Cyber-résistants au Maghreb, par Jean-PierreTuquoi (Le Monde)

Blogs, réseaux sociaux, forums de discussion… Dans les pays du Maghreb, ces outils de communication, qui ont surgi ces dernières années dans le sillage d’Internet et du téléphone mobile, inquiètent les pouvoirs.

Synonymes à leurs yeux d’une menace diffuse, impalpable et donc difficile à contrôler, ils font figure de suspects. Ne sont-ils pas porteurs à l’occasion d’une contestation radicale ? Grâce à la création quasi instantanée de réseaux informels, ne vont-ils pas prospérer et occuper la place des partis politiques traditionnels à l’agonie de Tunis à Rabat en passant par Alger ?

La riposte est à la mesure de la perception de la menace. Au Maroc, où les cybercafés sont légion et l’usage du téléphone portable banal, un jeune a été condamné par la justice à de la prison pour avoir « emprunté » sur Facebook l’identité du frère du roi Mohammed VI – lequel devait par la suite gracier le « premier prisonnier politique de Facebook ».

Toujours dans le royaume, lors du dernier ramadan, une période de jeûne pour les musulmans, des utilisateurs de Facebook, au nom de la liberté individuelle, projetaient de croquer des sandwichs à l’écart de tout, dans une forêt à mi-chemin entre Rabat et Casablanca. Le jour prévu, au lieu de rendez-vous, les policiers étaient plus nombreux que les « dé-jeûneurs » qui furent embastillés sur-le-champ.

Les pays voisins ne sont pas mieux disposés. En Tunisie, où dès 2001 un cyber-résistant se mettait à dos la police et la justice en créant un magazine en ligne (TuUNeZine), Internet est sous haute surveillance. Nombre de sites sont inaccessibles, tout comme les blogs d’opposants en exil.

Le cas de l’Algérie est un peu différent. Internet et téléphone mobile sont moins développés qu’en Tunisie et au Maroc. Et les connexions à Internet plus coûteuses qu’ailleurs. D’où sans doute l’absence de contrôle de l’Etat sur les contenus. L’internaute algérien a accès à tous les sites sans exception. S’il est blogueur, il peut écrire ce qu’il veut, critiquer le président Bouteflika pour avoir modifié la Constitution pour conserver le pouvoir ou se plaindre d’un service militaire trop long, sans redouter les foudres du pouvoir.

Mais jusqu’à quand ? Une loi est en cours de discussion au Parlement qui prévoit la création d’une « cyber-police ». Il lui reviendra de surveiller les activités « subversives » et celles qui portent atteinte à la « sécurité nationale ». Les termes en sont suffisamment vagues pour faire craindre une interprétation extensive.

Surtout, l’Algérie risque de donner des idées à ses voisins à l’heure où, dans le monde arabo-musulman, les lois pour contrôler Internet commencent à fleurir. Les Emirats en ont voté une en 2006. L’Arabie saoudite a suivi. L’Irak s’apprête à faire de même. Les cyber-résistants vont-ils se mobiliser ?

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