Boukerzaza: “Hasseni n’est pas Hassani, mais un autre Hassan… Terro”
La machine de la désinformation de masse vient de se mettre en branle. Le battage médiatique algérien a finalement reçu le signal de départ. On s’en serait douté un peu. Haro, donc, sur la France et sa Justice. Un feu nourri, croisé, hystérique sur la justice et la classe politique française est déclenché pour destabiliser et abattre le juge Thouvenot. La presse algérienne, jusque-là tenue en laisse à une bonne distance de cette affaire, se déchaîne, de concert, sans retenue, sur l’ex-colonisateur. Un titre que notre presse aux ordres, patriote à l’occasion, remet au goût du jour chaque fois que le régime algérien se trouve au box des accusés. À chaque fois qu’il est au pied du mur dans une affaire scabreuse de laquelle il n’arrive pas à tirer son épingle intelligemment et diplomatiquement. Etant donné notre expérience (réconciliation et gros chèques pour les familles des victimes) dans le traitement des affaires criminelles où la responsabilité de l’Etat est évoquée, ne peut servir dans ce cas-ci, alors, on utilise les grands moyens médiatiques bien rodés.
En fin observateur, Boukerzaza, ministre de la Communication, ouvre le ballet orchestré de la foudre, à partir de Jijel avec des salves, le moins que l’on puisse dire, est qu’il prend son auditoire pour des demeurés. Il voit dans la confirmation de l’inculpation de M. Mohamed Ziane Hasseni par le juge Thouvenot qui a lancé un mandat d’arrêt en 2007, une riposte aux déclarations de Chérif Abbas, ministre des Moudjahidine, contre Sarkozy, quelques jours avant la visite de celui-ci en Algérie. Ses brillantes élucubrations le mènent jusqu’à asséner sans se démonter, tenez-vous bien, que la décision de supprimer tout match de l’équipe nationale française de football avec les équipes nationales maghrébines à Paris est une autre manifestation de la rancoeur qui morfond la classe politique française contre l’Algérie. Grâce à cette plaidoirie subtile, on comprend maintenant que notre diplomate Hasseni, sous contrôle judiciaire, est non seulement victime d’une monumentale méprise sur son patronyme, mais aussi qu’il est un souffre-douleur qui expie un crime de lèse-majesté commis par un autre haut responsable. De la sorte notre malheureux haut responsable se retrouve, à son corps défendant, au centre d’une partie de jeu pervers faite de manigances et de vengeances entre deux états. Cette situation ressemble, à s’y méprendre, à celle d’un certain Hassan Terro entre les mains des paras…Mais ne rions pas, ce n’est pas une volonté de sarcasme qui se cache derrière cette métaphore, l’affaire est trop grave, mais c’est un simple parallèle vers lequel fait glisser la perspicacité politique du ministre de la communication.
Pourtant au départ de cette histoire, M. Boukerzaza, avec ses “no comments” et ses interventions très mesurées, donnaient une image d’un homme très rationnel, pragmatique et très diplomatique. Rien n’indiquait dans ces déclarations précédentes qu’il était un type à perdre contenance et débrayait dans des divagations.
Son intervention musclée à Jijel s’est produite simultanément avec des analyses “très patriotiques” et très élaborées, dans la presse algérienne connue pour son dévouement un peu spécial pour la vérité et la justice… Avec une rare violence, elle s’est mise au diapason pour jeter l’opprobre sur le juge impudent dans un délire incroyable caractérisé par l’esbroufe et le cabotinage. Ces journalistes ne sont plus des tayabbet el hamam pour la circonstance. Revenu à de meilleurs sentiments, le saint président, les a absous de leur égarement et a effacé, dans la foulée de son messianisme, leurs péchés et leurs dettes.. Ils ont un rôle maintenant: ils portent les couleurs nationales… En bonnes matrones, elles hissent le drapeau plus haut que les autres, serrent bien leurs turbans, tiennent bien leurs ustensiles de cuisine dans leurs mains et… provoquent un boucan à vous faire éclater les tympans. Ensuite, elles prennent leurs marmitent usées et y mettent des ingrédients à vous faire écarquiller de stupeur. Voilà la recette miracle : “D’abord, noyer le poisson dans l’eau de la marmite. Versez l’affaire de Hasseni toute fraîche. Ajoutez-y l’affaire de Cheb Mami, qui tombe à point. Enfin, ajoutez un soupçon de l’Affaire des moines de Tiberine sans décongeler. Agitez le tout sous un feu ardent fait de tout bois et laisser cuire longtemps”. Le plat servi est que les français ne cessent pas de nous la ramener avec leur justice mitterrandiste à la c… Ils ne peuvent plus conjuguer l’impunité et l’immunité diplomatique. Ils ont perdu le sens de l’hospitalité et de la diplomatie. Ben voyons! Pour un pays qui représente la seule destination de tourisme médical que connaissent nos hauts et patriotes responsables tout au long de leur vie, c’est un peu fort. Et voilà donc comment nos journalistes soignent leur image et l’image de notre Etat de droit.
Pour nous, simples observateurs, roturiers parmi les roturiers, ghâchi magal chis, qui essayons de voir clair sans se berner par l’argutie mesquine de la presse aux ordres qui tente de brouiller les pistes, il s’agit de se mettre dans la peau d’un juge neutre, intrépide et insensible aux tentatives de diversions. Un tel juge doit prévoir toutes les hypothèses. Ainsi, M. Hasseni pourrait être un innocent bien sûr, mais le cas contraire n’est surtout pas à exclure. Tant qu’il n’y pas de preuves de sa culpabilité, il reste innocent bien sûr encore une fois. Mais un juge ne doit pas fermer le dossier de l’instruction s’il ne voit pas de preuves tangibles ou attendre que ces preuves viennent à lui par eux-mêmes. Il a le devoir moral et l’obligation professionnelle d’aller les chercher avec force obstination et haute rigueur. Il se donne tous les moyens possibles et imaginables pour atteindre cet objectif y compris celui d’obliger, par la force de la loi, le mis en cause de collaborer totalement dans les investigations. Les gens justes et rationnels ne verront pas dans cette attitude une persécution contre le prévenu ni une partialité envers la victime, mais un comportement digne de respect et un signe de professionnalisme méticuleux. On n’est pas naïfs pour ne pas reconnaître une volonté malsaine qui essayerait d’incriminer un prévenu avec des preuves fantaisistes. Comme on se laissera pas leurrer par des arguments subjectifs d’un nationalisme malvenu qui fera obstruction à la loi. Une obstruction à la loi est toujours très suspecte.
Le problème est que si notre diplomate est coupable, et si la justice française tient le coup et n’abdique pas devant les injonctions algériennes, quelles seront les conséquences pour les rapports entre l’Algérie et la France maintenant que les hostilités sont déclarées? L’Algérie pourra-t-elle geler ces relations privilégiées avec elle pour cette affaire? Qui sera le perdant dans une éventuelle confrontation diplomatique? Nous nous retrouverons aussi isolés que l’a été le Maroc face à l’Espagne dans leur conflit sur l’île de Leïla.
Surtout, quelle sera l’attitude de M. Hasseni s’il arrivait, Allah yestor…, qu’il soit confondu. Balancera-t-il les autres coupables sous le coup de la peur comme le célèbre et émouvant trouillard Hassan Terro?
Par Sniper