Clore le dossier des disparus dans l’impunite est irrealisable
Plus de cent familles de disparus sont venues de tout le pays- Oran, Constantine, Laghouat, Jijel, Djelfa, Guelma, Ghardaïa, Bouira, Bordj Bou Arreridj, Médéa, Blida, Tipaza, Boumerdes- pour affirmer et réaffirmer que la page ne sera pas tournée. Le rassemblement national qui s’est tenu, à l’appel de SOS Disparus et du CFDA, sur la place de la Grande Poste d’Alger ce samedi 17 avril 2010, a été une réussite.
La Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme, l’association Djazaïrouna et d’autres militants ont également manifesté aux côtés des familles de disparus pour soutenir leurs revendications.
N’hésitant pas à braver l’interdit malgré la présence en nombre des corps de sécurité, les mères, pères, épouses, sœurs, enfants de disparus ont démontré leur détermination à renforcer la mobilisation jusqu’à ce que la Vérité soit établie par tous les moyens. En réaction aux dernières déclarations du Président de la Commission nationale des droits de l’Homme et prenant l’opinion publique à témoin, les familles ont réaffirmé dans leurs slogans que rien ni personne ne pourra fermer le dossier des disparus en faisant l’impasse sur la Vérité et la Justice.
Vers midi, les familles de disparus ont tenté d’improviser une marche pour rejoindre le siège de leur organisation. Immédiatement, toute la place a été encerclée par les fourgons et voitures de police pour empêcher les manifestants de marcher. Il s’en est suivi heurts et altercations entre policiers énervés et familles excédées. Au terme d’âpres négociations, le rassemblement a pu se terminer pacifiquement. Les familles ont rejoint leur siège par petits groupes avec le sentiment d’avoir réussi à contourner les interdits pour se faire entendre.
Le CFDA et SOS Disparus se félicitent de l’écho de cette manifestation au sein de la société civile algérienne et au sein des familles de disparus qui se sont déplacées de loin pour démontrer qu’elles n’ont pas renoncé à leurs droits.
Alger, le 19 avril 2010
Publié dans Le Monde aujourd’hui :
Des faits extrêmement graves ont eu lieu ces deux derniers mois dans la ville de Hassi Messaoud, base pétrolière du sud algérien où une chasse aux femmes s’est organisée. Ces dernières, venues des quatre coins du pays, travaillant dans des multinationales afin de subvenir aux besoins de leurs familles, se sont fait agresser régulièrement la nuit. Leurs maisons ont été saccagées et pillées par des hommes armés de gourdins, de haches, de couteaux, qui agissaient cagoulés, ou même à visage découvert. La plupart du temps, les femmes avaient beau hurler, aucun voisin ne leur venait en aide. Lorsqu’elles se rendaient au commissariat, elles devaient supplier des policiers méprisants pour que leurs plaintes soient enregistrées. Dans la nuit du dimanche 11 avril 2010, les agressions ont redoublé. Aucun auteur de ces crimes n’a été poursuivi en justice. Aujourd’hui, si un certain calme est revenu, les femmes subissent des pressions et intimidations en tout genre.
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Ces crimes ne sont que la continuité de la tragédie du 13 juillet 2001, dont il est important de rappeler les faits : plus d’une centaine de femmes furent violées et torturées à l’appel d’un imam, par quatre cents à cinq cents hommes – l’une d’elles fut enterrée vivante ! Sur cette foule ayant commis ce pogrom, seuls vingt-neuf hommes ont été accusés. Parmi eux, seuls trois hommes ont réellement purgé leur peine. Les autres ont été condamnés par contumace, ou encore innocentés ! L’imam, lui, a été arrêté quelques heures et relâché sur injonction d’Alger !
