5 février, 2009
Alger réclame de Paris la libération d’un diplomate
Le Monde/ ALGER CORRESPONDANCE
« Chantage », « justice coloniale », « prise d’otages… ». Les officiels algériens ont multiplié, ces derniers temps, les critiques à l’endroit de la France au sujet d’un diplomate algérien, arrêté le 14 août 2008, à l’aéroport de Marignane (Bouches-du-Rhône) et placé depuis sous contrôle judiciaire pour « complicité d’assassinat ».
Mohamed Ziane Hasseni, le responsable du protocole au ministère algérien des affaires étrangères, a été mis en examen, contre l’avis du parquet, dans l’affaire Ali Mecili, un militant du Front des forces socialistes (FFS) de Hocine Aït Ahmed, assassiné à Paris le 7 avril 1987. Le meurtrier présumé, Abdelmalek Amelou, arrêté le 10 juin 1987, avait été expulsé quatre jours plus tard vers Alger, en « urgence absolue » par Robert Pandraud, alors ministre de la sécurité. M. Amelou détenait un ordre de mission signé par le capitaine Rachid Hassani.
Le diplomate mis en examen est-il victime d’une erreur du fait de l’homonymie imparfaite entre son nom, Hasseni, et celui du capitaine Rachid Hassani ? C’est ce que les autorités algériennes ont affirmé après son arrestation, en s’attendant à un dénouement rapide.
Le diplomate a fini par accepter des tests ADN destinés à déterminer s’il était celui qui avait ordonné l’assassinat. Des tests non concluants, selon le site Tout sur l’Algérie. La presse locale y a vu la preuve de l’innocence du diplomate. Des tests graphologiques ont aussi été effectués, mais les résultats ne sont pas connus. Entre-temps et à la satisfaction des avocats d’Anne Mecili, l’épouse du militant assassiné, la mise en examen de M. Hasseni a été confirmée en appel le 14 octobre 2008.
Le diplomate a reçu l’appui d’un ancien capitaine des services algériens, Hicham Aboud, qui a déclaré au juge Baudoin Thouvenot, le 17 décembre 2008, qu’il n’était pas la personne recherchée. L’audition d’un autre transfuge des services algériens, le colonel Mohamed Samraoui, prévue pour le 19 décembre 2008, n’a pas eu lieu. La presse algérienne, qui rend le colonel Samraoui responsable des ennuis du diplomate, y a vu une rétractation. Dans un texte, publié sur le site Algeria-Watch, M. Samraoui a répondu que ceux qui interprètent le fait qu’il ne se soit pas rendu à la convocation comme « un aveu de rétractation (…) se trompent lourdement ».
« ACHARNEMENT »
Alger s’attendait à un dénouement après le test ADN, la remise de documents attestant de l’identité du diplomate et le témoignage de Hicham Aboud. Le maintien du diplomate sous contrôle judiciaire est perçu comme un « acharnement inexplicable ». L’impatience du gouvernement est d’autant plus grande qu’il a été pris à partie par plusieurs journaux pour la « mollesse » de sa réaction.
« Nous ne comprenons pas pourquoi la justice française n’a pas pris la décision de non-lieu », a déclaré Mourad Medelci, ministre des affaires étrangères. Djamel Ould Abès, ministre de la solidarité, a évoqué des « parties occultes » qui cherchent à « déstabiliser » les relations entre Alger et Paris. Une organisation d’enfants de chouhada (martyrs) a envisagé de manifester devant l’ambassade de France. L’avocat Farouk Ksentini, président d’une commission consultative officielle pour les droits de l’homme, a dénoncé un retour à la « justice coloniale » où l’on juge « au faciès ou sur une homonymie ».
Le gouvernement français, embarrassé, a fait valoir qu’il ne pouvait interférer dans une affaire de justice. Celle-ci risque de traîner. Un nouveau juge, Allain Philibeaux, est en charge du dossier après la mutation, prévue de longue date, du juge Thouvenot. M. Philibeaux souhaite toujours entendre le colonel Samraoui. Amir Akef