Adel Abderrezak* à El Watan: «La vitrine démocratique n’intéresse plus le pouvoir politique»

vitrerie.jpgQu’est-ce qui explique, d’après vous, le désintérêt de la classe politique pour l’élection présidentielle 2009 ?

C’est une élection qui n’a rien d’une dynamique électorale. Cela renvoie fondamentalement à la résignation profonde qui s’est installée dans la société d’une façon générale, au scepticisme très sévère qui, intellectuellement, travaille l’intelligentsia. Cela renvoie aussi à l’incapacité du politique, des partis d’opposition, y compris à pouvoir porter une autre alternative au champ politique dominant. 
 

Il semblerait que le pouvoir politique trouve des difficultés à recruter des « candidats » à même de servir de caution démocratique. Situation d’impasse, selon vous ? 

Oui, même si cela ne doit pas être pour le pouvoir une préoccupation essentielle. Jusque-là, la vitrine démocratique (d’une élection) servait surtout de leurre pour l’extérieur, mais les rapports de force (changeants) sur la scène internationale, la mondialisation et ses relais politiques ont fait que les puissances de ce monde s’accommodent très bien de l’autoritarisme du pouvoir politique algérien. Tant que les mécanismes fondamentaux, qui portent le système, le politique au sens « pouvoir », sont encore intacts, les règles du jeu seront inchangées même si ces dernières sont parfois perturbées par des logiques un peu émeutières, des mouvements spontanés. On l’a constaté récemment lors des marches de soutien à Ghaza, cela peut inquiéter le pouvoir politique parce que ça traduit une colère qui se fixe sur Ghaza, mais qui renvoie sur un quotidien (social) beaucoup plus désespéré. 

Que changera-t-il d’après vous dans l’Algérie post-élection présidentielle ? 

Sur ce plan, je suis fondamentalement pessimiste. Je ne vois pas de configuration nouvelle qui se dessine. Sauf surprise. L’Algérie de 2009 ressemblera tristement à celle d’avant. Les Algériens seront pris par leur quotidien désespérant, les élites occupées par leur carrière. Il reste le mouvement social, organisé ou pas, les manifestations, les grèves, tout ce qui peut en somme perturber les faux consensus existants. Peut-être aussi ces bouts de réveil intellectuels qui s’expriment plus par des pétitions on-line que par un activisme public. En dehors de cela…. 

Les partis de l’opposition semblent complètement tétanisés par la situation politique prévalant dans le pays. Pourquoi déserte-t-on le jeu politique ? 

Ces partis ne sont plus dans le jeu de l’alternative. Ils ne sont plus dans le jeu pour construire une alternative potentiellement attractive pour la population, les couches populaires et moyennes. Il y a une sorte d’aseptisation du politique qui fait que même certains partis supposés de l’opposition – opposants eu égard à leurs programmes – ont des difficultés réelles d’apparaître crédibles dans leur opposition. Je ne parlerai pas du RCD qui exprime une sorte d’aveu réel d’inutilité en voulant geler ses activités ; le FFS, qui malgré une totalité toujours radicale quant au pouvoir politique, est souvent décalé par rapport à la réalité sociale, à celle des mouvements sociaux. Il reste le discours critique du programme libéral du gouvernement développé par Louisa Hanoune, mais là aussi, il se fait vite rattraper par la réalité du « consensus » dans lequel se sont empêtrés le Parti des travailleurs et sa secrétaire générale avec le pouvoir politique. Les autres partis, par contre, nous interpellent sur une chose, à savoir ce qu’est la définition d’un parti politique en Algérie ! 

L’aveu du président du RCD qui évoquait jeudi une probable « mise au frigo » de son parti ne rejoint-il pas une autre réalité, celle d’une démission collective, non assumée publiquement des formations politiques se réclamant de l’opposition ? 

Et il n’est pas le seul. En gros, Saïd Sadi a voulu nous dire : « Je suis incapable, je suis inutile et je me mets entre parenthèses en attendant des jours meilleurs. » Ce sont des formations qui, encore une fois, n’arrivent pas seulement à se faire entendre par le pouvoir politique mais qui n’arrivent pas à accrocher la société. C’est une chose que de se faire entendre et c’en est une autre que d’être dans la proximité de la société, de ses pulsions, espérances, contradictions, dans ses espaces. L’enjeu c’est toujours la société, c’est d’abord cela et c’est après qu’on pourra parler de politique comme programme de pouvoir.

