Par LAKHDAR BELAID, La Voix du Nord
Dans la nuit du 27 au 28 mars 1996, sept moines trappistes français sont enlevés dans le monastère de Tibéhirine, à une centaine de kilomètres au sud d’Alger. Deux mois plus tard, seules leurs têtes sont retrouvées. Depuis l’affaire empoisonne les relations entre Paris et Alger.
En février 2004, une information judiciaire est enfin ouverte à Paris, après le dépôt d’une plainte par les proches des moines.
Alors cadre du DRS de Blida, Abdelkader Tigha, 40 ans aujourd’hui, fuit l’Algérie en 1999. «Je craignais pour ma vie après qu’une enquête sur un double meurtre m’a conduit jusqu’à deux collègues », confie l’ancien agent. Le périple de Tigha l’emmène en Syrie, en Jordanie, en Thaïlande, puis finalement aux Pays-Bas. L’homme tentera d’obtenir l’asile en France. En vain. «En revanche, j’ai rencontré des membres des services secrets français», complète Tigha, dont les déclarations conduiront à un dépôt de plainte contre X, en décembre 2003, par des proches d’un moine assassiné et par des responsables trappistes et à l’ouverture d’une information judiciaire à Paris.
En Algérie, plusieurs journaux et des milieux proches du pouvoir dépeignent Tigha comme un « délinquant ». En France, il est au contraire pris très au sérieux par la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) qui, en 2007, déplore : « Alors qu’il était en France depuis plusieurs semaines et que sa présence était inévitablement connue des services de renseignements français (et algériens), aucune demande d’audition n’a été notifiée à Abdelkader Tigha. » Pour cet ancien du DRS, le général Buchwalter ne peut avoir eu accès à des informations jalousement conservées par les autorités militaires algériennes ; la vérité sur l’affaire des moines se trouve donc toujours en Algérie. « Nicolas Sarkozy a été le premier président français à avoir le courage de lever le secret défense, à donner carte blanche à la justice française, conclut Tigha. C’est maintenant au président Bouteflika de l’imiter à Alger.»