Chers frères algériens: pour comprendre les récents propos de l’ex-président Chadli, il faut d’abord savoir que l’Algérien après l’indépendance a oublié pourquoi il s’est battu, à savoir sa dignité… Tous les présidents algériens ont été installés par l’armée, même si la popularité de certains de ces présidents a été la cause de leur désignation (Ben Bella, Boudiaf), l’armée se devant de les utiliser pour se cacher derrière eux, le temps de s’installer, puis les balancer après utilisation.
Ben Bella et Boudiaf ont payé leurs erreurs, mais à cause d’eux, le peuple continue toujours de payer leur manipulation par l’armée (Hogra, Harga). Quant à Boumediene, Chadli, Zeroual et Bouteflika, ce qu’il est important de distinguer d’abord, c’est l’aspect principal de notre désespérance sous la gouvernance de ces présidents et non les aspects secondaires. Ces derniers consistent à dire par exemple que tel ou tel président a fait des réalisations économiques, ou sociales, ou culturelles ; ou que tel ou tel président est honnête et qu’il n’a rien mis dans sa poche; ou que tel ou tel président a été pleuré après sa mort par les chakkamas qui se trouvent parmi le peuple.
Tous les dictateurs et les rois arabes, même le Shah d’Iran, ont fait des réalisations économiques et ont été pleurés par leurs chakkamas. L’Algérie ne fait pas exception. Non, ce qui devrait nous importer, en mettant de côté tous les bla bla soi-disant scientifiques et tutti quanti, c’est l’aspect principal de notre désespérance, c’est ce système «qui survit aux évènements et aux hommes» qu’a installé Boumediene qui détenait le pouvoir réel depuis le 5 juillet 1962, un système qui persiste jusqu’à aujourd’hui, un système régi par la peur et la délation (brevet d’invention : Boussouf qui a expérimenté déjà ce système à Oujda avant l’indépendance), un Etat de non droit composé de 3 catégories d’Algériens: la familia des décideurs (militaires), la cohorte des batteurs de bendirs et des khobzistes (FLN, RND, MSP) et le reste du peuple (la majorité).
Le malheur, c’est que, dans cette majorité des laissés pour compte, on trouve beaucoup de chakkamas envers des présidents qui ne leur ont jamais demandé leur avis pour les gouverner. A la différence des autres présidents, Chadli a reconnu que le système installé par Boumediene est un système de hogra et qu’il fallait y mettre fin en donnant la voix au peuple. Il l’a dit quand il était président, il l’a réalisé de 1988 à 1992 (la récréation démocratique) et il le confirme aujourd’hui. S’il n’a pas pu réaliser ses propres convictions du temps où il était président avant 1988, c’est parce qu’il en a été empêché par les Boumedienistes (le pouvoir réel) incrustés dans les rouages de l’Etat.
Il a fallu au président Chadli le discours du 19 septembre 1988 pour provoquer la révolte d’octobre 1988 pour enfin pouvoir arriver à son but de changer le système de la hogra: constitution pluraliste, multipartisme, liberté de la presse, débats démocratiques télévisés, etc.…La plupart de ceux qui critiquent Chadli en traitant son régime de décennie noire sont des partisans du système boussoufiste/boumedienniste ou de leurs chakkamas.
En fin de compte, mon frère algérien, la politique en Algérie, ce n’est pas un problème de régionalisme mais tout simplement un problème de chkima: arrêtons d’être des chakkamas de gens qui nous ont méprisé et qui continuent de nous mépriser et dont le système de gouvernement est basé sur la peur. Le comble du malheur algérien, c’est que la chkima n’est pas l’apanage du petit peuple. Même, notre ingénu Chadli qui a reconnu avoir été complice du meurtre du colonel Chaâbani y est allé de la sienne: d’après lui, le colonel Saïd Abid s’est suicidé (El khabar du 04/12/2008). Puisque la chkima est à la mode, moi aussi, j’ai relevé un grand nombre de suicides dans notre pays musulman où le suicide ne fait pas partie de nos mœurs : Medeghri, Kaïd Ahmed, Krim Belkacem, Abane Ramdane et bien d’autres.
Les Algériens sont maudits tant qu’ils continuent à dire du bien de leurs dictateurs et qu’ils ne rendent pas justice aux assassinés et aux exilés politiques: ils ne sortiront jamais du gouffre dans lequel le régime des dictateurs les a précipités.
Par Said Benfreha