10 janvier, 2009
Ghardaïa: Le triple combat des militants du FFS
Sortie sur le terrain. Une écoute sereine des préoccupations réelles et douloureuses d’une population qui se réveille le 01 octobre sous les rafales d’un véritable tsunami. Maisons et édifices sont emportés par les eaux. Entre ceux qui l’incombe à la nature et ceux qui pointent du doigt les malfaçons de l’administration, c’est tout un débat.
Il est 10h 30. Nous rentrons au siège du FFS de la wilaya de Ghardaïa où nous accueillent des militants et responsables de la fédération du parti. Ces derniers étaient sur les lieux depuis déjà prés de deux heures ! Si à Ghardaïa on respecte les invités; on respecte aussi la ponctualité. Les Mozabites ne perdent pas leur temps dans des futilités. Les militants du FFS de Ghardaïa sont motivés et déterminés à combattre le pouvoir et ses relais qui les répriment au quotidien.
Dans la grande salle de réunion, nous nous retrouvons face à des militants disciplinés et organisés. Ils prennent la parole à tour de rôle. Ici les gens ont appris à écouter les autres, à s’écouter. Les militants ont témoigné, à tour de rôle, du drame qu’a vécue leur région lors des inondations de septembre dernier. Pas d’exagération dans les propos, pas d’insultes ni d’invective y compris à l’égard des autorités qui pourtant gèrent mal le vécu des citoyens.
Enthousiastes et déterminés, les militants ont tenu à ne raconter que les faits qu’on peut vérifier sur le terrain. A Ghardaïa, les responsables du FFS sont animés par une volonté de poursuivre le travail de proximité qui renforce le parti et le rend visible au niveau de la société. A cet effet, le docteur Kamel Eddine Fekhar, une des figures emblématiques de la région, ne cesse pas de demander à ses camarades de redoubler d’efforts pour accentuer la montée du parti au niveau de l’ensemble des localités de la région.
Lors de ses multiples interventions, le docteur Fekhar fait ressortir que le les militants du FFS à Ghardaïa font face au pouvoir répressif, aux «Mozabites de service», qui sont prêts à «vendre leurs mères pour accéder à des privilèges », et enfin à une partie des populations arabophones que le pouvoir utilisent pour casser le parti. En résumé, les militants du FFS mènent un triple combat ! Mais tous s’accordent à dire que leur principal adversaire demeure le pouvoir qui ne lésine pas sur les moyens afin de briser toute velléité de changement du mode de gouvernance. Car en ce qui concerne les «querelles» entre Mozabites et populations arabophones, les militants du FFS déclarent : « Nous assumons pleinement la différence qui est un signe de richesse»…
A Ghardaïa, les militants du FFS mènent un combat pour la démocratie, les libertés mais aussi et surtout pour la sauvegarde de leur identité et le respect de leurs rites et traditions. «Nous sommes agressés quotidiennement. (Ils) veulent nous exterminer et effacer notre histoire», regrette un militant, sociologue de formation. Par ailleurs, un élu de la commune de Ghardaïa illustre les propos de son camarade par un fait grave qui s’est passé au niveau de la ville, il y a de cela quelques jours. Les faits remontent au début du mois de novembre lorsque des dizaines de citoyens, dont de nombreux militants du FFS, décident de reconstruire le mur du cimetière qui s’est effondré lors des inondations.
Très tôt le matin, les citoyens démarrent leur chantier dans le cadre d’un volontariat. Quelques minutes plus tard, des jeunes du quartier, s’opposant à la reconstruction du mur sous prétexte d’élargir la route, se sont mis à attaquer les volontaires par des pierres.
Les images sont immortalisées par la caméra d’un militant du FFS. Dans le salon de la maison d’un camarade qui nous a conviés à un déjeuner, nous avons suivi via des images vidéo l’attaque qui a duré plusieurs minutes. Les images sont à la fois horribles et désolantes. «A croire que nous sommes en Palestine, alors que nous sommes juste à Ghardaïa», ironise le militant qui a filmé la scène. En effet, ni les jets de pierres, ni la venue du wali, ni l’attitude des policiers qui tentent de séparer «gentiment » les antagonistes, ne sont venus à bout de la volonté des «ouvriers du vendredi » à reconstruire le mur du cimetière en un laps de temps records.
Durant la discussion, Docteur Fekhar nous raconte les minutes de la rencontre de deux délégations représentants les « belligérants » avec le wali. « Devant l’insistance des « habitants » du quartier de démolir le mur sous prétexte d’élargir la route d’un mètre, le wali leur propose une alternative : maintenir le mur et démolir deux bâtisses pour procéder à l’élargissement de la route de deux mètres. Malheureusement, déclare Fekhar, les représentants des habitants du quartier répondent par un niet ! « Ils ont montré leur haine à notre égard et aussi leur volonté de démolir le mur d’un cimetière qui date de plusieurs siècles», regrette Fekhar.
Cette situation pousse un autre militant à déclarer : «Nous sommes une minorité. Nous ne sommes aujourd’hui que 50% de la population de la région, alors que nous étions majoritaires. Face aux multiples agressions que nous subissons, il n’est plus question pour nous d’adopter la voie pacifique». Un autre militant enchaîne : « Tout le monde sait que nous sommes des gens pacifiques, mais il s’avère que cette voie risque de nous coûter cher. Nous sommes prêts à mourir pour défendre notre dignité et notre identité».
Dans le même ordre d’idées, le docteur Fekhar nous rappelle une réunion tenue avec le wali suite à une marche organisée au lendemain des inondations. Lors de cette rencontre, raconte Fekhar, un »représentant » d’un quartier a déclaré que les gens de Ghardaïa sont Arabes et musulmans. J’ai rétorqué, ajoute Fekhar, en disant que nous sommes aussi des Berbères. Chose qui a déplu à ce « représentant ». Fekhar s’est d’ailleurs demandé pourquoi un tel débat dans une réunion consacrée aux inondations ?, avant de conclure que « c’est de la pure provocation »l.
En effet, toutes ces provocations nourries par les discours racistes du pouvoir ne font qu’accentuer le sentiment de Hogra chez les militants du FFS. « Aujourd’hui, nous sommes agressés de partout ». C.B