Par Karim Aimeur
Après dix ans de règne du président Bouteflika, de quoi peut-on aujourd’hui se targuer de son passage au sommet de l’Etat ? De quels résultats peut-on parler sinon d’une régression sur tous les plans ? Les domaines les plus ravagés sont certes le domaine politique, médiatique et syndical mais les autres secteurs ont aussi leur part de dégâts.
En venant de l’Orient, Bouteflika a anéanti tous les aboutissements des combats démocratiques menés par une armada d’hommes et de femmes qui ont consacré le clair de leur vie à ces combats. Le pluralisme politique est devenu une forme qui n’a pas de fond. La liberté de la presse est devenue une expression dépourvue de son sens et le journalisme combatif est devenu ce que nous voyons aujourd’hui: des écrits sur mesure. Les syndicats autonomes, comme on le voit, sont muselés, bâillonnés et malmenés. Tout est gâché. Le sacrifice des hommes, les efforts des intellectuels et l’espoir même des plus convaincus. Dix ans ont suffit pour tout manigancer.
Résultat: on est revenu à la case départ, c’est-à-dire à l’avant 1980 et même jusqu’à 1962. Le combat reprend.
Frustration galopante
Aussi frustrant que cela puisse paraître, cette situation ne manque pas de nous vomir à la face, pour ne plus oublier, pour ne plus plier, l’armada des hommes jetés en prison ou assassinés à cause de leur engagement.
Qui osera donc à partir de ce moment remuer sa verve dans les plaies encore ouvertes des gens mal inspirés et qui conçoivent très négativement et le pluralisme politique, et la liberté de pensée et d’expression ? Mais tant qu’il y a des engagés, ni la prison, ni les baillons ni même la mort ne pourront faire reculer nos idées d’un iota. Ni ne pourrons nous faire agir ou écrire sur…mesure. Ceux qui s’attendent donc à ce que nous agissons ou nous prenions nos plumes pour leur faire plaisir se rendent à l’évidence. Une plume au service n’est qu’une plume qui agonise à chaque instant sans même défier la mort. Une plume engagée n’est qu’une plume que la mort ne pourra défier. Tahar Djaout, Said Mekbel, Mahfoud Boucebsi, Matoub Lounès et bien d’autres ont bien fait l’expérience. La mort n’a jamais pu résister à la pérennité de leurs écrits.
Dans tout ça, il est à déplorer le fait que bien de convaincus «volcaniques», pour ainsi dire, (poètes, écrivains, hommes politiques ou autres) ne trouvent un canal pour exprimer leurs conceptions des choses. Des conceptions qui peuvent donner lieu à des révolutions comme ce fût le cas de Abane Ramdane dont sa conception de l’Algérie a donné lieu à ce que nous savons tous aujourd’hui.
Ces 10 ans de règne sont d’autant plus déplorables pour un pays qui ne sait plus qu’elle position adopter: pousser ce qui lui reste de compétences à fuir ou faire en sorte que ses compétences à l’étranger reviennent. Une simple sinécure pour de petits responsables qui préfèrent sacrifier ceux qui restent pour mieux détruire le pays. Et pour les autres ? Le combat continue.