Extrais d’Interview avec Denis Berger (Militant communiste et porteur de valise) en juin 1970
Pages 33-34 :
«Puis la Fédération de France nous demande la grande affaire, c’est-à-dire de faire évader les cinq de Turquant, parce qu’elle avait peur qu’en cas de putsch on les liquiderait. On nous a donné le contrôle de deux groupes de l’OS algérienne, c’est-à-dire de 20 Algériens armés et nous les avons planqués dans les villas autour de Turquant que nous avions louées. Ainsi nous avions 20 personnes, au cas où l’on viendrait faire quelque chose à Ben Bella. Cela a duré six mois. Il fallait en plus avoir une liaison directe.
Ma femme, avec qui je n’étais pas marié légalement, ce qui facilitait le travail du point de vue des noms, est allée visiter les prisonniers. Ceux-ci nous ont dit qu’ils voulaient s’évader. Il s’avérait qu’autour du château, il y avait des champignonnières et nous avons trouvé à bout de grands efforts par les galeries une porte souterraine du château, les prisonniers étaient comme dans une villa. Ainsi nous sommes entrés dans le Château et avons préparé avec eux la plan de la fuite. Nous avions contacté dans ce but le maire communiste, mais dissident de Vierzon et un ancien maquis qui avait préparé un certain nombre de planques. Alors, Ben Bella a téléphoné à Bitat qui était on traitement: «frère, tu peux venir, tout est prêt», et Rabah Bitat a répondu: «Ne faites pas cela sans moi».
Le soir même. il y avait des gardiens à l’intérieur du château – je pense que Ben Bella ne voulait pas s’évader: d’abord je ne crois pas qu’il soit très courageux et je n’ai jamais participé au ben -bellisme généralisé; je pense qu’à l’époque il croyait que les négociations aboutiraient et qu’il préférait sortir en chef d’Etat, mais son évasion aurait changé le rapport de force pour la négociation d’Evian. – Puis ils ont fait la grève de la faim, ils ont été quelque temps a l’hôpital de Garches et puis à Aulnois du côté de Melun. Alors ils ont dit à ma femme, qui est allée imperturbablement les voir, qu’ils voulaient s’évader. On avait une voiture à double fonds, on ne pouvait faire évader que deux et Ben Bella a tout raconté à l’Ambassadeur du Maroc.
Dès le lendemain, on fouille toutes les voitures. Je crois que les raisons étaient les mêmes qu’en septembre 1961 seulement que c’était pire, parce que ces messieurs avaient demandé des armes, un pistolet mitrailleur et un revolver pour chacun, et si les flics n’avaient pas omis le contrôle de ma femme, parce qu’ils la connaissaient, elle aurait été arrêtée. D’ailleurs nous avions tout préparé, nous avions liquidé nos affaires pour aller en exil etc. »