Le Code de la famille voté en 1984 à l’Assemblée nationale algérienne est pour moi l’un des facteurs qui a rendu possible le lynchage des femmes de Hassi Messaoud. Il régit le statut personnel de la femme au sein du couple, faisant d’elle une mineure à vie, passant de la tutelle du père à celle du mari, devant obéissance à ce dernier, et pouvant être répudiée à n’importe quel moment, le mari ayant le droit de garder le logement conjugal pendant que la femme se retrouve dehors avec ses enfants. Et même si ce code a connu de légers amendements, en 2005, il reste profondément inégalitaire et criminel. En fragilisant les femmes et leurs enfants, c’est une société tout entière qu’il a fragilisée. De plus, en mettant les femmes à la disposition et sous le contrôle des hommes, ce code envoie un message fort à toute la société et aux hommes en particulier : « Si vous avez des problèmes, de mal-être, ne nous cassez pas la tête avec vos revendications, défoulez-vous sur les femmes ! » Comme dit le proverbe algérien : « Tekber ou tansa wou ttaffrha fi’n'sa », « Tu grandiras, tu oublieras et tu le feras payer aux femmes. »
Le deuxième facteur important est le travail de grande envergure des intégristes qui, pendant des années, ont imprégné tout le tissu social de leurs discours profondément haineux et misogynes, en désignant les femmes comme la cause de tous les maux de la société. Ils ont détourné les textes religieux de façon à renforcer la suprématie des hommes. Pendant les années de terrorisme triomphant, à la menace des femmes qui ne se soumettaient pas, s’est ajouté l’enlèvement de plusieurs milliers d’entre elles dans les maquis par les groupes armés intégristes. Elles y furent violées, torturées, soumises à l’esclavage. Beaucoup d’entre elles ont été assassinées ou ont disparu dans la nature. Leurs bourreaux ont très peu été inquiétés, voire pas du tout. Aujourd’hui, on les appelle des repentis sans qu’ils se soient repentis de rien et ils se meuvent dans les villes en toute impunité.
Partout en Algérie, des femmes humiliées n’arrivent pas à faire valoir leurs droits à la sécurité pourtant inscrits dans la Constitution.
Voilà comment ces dernières années les violences à l’encontre des femmes a augmenté de façon alarmante.
Si ces dernières nuits les femmes de Hassi Messaoud ont pu dormir tranquillement, je sais à quel point leur répit est fragile et temporaire : ceux qui leur en veulent d’avoir crié à l’aide savent attendre…
Aussi, j’en appelle au gouvernement algérien pour faire respecter la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, qu’il a ratifiée en 1996.
J’en appelle à la cinquantaine de multinationales qui emploient ces femmes pour les protéger au lieu de les fragiliser en les menaçant de licenciement, comme certaines l’ont été pour cause d’absence provoquée par leurs agressions.
Et si, aujourd’hui, plusieurs associations algériennes se sont mobilisées, j’appelle le peuple algérien à exprimer son désaccord sur ce qui entache son intégrité.
Hassi Messaoud n’est pas une affaire de femmes, c’est une affaire d’État. C’est aussi une affaire de droits humains. En somme, c’est notre affaire à tous !
Nadia Kaci est comédienne, coauteure de Laissées pour mortes. Le lynchage des femmes de Hassi Messaoud, Max Milo éditions.
La fermeture du dossier des disparitions forcées est non seulement irréalisable, mais encore inadmissible avant le passage de la justice et la révélation de la vérité.
Chères familles victimes de disparitions forcées, nous sommes de tout cœur et d’action avec vous. Que Dieu nous aide à triompher des agressions des secteurs formels et informels d’où qu’ils viennent. Le droit finira par s’imposer avec la grâce de Dieu!
La fermeture du dossier des disparitions forcées est non seulement irréalisable, mais encore inadmissible avant le passage de la justice et la révélation de la vérité.
Chères familles victimes de disparitions forcées, nous sommes de tout cœur et d’action avec vous. Que Dieu nous aide à triompher des agressions des secteurs formels et informels d’où qu’ils viennent. Le droit finira par s’imposer avec la grâce de Dieu!
Notre solidarité agissante avec les femmes de Hassi Messaoud et contre tous les hommes et femmes qui agressent autrui en général.
Au jour d’aujourd’hui, le probléme des disparitions forcées n’est pas encore reglé!Les pouvoirs publics font la sourde oreille malgré les quelques revendications d’associations passées à tabac par les forces de sécurité.Les textes régissant ce cas de situation ,pourtant entérinées par le gouvernement algérien, ne sont pas respectés.Malgré le rappel à l’ordre du Comité des Droits de l’Homme ( CDH) relevant de l’Organisation des Nations Unis auquel a adhéré l’Etat algérien, aucun signe de prise en charge pour la recherche de la Vérité, puis du devoir de mémoire, n’a été relevé dans la volonté de régler cette affaire de disparus qui continue de peser lourd sur l’échiquier politique algérien.Le droit est bafoué, violé sans rémission dans notre pays!Quoi de plus juste que de se mettre à la recherche de la Vérité dans un état qui se targue d’etre un Etat de Droit!