passer autrement !! On aurait pu en tirer une fierté sans précédant dans le monde et particulièrement celui des pays au sortir de l’indépendance. Comme pays précurseur à s’affranchir de l’air Stalinien ; réceptifs à la politique de glasnost (transparence) lancée deux années plus tôt par un certain « dirigeant » soviétique Mikhaïl Gorbatchev ! On aurait inscrit notre jeune Nation en lettres d’Or dans les annales de l’Histoire contemporaine. Car annonciatrice de ce qui, quelques mois plus tard (novembre 1989) allait devenir l’événement par excellence de la fin du 20ème siècle : la « chute du Mûr » de la honte de Berlin !
Une chute annonçant elle-même la fin d’une époque, fin de la « Guerre froide » ! Notre génération, enfants d’octobre 1988 aurait, sans doute avec excès mais sans complexe aucun à s’approprier un « instant légendaire » s’inscrivant dans la ligné de ces hommes qui nous ont apporté l’indépendance un quart de siècle auparavant (1962).
Seulement, tout cela ne fût plutôt qu’un instant de toute une autre nature. Le temps d’une rêverie tournant au cauchemar diurne ! En un instant sanglant, de douleur et de souffrance pour des milliers de familles algériennes. Et pour ces quelques camarades de classe et copains du quartier. Nous avions sans doute avec quelques peu de maladresses de jeunes pubères osé, jeter un tas de pierres et bouteilles en plastiques sur ce qui nous semblait ‘‘appartenant à l’Etat’’ (leddewla) : la poste, la Kasmas, et le commissariat du quartier. Celui-ci, allait justement devenir au lendemain du coup d’Etat contre le Président Chadli (janvier 92) un véritable laboratoire pour pratiquer des sévices et tortures de tout genre. Avec la bénédiction des futures ‘‘architectes’’ d’une foudroyante tragédie fauchant encore ‘‘quelques’’ milliers d’âmes. Présageant ainsi les heures les plus noirs dans l’histoire d’un peuple au seuil du nouveau millénaire…
Et après ? Par où commencer ?
En effet ! Que dire que le chemin menant aux solutions est tout aussi simple que complexe ! Simple, car il suffit de s’adresser à qui de droit, au peuple. Complexe, car il faut commencer par s’extirper de sa propre vanité et avoir le courage de le faire en se transcendant..!
Que dire à nos dirigeants ? Que la politique est avant tout un effort noble pour faire régner le droit et la justice ? Le pouvoir assurant l’intérêt général et le bien commun ? La création de digues résistantes aux pressions corporatistes, par l’établissement d’institutions dignes de la souveraineté populaire ? Permettant la garantie des droits pour tous les citoyens ? la constitution comme garante pour endiguer toute volonté belliciste d’une minorité oligarchique au détriment des choix fondamentaux de la société ? Réaliser à travers des institutions dignes du sacrifice de notre peuple « l’intégration réelle et durable » de tous les individus dans la communauté des citoyens pour une « Cité juste » dont parlait déjà Aristote ?
En tous cas, au niveau de la société civile il s’avère plus que urgent de développer une « Conscience politique citoyenne » ! Faire face à toute tentative manipulatrice qui vise une « dépolitisation généralisée », qui a souvent favorisé l’ordre établi, l’immobilité, le conservatisme.
En somme, tentons au moins par l’évitement de tous ces « petits » chemins qui mènent nulle part ! Amorçons les sillons à travers ce qui mène directement vers nous-mêmes ! Donc, vers nos forces et faiblesses. Mais surtout nulle part ailleurs ! En sachant juste, qui sommes-nous et où l’on va ? Sinon, nous connaîtrons le même sort que ce malheureux pilote qui, à force d’ignorer sa destination finira par voler en cercles !!
Saha aïdkoum.
Cher citoyen, vous remarquerez sur ce site certains articles et ou commentaires ne font pas réagir les lecteurs comparativement à d’autres.C’est en quelque sorte un silence approbateur, on a rien à ajouter à ce que vous avez écrit notamment vous dans cet article soigné et riche. Je suis toujours content de constater que l’Algérie a fécondé des êtres comme vous et d’autres, des hommes et des femmes sages, honorables, et cultivés j’ose le qualificatif. Merci de partager avec nous votre reflexion sur le drame que nous continuons de trainer comme un boulet. Sommes nous responsables, sommes nous laxistes, sommes nous cool et gentils à tel point que nous tolérons d’être salis par une horde d’opportunistes aussi sauvages qu’ignares. Nous avons laissé par la force des évenements l’Algérie entre les mains d’hommes et de femmes indignes, égocentriques, et sans idéal.
Merci beaucoup mon cher Mohand !
Votre commentaire me va droit au cœur. Car, venant de la part d’un concitoyen qui partage les mêmes effets de braise qui ne cessent de consumer chacun de nous à l’intérieur de ses entrailles !
Partager avec mes compatriotes idées, réflexions, pensées…etc., est la chose la plus noble que nous puissions faire en toute modestie au service de notre Algérie. L’honneur est pour moi que de pouvoir échanger et comme on dit « adhaaf eliman » (le moindre des actes !).
Je ne manquerai jamais de partager en toute humilité tout ce qui peut nous consolider à tous les niveaux pour que nous nous réveillerons tous un jour (nchallah) sur une Algérie rêvée et pas celle qui porte les cicatrices d’un cauchemar éveillé !
Un grand merci à notre cher ami Almouhtarem.
Fraternellement,
Khoukoum Samy
De Paris.
