28 octobre, 2008
Un repenti à Ennahar: »C’est comme ça qu’on a tué Matoub !”
La traduction du témoignage du repenti H. B. originaire de Tizi-Ouzou
Un repenti répondant aux initiales H. B., originaire de Tizi Ouzou, et qui a choisi l’anonymat de peur de représailles a indiqué : « C’est moi qui avais récupéré le kalachnikov de Matoub trois mois seulement après son assassinat, pour m’en servir durant plus de six ans. » Et cela » jusqu’à ma reddition en mai 2004. » Le repenti a tenu à apporter de nouveaux éléments à l’obscurité qui entoure toujours l’affaire de l’assassinat du chantre kabyle. » J’ai été loin du lieu du lâche assassinat…car j’activais dans la région de Boghni. Un groupe de huit éléments, dans la majorité sont morts, excepté le dénommé M. Abdenacer, né en de 1976 et originaire du village Boumehalla de Sidi Naâmane de Tizi Ouzou. Cet élément active toujours avec Katibat Ennour. » A propos de la raison directe de l’assassinat de Matoub Lounès, un des symboles de la Kabylie, l’orateur a souligné, en dehors de ses anciens camarades des maquis que nous avons abordés, « depuis sa libération après son rapt en 1994, il n’a pas tenu ses promesses à l’endroit des groupes armés. Ses promesses consistaient à transmettre leur message aux uns et aux autres, notamment la lecture de leur déclaration pour les chaînes de télévisions étrangères, qui donnaient une importance au défunt. » A cela s’ajoute, a-t-il enchaîné, « les groupes armés voyaient en lui un mécréant qui n’est pas dans le droit chemin et un kafer.
Dans la plupart de ses albums, il chante des citations qui attentent à Dieu et au prophète de l’islam et à la religion musulmane en général. » Il poursuit, en indiquant qu’au delà de cela, « Lounès Matoub a trahi les groupes armés en refusant de lire sur les plateaux des chaînes étrangères le message sus-cité. Les raisons de cette « traîtrise », serait un député du RCD à l’APN qui est un docteur spécialisé en psychiatrie.
Lorsque nous lui avons demandé de donner le nom de ce docteur, il disait qu’il ne se souvenait pas de son nom. (Une histoire à dormir debout El Mouhtarem) Ce même docteur qui faisait dans le lavage des cerveaux des victimes pour qu’elle ne lisent pas le message adressé aux chaînes de télévisions étrangères, et ensuite il les manipulait contre les groupes armés. Depuis l’épisode de la non lecture du message, les groupes armés ont décidé de porter le nom de Matoub Lounès sur la liste de leurs cibles. » Toujours selon le repenti, « l’occasion d’éliminer le chanteur ne s’est pas présentée à cause de ses multiples déplacements à l’étranger. »
La réunion de Béni Douala la veille de l’assassinat du fils de la région
Notre interlocuteur, H. B. disait que « la veille de la liquidation de Lounès, soit, le 24 juin 1998, une réunion spéciale s’est tenue dans la région de Béni Aissi, à quelques encablures de Béni Douala, la région de l’artiste. La réunion s’est tenue en plein air, aux lisières d’un oued, qui s’est ouverte à l’heure du maghreb. Elle n’a pas durée longtemps…une heure de temps. C’était le maximum pour étudier l’opération diabolique. Tous les éléments étaient en civil, sous la présidence de l’émir de katibat Ennour, alias Abdelaziz Abou Fayçal. Il est originaire des Eucalyptus à Alger. Il était accompagné de sept autres éléments et à leur tête, le dénommé Abdellah qui était l’émir des sériate de Dellys. A cela s’ajoute, le conseiller militaire, le dénommé Salim, de son vrai nom, Zermout Mohamed, originaire d’Affir de Dellys. M. Abdenacer, de Boumehella de Sidi Naâmane, Kiche Fateh, alias, Abou Dedjana, originaire de Lakhdaria de Bouira et Mahieddine Azzedine, Kamel Bachatène, issus de la ville de Tizi Ouzou ainsi que l’émir Mustapha Baghlia, qui était, à cette époque, simple militaire.
Le jour suivant, avant la levée du jour, en pleine obscurité de la nuit, le groupe s’est déplacé au carrefour de Talla Bounane, le lieu de l’attentat. Ce lieu était choisi parce qu’il était proche de leur centre. Ils étaient tous armés et ils portaient des vêtements civils. Ils ont occupé le lieu jusqu’au moment de l’attentat. Ils avaient pris position du côté du chauffeur. Mustapha Baghlia était à quelque cent mètres du lieu afin de repérer la victime. Il était informé de la venue de Lounès grâce à un téléphone sans fil.
