30 janvier, 2009
Alger gronde contre Paris
Par Dominique Lagarde, Baya Gacemi, L’Express, publié le 29/01/2009
Coup de froid sur les relations entre les deux pays. Les Algériens reprochent à la France l’inculpation de l’un de leurs diplomates, soupçonné dans l’assassinat d’un opposant.
Les relations entre Paris et Alger n’ont jamais été simples. Mais, depuis quelques semaines, l’Algérie ne perd pas une occasion de manifester sa mauvaise humeur. A l’origine de cette grogne: la confirmation, le 14 octobre 2008, par la cour d’appel de Paris, de l’inculpation de l’un de ses diplomates pour complicité dans l’assassinat, à Paris, en avril 1987, de l’opposant algérien Ali André Mecili.
Le diplomate, Mohamed Ziane Hasseni, est arrêté le 14 août à son arrivée en France, à l’aéroport de Marignane. Pour la police de l’air et des frontières, l’homme ne serait autre que Rachid Hassani, un agent des services secrets algériens soupçonné d’avoir organisé l’assassinat de Mecili, contre lequel la justice française a lancé en 2007 un mandat d’arrêt international (1). Depuis, Mohamed Ziane Hasseni, placé sous contrôle judiciaire, ne cesse de proclamer son innocence, avec le soutien des autorités algériennes qui affirment qu’il y a erreur sur la personne.
Dans un premier temps, les Algériens font pourtant profil bas. En 2007, l’heure est au renforcement de la toute nouvelle « relation privilégiée » scellée entre les deux chefs d’Etat lors de la visite en juillet de Nicolas Sarkozy à Alger. Le président Abdelaziz Bouteflika envisage d’ailleurs un déplacement officiel en France au premier trimestre de 2009. Surtout, les autorités algériennes sont convaincues que cette affaire sera vite réglée et les poursuites contre le diplomate, rapidement abandonnées. Les autorités françaises ne s’étaient-elles pas montrées coopératives en autorisant, en 1987, l’exfiltration par les services algériens d’Abdelmalek Amellou, assassin présumé de Mecili ? A l’époque, Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur, comptait, il est vrai, sur l’aide d’Alger pour faire libérer les otages français du Liban…
Regrettable méprise?
La confirmation en appel de l’inculpation de Mohamed Ziane Hasseni vient changer la donne. Le jour même, Bouteflika ordonne à son ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, en visite à Rome, de s’arrêter à Paris sur le chemin du retour pour s’entretenir avec Bernard Kouchner. Au Quai d’Orsay, alors que l’Algérien exprime sa « réprobation », le Français répond que le gouvernement n’a aucune prise sur une procédure judiciaire. En novembre, la grogne algérienne devient publique. Mourad Medelci accuse Paris de « retenir en otage » l’un des « meilleurs diplomates algériens ». Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme, dénonce « une tentative de retour à la justice coloniale ». Hors micro, c’est devenu un leitmotiv: à chaque rencontre et quel qu’en soit le sujet, les officiels algériens ne manquent jamais de rappeler à leurs interlocuteurs français à quel point ils sont préoccupés par le sort de leur diplomate.
A Paris, on reconnaît que cette affaire, et les manifestations de mauvaise humeur qu’elle entraîne, « pollue » les relations entre les deux pays. La visite d’Abdelaziz Bouteflika en France a été reportée au mois de juin, après la réélection du chef de l’Etat algérien. Français et Algériens espèrent que la justice, d’ici là, se sera prononcée…
Reste le fond. Hasseni est-il, oui ou non, victime d’une regrettable méprise ? Est-il l’agent algérien qui a payé l’assassin de l’opposant, comme en sont convaincus les proches de Mecili ? C’est à la justice de trancher. Une chose est sûre : les Algériens n’ont pas très envie que l’affaire Mecili revienne, à l’occasion de ce procès, sur le devant de la scène. Certains Français non plus…
(1) L’Express du 28 août 2008