Au crépuscule de sa vie, le président ne renonce pas à son instinct dominateur. Pour cela il est prêt à hypothéquer l’avenir de l’Algérie après avoir infantilisé son peuple par un populisme digne des grands dictateurs arabes et africains. Rien ne résiste à sa volonté de tout contrôler. La marche vers le 3e mandat est inexorable. Bouteflika a choisi l’ambiance de 1er Novembre pour porter son coup d’estocade à la démocratie embryonnaire dans la plus pure tradition du clan d’Oujda. Cela rappelle en effet le coup d’Etat de 65 auquel il a participé. Cette violation de la loi, dont on garde toujours les stigmates, a été planifiée à quelques jours de la commémoration de l’indépendance.
Donc, après l’annonce de M. Bouteflika de vider de sa substance la Constitution de Zeroual, et dans la foulée tuer dans l’oeuf les prétentions historiques de celui-ci, la deuxième étape de ce drame algérien vient de commencer.
Les députés, contrôlés de près par le Pouvoir, vont approuver, sans discuter, « l’amendement » imposé par ce que l’on peut qualifier désormais, le monarque de l’Algérie. Que peut-on attendre de ces députés, gorgés et alourdis par des liasses de billets de banques, excepté la faculté canine d’aboyer, avec conviction et sérieux, des oui-oui, et après-coup glapir joyeusement, dans leurs paumes, des you-you stridents?
Ces fonctionnaires, mercantiles à outrance, ont reçu la meilleure description qu’on puisse faire de leur nature par Louisa Hanoun. Ils sont tout simplement un danger pour l’Algérie. Une accusation gravissime qui vient de l’intérieur de ce corps. Mais comme cette dame a perdu sa crédibilité d’antan, notamment en acceptant le principe des mandats présidentiels illimités, ses positions fracassantes ne font plus recette. Et pourtant, elle et ses congénères du Parlement ne sont pas moins un vrai danger public.
D’autres acteurs vont être mobilisés pour participer au crime qui se déroule sous nos yeux. Ceux qu’on appelle pompeusement « sénateurs » du « conseil de la nation », ne font pas figure d’exceptions dans cette entreprise de destruction de l’édifice démocratique. Le sénat, dont l’existence n’est nullement remise en cause par l’amendement de Bouteflika (tient quel magnificence!…), est la partie la plus sombre de l’oligarchie institutionnalisée et l’artillerie la plus lourde contre les réformes démocratiques; contre la désaliénation du peuple.
C’est un véritable musée d’archéologie feutré, climatisé, capitonné, dans lequel se meuvent des statuts et des bustes ternes et sans vies, des reliques du passé, au relent de fauves, sans d’autres prétentions politiques que celle de laper dans les mains des généraux ou du généreux bienfaiteur qui les ont cooptés.
Les élus ailés de cet antre du repos et de la quiétude éternelle n’ont aucun lien avec la jeunesse d’aujourd’hui éprise de justice de liberté et d’un souffle de démocratie. Une démocratie telle qu’elle la voit dans les pays qui se respectent et non comme l’interprète et la décrète M. Bouteflika, le monarque.
Les locataires de ce cénacle sont gardiens du temple du système qui a conduit l’Algérie à la faillite. C’est à eux que revient la mission de bloquer toute velléité révolutionnaire, démocratique ou volonté populaire de mauvais goût qui réussirait à passer au travers du premier sas de la chambre basse. La chambre Haute est beaucoup trop haute pour entendre nos gémissements. Entre eux et le Bon Dieu il n’y a pas une grande distance. Vieillesse oblige, ces élus sont justes à quelques voyages, en France ou à la Mecque pour traiter leurs maux somatiques ou psychiques étant donné que leurs consciences sont trop chargées. Cette noble élite est composée de toute sorte de mercenaires politiques. Certains le sont avec ferveur, d’autre avec résignation affectée, mais tous avec une volonté coupable. Il y’a des pourris, des lavettes, des caciques du carriérisme et j’en passe.
Pour faire bonne figure et se donner du sérieux, le Pouvoir soudoie sans compter. Dans le lot du tiers présidentiel, on trouve des personnalités illustres ayant succombé aux sirènes de l’opulence et du pouvoir.
Il y a des compétences moralement vierges, des notables probes avant de se compromettre, des moudjahiddins qui confondent indûment, la subornation présidentielle et appel du devoir national. Mais là où le bât blesse, c’est de voir parmi ce florilège de la servitude, des visages qui n’auraient pas dû participer à cette tragédie. Ce sont les pires car ils ont été choisis pour leurs patronymes. Leurs noms sont synonymes d’un certain prestige; autrefois ils signifiaient quelque chose pour le peuple. Et le prestige justement, les corps constitués en manquent affreusement. Alors, on achète ce qui se vend. Par leur implication dans le jeu fourbe du Pouvoir, les légataires de ces noms monnayent sciemment leurs noms pour cautionner l’asphyxie du peuple. Ces prête-noms n’ont rien apporté à l’Algérie sauf qu’ils sont dépositaire d’un héritage glorieux appartenant au patrimoine de tout un peuple. Au lieu de faire bon usage de cet héritage, ils détruisent l’idéale, de justice de liberté et d’égalité qui a guidé leurs géniteurs.
Par exemple, on apprend aujourd’hui, qu’une des dernières abonnées à cette assemblée de la démocratie algérienne spécifique, n’est autre que la petite-fille de Abdelhamid Ben Badis Allah Yerahmou. Un autre grand symbole algérien vient d’être confisqué par fakhamatou.
Voilà donc comment M. Bouteflika légitime et donne une conscience à ces ambitions de mégalomane. On se demande en qualité de quoi, cette dame vient d’être nommée à ce poste? Quelle remarquable œuvre a-t-elle fait pour le pays? Ben Badis aurait-il accepté d’être serviteur de Bouteflika? Une question peu banale, mais on se la pose tout de même, car sa petite-fille vient de compromettre son nom uniquement parce qu’il est son père. L’association des oulémas n’a-t-elle rien à dire à ce sujet? Ou cette association a-t-elle pris l’habitude de prendre, seulement en retard, le train des grandes mutations? La nouvelle Constitution stipule pourtant que les symboles, de notre patrimoine historique, ne doivent pas être exploités pour des objectifs partisans. En agissant de la sorte, M. Bouteflika est le premier à avoir violé sa propre Constitution avant même qu’elle soit adoptée. Ce qui, en passant, prouve encore que le problème de déconfiture politique algérien n’a jamais été d’ordre constitutionnel, mais bien dans la démocratie de façade et dans l’asservissement de la justice et la faiblesse la loi.
La concernée peut s’en offusquer comme une vierge effarouchée, mais les faits sont malheureusement là. Elle et tous les autres sont au service d’un monarque et au service de la perpétuation de son système totalitaire qui répugne d’entendre dans les médias nationaux, les pourfendeurs de toutes les supercheries de ses thèses. Tant que ses partisans et ses opposants non pas le même droit d’accès, en tout temps, à ces médias, mesdames et messieurs les députés vous serez la honte du peuple algérien. Vous êtes le produit de ce système inique autant que la large couche des gueux qui sont écrasés par son mépris et qui pour survivre, certains doivent aller chercher leur nourriture dans les décharges publiques. Mais si ces derniers sont à compatir et restent nos frères malgré leurs conditions, vous, mesdames et messieurs, les députés de la haute et de la basse, vous êtes à plaindre.
Par Sniper