L’ex vice-consul de Tunisie à Strasbourg a été condamné ce lundi à huit ans de réclusion criminelle pour complicité dans les actes de torture commis dans son pays en 1996. Pour les défenseurs tunisiens des droits de l’homme, c’est une vraie gifle infligée au régime de Zine Abidine Ben Ali.
Il est très rare que la justice française accepte de se prononcer sur une affaire en faisant jouer le principe de la « compétence universelle » qui permet aux juridictions nationales de poursuivre les auteurs présumés des crimes les plus graves. La première fois, c’était il y a trois ans. Un officier mauritanien avait alors été condamné. La deuxième fois c’était ce lundi…
Un diplomate tunisien, Khaled ben Saïd y était jugé par la cour d’assises du Bas Rhin à Strasbourg pour « complicité dans des actes de torture » commis en Tunisie contre une compatriote en 1996. Il a été condamné à huit ans de réclusion criminelle.
Il s’agissait d’un jugement par défaut – l’homme n’est plus en France depuis longtemps- et la décision des juges est donc avant tout symbolique. Mais pour les défenseurs tunisiens des droits de l’homme, convaincu que leur combat ne peut porter que s’il trouve des échos en Europe et surtout en France, c’est une vraie gifle qui a été infligée au régime de Zine Abidine Ben Ali. Celui-ci faisait d’ailleurs partie des témoins cités à comparaître… Il était bien sûr absent.
Une gifle pour le régime tunisien
La Ligue française des droits de l’homme et la Fédération internationale des droits de l’homme s’étaient constituées parties civiles et la plupart des personnes qui ont été appelées à la barre ont saisi l’occasion qui leur était offerte pour dénoncer le caractère policier du régime tunisien.
Les autorités tunisiennes parlent, de leur côté, d’une « affaire montée de toutes pièces » en rappelant que « la torture et autres traitements inhumains et dégradants sont rigoureusement interdits » en Tunisie. Ce qui est vrai… sur le papier.
La plaignante, Soulaikha Gharbi, est l’épouse d’un militant islamiste tunisien. En octobre 1996 elle est arrêtée par des agents de la DST tunisienne qui veulent des informations sur son mari, réfugié depuis peu en France. Soumise pendant deux jours à des actes de torture puis libérée, elle revoit par hasard l’un de ses tortionnaires un an plus tard en allant récupérer son passeport au commissariat et relève son nom.
En mai 2001, apprenant qu’il a été nommé au poste de vice-consul à Strasbourg, elle porte plainte. Informé de cette procédure par le commissaire en charge de l’enquête, le policier-diplomate prend la poudre d’escampette avec le soutien des autorités tunisiennes qui n’exécuteront jamais le mandat d’amener international pourtant délivré par le juge d’instruction.
Il faut dire que Paris ne tient pas à ce que cette affaire envenime les relations franco-tunisiennes. Lors de sa visite en Tunisie, en avril 2008, Nicolas Sarkozy avait même affirmé que « l’espace des libertés » y progressait, et Rama Yade a vite cédé aux injonctions du Palais de Carthage qui ne souhaitait pas qu’elle rencontre, comme cela avait été pourtant initialement prévu, l’Association tunisienne des femmes démocrates. Jacques Chirac n’était pas moins indulgent.
La « compétence universelle », un principe gênant pour la diplomatie française…
Et le Parlement français pourrait, dans quelques mois, voter une loi interdisant l’application par la justice française de ce principe de « compétence universelle » qui peut être si gênant pour la diplomatie française. Il y a quelques années déjà, il avait fallu « exfiltrer » discrètement le général algérien Khaled Nezzar pour éviter son arrestation.
Les autorités françaises, qui n’ont pas fait d’excès de zèle, bien au contraire, espèrent que Tunis gardera un profil bas. D’autant qu’une autre affaire judiciaire empoisonne en ce moment les relations entre la France et l’Algérie.
Il ne s’agit pas là de « compétence universelle » car les faits ont eu lieu sur le territoire français. Mais il s’agit également d’un diplomate. Mohamed Ziane Hasseni a été placé sous contrôle judiciaire au mois d’août dernier à la suite de son interpellation à l’aéroport de Marseille. Accusé de « complicité » dans l’assassinat en 1987 à Paris de l’avocat Ali Mecili qui était à l’époque une des figures de l’opposition algérienne, il a été placé sous contrôle judiciaire et ne peut donc quitter la France. Depuis les autorités algériennes sont intervenues à plusieurs reprises, accusant même la France de « prendre en otage » le diplomate. Aux dernières nouvelles, à en croire le quotidien algérois l’Expression, elles menaceraient même Paris de représailles économiques.
Source: L’Express