A son arrivée, tout le groupe tirait sur la victime qui essayait de se défendre… » Sur ce point, nous avons interrogé l’orateur sur le comment de la sortie indemne des deux sœurs et de la femme de Lounès qui accompagnaient Matoub dans sa voiture de marque Mercedes, et ils revenaient du restaurant le Concorde de Tizi Ouzou ? Il a rétorqué que « ses camarades tiraient dans la direction de la victime « , et d’ajouter que « Dieu les a épargné et il leur a donné, ce jour-là une longue vie. Juste après son assassinat, le groupe a récupéré une arme de type kalachnikov, un PA, pour s’enfuir vers leur QG avant de rejoindre, vers la tombée de la nuit, les maquis de Sidi Ali Bounab « . Il a ajouté que, » l’opération du repérage de la victime a duré deux semaines, les chargés de cette mission sont actuellement en prison. Ils sont poursuivis pour soutien au terrorisme. Ces deux éléments sont, Malek Medjnoun et Chenoui Mahieddine. » » C’est à cause de cela que l’organisation a refusé de publier un communiqué pour revendiquer l’attentat et ainsi la peur des représailles de la rue kabyle qui adore la chanteur.
Deux mois après l’assassinat de Lounès, deux inconnus ont publié un communiqué revendiquant l’assassinat, aussitôt le communiqué publié, le groupe islamique armé et à sa tête Hassen Hattab a publié un autre communiqué afin d’infirmer le premier et donc leurrer l’opinion publique… ».
Ils sont tous morts, sauf Nacer Madhmoune
Tous ceux qui avaient participé à l’assassinat de Lounès sont morts. Les forces de sécurité les ont neutralisés et à leur tête, l’ANP. Commençant par l’émir des katibate Ennour, Abdelaziz Abou Fayçal, lors d’une souricière tendue dans les maquis de Sidi Ali Bounab, avec trois de ses compagnons, alors qu’ils se promenaient dans la forêt. A eux s’ajoute, Abdellah, émir de la sériate de Béni Douala, tué lors d’un ratissage de l’ANP en 2002 dans les mêmes maquis, en compagnie du conseiller militaire, le dénommé Salim. Ensuite, le célèbre émir Mustapha Baghlia, qu’on a liquidé récemment, et Mahieddine Abdelaziz, tué par les éléments de l’Armée nationale populaire dans une souricière tendue au lieu dit Pont de Bougie, en 1999. Car c’était lui qui portait le PA de Matoub, et que les forces de sécurité avaient récupéré. Enfin, le dénommé Kamel Bachatène tué lors d’un ratissage dans les monts du Djurdjura par les éléments de l’ANP en 1999.
Le conseiller militaire m’a offert le kalachnikov de Matoub
Notre interlocuteur nous a raconté l’histoire du kalachnikov de Lounès en disant, « c’est Salim, le conseiller militaire, qui m’avait offert l’arme de Matoub afin de la liquider de peur que la population ne la découvre sur lui… en pensant qu’ils reconnaissent cette arme qui appartenait à un élément de l’ANP et qui avait une petite panne.
Trois mois après l’assassinat de Matoub, Salim et huit autres de ses compagnons se sont déplacés depuis les maquis de Sidi Ali Bounab vers ceux de Boghni à Tizi Ouzou pour une visite de courtoisie où activait H.B. Lors d’une réunion, nous avons échangé nos armes, tout en faisant montre de la fierté de porter sur lui l’arme de l’un des symboles de la région de Kabylie, en avouant que l’arme ne l’a pas quitté. Il a ajouté qu’il avait pris le soin de l’arme, jusqu’à la mettre sous son oreiller lorsqu’il dormait, sans oublier qu’il l’utilisait jusqu’en 2004, le jour où il l’a remise à la BMPJ de la wilaya de Tizi Ouzou, lors de sa reddition « .
Il a expliqué, par ailleurs, » qu’il était au mois de février 2004 dans la région de Tassadourne, où il était en réunion avec six de ses collègues, dont l’un d’eux a été blessé. Ils étaient tous convaincus de l’idée de la réconciliation nationale telle que prônée par le président de la République. Le médiateur était un jeune de Draâ Ben Khedda, lequel était membre du comité de soutien. Il était le médiateur entre le groupe et le commissaire de la police de la région, le dénommé, Belaïdi Madjid.
Afin de faciliter les négociations qui avaient duré presque un mois, il leur a offert un téléphone portable et une puce Djeezy. Après l’accord, au mois de mai, la libération de H.B, en compagnie de Fayçal, Madjid, Khaled à l’heure de la prière du maghreb intervenait. Ils avaient étonné leurs camarades avec ce retour. Un civil conduisant un fourgon J5, envoyé par la police est chargé de les déplacer, pour une rencontre au siège de la BMPJ, déjà cité. Ils avaient rendu un fusil de chasse, un kalachnikov, celui de Matoub et un autre à pompe.”
Propos recueillis par Katia A. Ennahar .
Traduit par M. Mouloud