« » LE COMBAT CONTINUE POUR UNE ALGERIE MEILLEURE . « »
« « LES EVENEMENTS D’OCTOBRE 1988 EN ALGERIE » »
Ce que dit l »auteur :d’ » OCTOBRE NOIR » :
M.L.ATHMANI
« »LE 5 OCTOBRE 1988
EN ALGERIE FUT LE PLUS GRAND SACRIFICE
DES ENFANTS
POUR LES GRANDS POLTRONS DE LEUR TEMPS. »"
En ce 5 OCTOBRE, je m’incline devant le nombre de jeunes qui sont morts en Algérie lors des événements d’Octobre en 1988 sans savoir pour quel mal qu’ils n’ont pas fait, ce jour-là, ils sont morts.
Je m’incline devant toutes ces âmes à peine venues au monde qui ont payé pour les poltrons de leur temps.
Je m’incline et crie tout haut ce que, il y a 20 ans, on ne m’avait pas, Chez MOI, permis de CRIER et d’ÉCRIRE.
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Quelques Poèmes extraits de : « » OCTOBRE NOIR « » .
« » L’ANARCHIE »
Quand l’ivraie
Envahit le blé
Quand la gangrène
S’impose en Reine
Quand les malfaiteurs
Deviennent Rois
Quand une société de parvenus
Dédaigneuse
Nargue le pauvre ahuri
Quand la vie
Devient amère
Quand le mal
Empire
Quand l’ingratitude
Est déclarée
Quand la glèbe
Meurt de soif
Quand l’amour
Déserte les cœurs
Quand les braves
Sont indexés
Quand la vérité
Est prise en chasse
Et que le mensonge
Occupe la place
Quand le Mal
Ecrase le Bien
Et que la Haine
Galope les rues
C’est le règne du désordre
C’est le Peuple qui gronde
C’est la colère générale
C’est aussi la vindicte
C’EST l’ANARCHIE !
Tout court.
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“” J’AI VU “”
En cet “OCTOBRE NOIR”
J’ai vu Ma Mère pleurer
J’ai vu Mes Frères pleurer
J’ai vu Mes Soeurs pleurer
Convenez que c’est amer
Et très dur à avaler
Je ne pus me contenir
Je voulus crier Mes Frères
Je voulus pleurer Ma Mère
Je voulus hurler Mes Soeurs
Mais
On m’empêcha de crier
On m’empêcha de pleurer
Et je ne pus hurler
Je me débattis
Tel un déchaîné
Je ne pus rien faire
Je ne pus rien dire
Je me suis évanoui.
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« « TENSION » »
Je n’ai plus le cœur à parler des Fleurs
Ni des sourires enjôleurs
Je VEILLE
C’est plus que jamais
Le temps de VEILLER.
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OCTOBRE…OCTOBRE…OCTOBRE…OCTOBRE…OCTOBRE…OCTOBRE…OCTOBRE…
« « MES LARMES » »
Pendant toutes ces journées
Dans toutes mes prières
Mon cœur se serrait
Et mes larmes chaudes
Coulaient
Elles coulaient
Pour ma Mère
Elles coulaient
Pour mes Frères
Elles coulaient
Pour l’ALGERIE entière
De mes larmes perlées
Que j’ai enfilées
J’ai fait des colliers
Un collier
Pour ma Mère
Un collier
Pour mes Frères
Un collier
Pour l’ALGERIE entière.
« « A MES GEÔLIERS » »
Au grand jour
Je paraîtrai
Un jour
Et on lira la grandeur de mon amour blessé
Cet amour jaillissant
De mon amour torturé
Gémissant
Fouetté à sang
Par la PERFIDIE d’un Aigri insolent
Cet amour confié sur un si long papier
Que vos mains d’inhumains ont déplié
Puis rapidement replié
Pour ne jamais re-déplier
Cet amour enragé
Que vous avez encagé
C’est MON AMOUR pour Mon Pays
C’est MON AMOUR pour l’ALGERIE
C’est MON AMOUR pour Ma Patrie
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(Dame censure était REINE).
«Et moi, aujourd’hui, grâce aux Hommes qui m’hébergent : pas pour la formalité, je suis devenu véritablement comme tu le constates, comme tu le vois :
un ROI et , comme il se doit , je fais ce que je veux sous mon toit ! »
dit l’ auteur d’OCTOBRE NOIR ..
« « LA MEUTE » »
L’Enfer !
C’est l’Enfer !
« Ezilzel » !
« Ezilzel » de TAHAR OUETTAR !
C’est la ruée !
La ruée !
La meute arrive !
La meure gronde
Tel un torrent impétueux !
Des poltrons vicieux
Attendent le moment
Vicieux
Ils attendent
La meute avance
Vicieux
Ils ont toujours été aux aguets
Ils attendent
La meute avance
Vicieux
Les poltrons s’infiltrèrent
Et
En Lions se déguisèrent
Tous les couteaux furent tirés
Haut la main
Ils sont brandis
La situation s’envenima
C’est l’anonymat
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« « Ô ALGERIE » »
Ô ALGERIE Pays des Braves !
Dis-leur
En cet Historique mois d’ (octobre
Dis-leur !
Dis-leur
Qu’ils se leurrent
Ceux par qui
Dans la houle
Nous allions
Etre précipités
Et devenir leur risée
Dis-leur !
Dis-leur
A ces faux dévots
Du moment
Qui dehors toutes dents
Font du tapage à tous vents
Croyant te porter préjudice
En usant de mille et un artifices
Dis-leur !
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« « LES SIRENES » »
OCTOBRE…OCTOBRE…OCTOBRE…OCTOBRE…OCTOBRE…OCTOBRE…OCTOBRE…
De tous les coins
Les sirènes ont mugi
Ce jour-là
Elles se plaisent à mugir
Elles attisent le feu
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Extraits de : « OCTOBRE NOIR » de: Mohamed Laïd ATHMANI / » LA PENSEE UNIVERSELLE » 1988/1990
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