Par Annie Mécili | Veuve d’Ali Mécili in www.rue89.com
La justice française doit rendre mardi 14 sa décision concernant Mohamed Ziane Hasseni, l’organisateur présumé de l’assassinat, en avril 1987 à Paris, de l’avocat et opposant algérien Ali Mécili. Arrêté en août dernier, Hasseni nie être le commanditaire du meurtre du porte-parole de l’opposition algérienne. A la veille de cette échéance importante, la veuve d’Ali Mécili, Annie Mécili, a adressé une lettre ouverte à Nicolas Sarkozy.
Monsieur le président de la République,
Le 7 avril 1987, un tueur venu d’Alger a assassiné mon mari, l’avocat Ali Mécili.
Ali s’appelait aussi André. Il était français et algérien à la fois par l’effet d’une histoire douloureuse liant deux peuples de la Méditerranée. De cette double appartenance, il a fait une force au service de la lutte qu’il a menée aux côtés de Hocine Aït-Ahmed pour le respect des droits de l’homme et pour l’instauration de la démocratie en Algérie.
Interpellé dès le mois de juin 1987, son assassin présumé, trouvé porteur d’un ordre de mission de la sécurité militaire algérienne, a été expulsé en urgence absolue en Algérie et ainsi soustrait à la justice française.
En d’autres temps, sous la présidence du général De Gaulle, l’assassinat d’un opposant politique marocain, Mehdi Ben Barka, à tout le moins, donna lieu à un procès le 17 avril 1967 et à la condamnation par contumace du général marocain Mohamed Oufkir.
Pour Mécili, rien de tel, mais un lourd silence de vingt ans et une impunité assurée jusqu’à ce mois de décembre 2007 où le juge d’instruction en charge de l’affaire délivra des mandats d’arrêts internationaux et où la justice parut reprendre son cours.
C’est ainsi qu’au mois d’août 2008 fut interpellé et mis en examen celui qui aurait été l’organisateur de l’assassinat. Depuis, ce dernier crie à l’erreur d’identité tout en refusant de se soumettre aux expertises génétiques et graphologiques et d’apporter ainsi la preuve de ce qu’il avance.
La journée du mardi 14 octobre sera décisive : c’est en effet à cette date que les magistrats de la chambre d’instruction de la Cour d’appel de Paris décideront de suivre les réquisitions du parquet général favorable à l’annulation de la mise en examen ou se prononceront pour la poursuite de l’instruction afin qu’il soit permis de faire enfin la lumière sur cette affaire.
Aujourd’hui, monsieur le président de la République, je veux croire que tout sera fait pour que justice puisse être rendue. Lors de l’élection présidentielle vous avez déclaré que vous veilleriez à l’indépendance de la justice et je ne peux douter de votre engagement à promouvoir les libertés et les droits de l’homme. Vous avez eu, à cet égard, des paroles fortes lors d’un discours prononcé le 28 février 2007 :
« Je ne prétends pas que la seule évocation des droits de l’homme puisse constituer le socle d’une politique étrangère. Mais valeurs et intérêts, en réalité, se rejoignent (…). L’histoire montre que le sacrifice des valeurs au nom d’intérêts à court terme ou d’une stabilité d’apparence n’engendre que la frustration, le désespoir et la violence. »
Il est clair, monsieur le président de la République, que «le grand rêve méditerranéen de fraternité» auquel vous avez appelé lors de votre discours à Constantine au mois de décembre dernier ne pourra se réaliser tant que la raison des Etats se dressera contre la raison des citoyens, contre celle des peuples.
Je vous remercie de l’attention que vous porterez à ma lettre et vous prie de croire en l’expression de ma très haute considération.
Annie Mécili