Par Mohand Aziri

* Ancien porte-parole du Conseil national des enseignants du supérieur (CNES)

Commentaires

  1. ali elmenfi dit :

    Adel Abderrezak va vite en besogne lorsqu’il analyse la décision du RCD de geler ses activités. J’ai bien lu la déclaration de ce parti et je peux y lire autre chose, moi aussi. D’abord, et je suis d’accord, le refus de cautionner un «coup de force constitutionnel,» la dénonciation sans équivoque d’un systeme basé sur la corruption et la répression, la mainmise absolue et sans partage du pouvoir, et surtout un APPEL aux forces forces politiques et sociales acquises au changement. Comment aurait été appréciée, pour ne pas dire jugée, la décision du RCD et de son Président s’il avait décidé de participer a l’élection présidentielle?
    D’autres exemples pourraient etre développés et je laisse a chacun la liberté de commenter la décision du RCD. Ce que je releve toutefois c’est cette analyse sauvage faite par un intellectuel qui considere (ou déconsidere) l’opposition démocratique «inapte et décalée par rapport a la réalité sociale de notre pays.»
    N’est ce pas Adel Abderrezak qui explique : «le désintérêt de la classe politique pour l’élection présidentielle 2009 qui n’a rien d’une dynamique électorale. Cela renvoie fondamentalement à la résignation profonde qui s’est installée dans la société d’une façon générale, au scepticisme très sévère qui, intellectuellement, travaille l’intelligentsia.»
    Il n’est pas question pour moi, et encore moins sur ce site, de défendre les couleurs du RCD ou de son leader. Par contre lutter pour l’idée de la Liberté et de la démocratie me semble essentiel et je conteste , tout en la respectant, l’opinion de Adel Abderrezak qui positionne l’opposition dans un cocon aseptisé .
    On pourrait en dire autant de certains « hommes et femmes politiques » qui défendent, sans y croire, des themes et des theses qui ont un arriere gout de naphtaline
    Le role de l’opposition, pardonnez cette lapalissade, est de s’opposer, de critiquer ce que fait le gouvernement et de mettre tout en oeuvre pour accéder au Pouvoir.
    Personne, selon Adel Abderrezak , ne semble avoir compris ce qu’est la définition d’un parti politique en Algérie. Personne ? sauf lui peut etre lorsqu’il nous dit, :…«Tant que les mécanismes fondamentaux, qui portent le système, le politique au sens « pouvoir », sont encore intacts, les règles du jeu seront inchangées même si ces dernières sont parfois perturbées par des logiques un peu émeutières, des mouvements spontanés.»
    La science(?) politique, parfois, ne s’embarrasse pas de subterfuges et de déclarations qui, meme si elles paraissent tonitruantes, ne sont en réalité qu’un coup de vent qui disparaitra vite dans un écran de fumée.
    Les propos de Adel Abderrezak feront certainement plaisir aux tenants du Pouvoir qui n’en demandait pas tant.
    cordialement.elMenfi ** 2009

  2. smail dit :

    Concerant enfin cette intervention de Mr Adel Abderezzak, je me permets d’attirer son attention sur le fait qu’avant de parler et de juger, il devrait d’abord lire attentivement les declarations du RCD car :
    1) Il ne s’agit pas de gel definitif des activites du RCD mais du gel de ses activites publiques (pour des raison de securite notamment) et ce uniquement jusqu’a avril 2009
    2) De plus ce gel permettera de reflechier a d’autres modes de luttes a initier en partenariat avec d’autres partenaires politiques qui partagent les combats du RCD.
    3) Vous dites qu’il s’agit d’un aveu d’inutilite… pourquoi ne reconnaissez-vous pas que le RCD est le seul parti qui a le courage d’envisager que ses methodes de luttes ont peut etre atteint leurs limites et qu’il faut reflechir honnetement a d’autres procédés. Et pourtant n’importe quel observateur honnete ne peut que reconnaitre a quel point le RCD a ete utile et toujous present aussi bien dans les combats d’idees (son combat pour la democratie et les droits de l’homme, pour les libertes syndicales, son combat pour la laicite et la tolerance, son combat pour l’egalite des sexes, son combat pour l’abolition de la peine de mort, son combat pour la reconnaissance de Tamazight…) que dans les luttes sur le terrain (son soutien a Boudiaf, son soutien pour les mouvement de liberation des femmes, ses luttes sur le terrain social, sa lutte acharnee contre le terrorisme notamment au sein des patriotes…) et ce depuis sa creation en 1989. Tous ces combats qui lui ont coute des dizaines de morts parmi ses elites les plus brillantes et parmi ses militants.
    Et aujourd’hui plutot que de denoncer l’opposition qui fait ce qu’elle peut avec le peu de moyens qu’on lui laisse, vous feriez mieux de denoncer ceux qui ont fait tomber une chappe de plomb sur le pays, qui ont verouille le champs politique et empeche toute expression publique de l’opposition mais qui maintenant usent de l’intimidation et des agressions et peut etre demain de meurtre, de denoncer les elites (dont vous faites partie) qui se taisent, qui bouffent les miettes que leur lance le regime, et qui dancent et applaudissent (pour une ouhda thalitha) ou levent les mains (pour les viols constitutionnels)…. pendant que le pays de delite, que les jeunes desesperent, que les harragas meurent en haute mer, que les cadres quittent le navire….en prevision de la FAMINE et du CHAOS qui nous donnent rendez-vous des que la derniere goutte d’hydrocarbure sera exportée. Cordialement.
    commentaire de karim envoyer par smail aeh pour tu dire en n’a pas et tu ne merite pas abderezak pour que en perd encors d’energie on est dans la famille qui avance a toi de suivre l’exemple on va te guidé. amicalement smail ain el hammam.

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