9 juillet, 2010
Témoignage d’un harki: « Comment j’ai rejoint la France en 1956″
Un harki de Roubaix pour « Algérie Politique »
Dans votre blog, je vais partager avec vous tous, comment certains Algériens ont rejoint la France. Ils ne l’avaient pas fait par choix, mais ils l’avaient fait car ils ont été obligés de le faire pour des injustices commises par le FLN. Et c’est mon cas, j’ai rejoint la France en 1956.
A l’époque, j’avais 23 ans. Mon père Ahmed et mon frère Amar (âgé de 25 ans), tenaient une épicerie à Bordj-Menayel. La guerre avait éclatée. Beaucoup de mes voisins étaient des bandits de grand chemin. Ils étaient recherchés par la gendarmerie. Ils se sont réfugiés dans les forêts. Par la suite, ils ont trouvé le FLN et se sont enrôlés.
A cette époque, je m’en souvenais: Ces gens du FLN venaient voir mon père pour s’approvisionner. Au début, ils payaient la marchandise. Par la suite, ils venaient se ravitailler gratuitement, en nous disant : La guerre a commencé. On va chasser les roumis. Il faut aider vos frères.
Progressivement, la bonne volonté de mon père a commencé a tourner au cauchemar. Non seulement, le FLN venait prendre ce dont ils avaient besoin, mais ils ont exigé à mon père de cotiser chaque mois de l’argent.
Durant une année, mon père faisait son devoir de citoyen. A un certain moment, ce n’était plus par mois, mais toutes les quinzaines de jours. Et chaque fois, une autre somme. Du rackettage. Alors, mon père commençait à avoir de sérieux problèmes, car il ne pouvait pas satisfaire les demandes du FLN. Il a voulu avoir un entretien avec le chef pour s’expliquer. On lui a répondu : « Tu paies et c’est tout. Et si tu n’arrives pas, il faut vendre ta terre et ta maison ».
En revenant à la maison, mon père était devenu jaune comme un citron. Il m’avait dit: « Ces gens ne sont pas raisonnables. Je ne pense pas qu’ils cherchent la bonne solution. Ils cherchent à régler des comptes avec notre famille ». Un mois après, le FLN a sommé mon père de payer. Mais, il ne pouvait pas payer. Ils sont venus à la maison. Devant ma mère, un membre du FLN s’est énervé et a donné un coup de poing à mon père. Mon frère a intervenu. Et c’était la bagarre. Ils ont pris mon père et mon frère, en disant: « On va voir le chef et vous allez vous expliquer ».
Le temps a passé….On a retrouvé le corps de mon père et celui de mon frère. Tous les deux étaient égorgés comme des poulets. Et ma vie avait basculé ce jour-là. J’avais perdu mon père et mon frère, pour une question de sous. Devenu furieux, je ne savais pas quoi faire, et je voulais surtout me venger. Œil pour œil, dent pour dent.
Au début, j’essayais de rejoindre le FLN, mais on ne m’a pas accepté. A chaque fois, on me rejetait, avec des excuses gratuites. Si on m’avait accepté, j’aurai fait un carnage parmi eux. Un loup dans une bergerie. Donc, la seule voie qui me restait etait de rejoindre la France.
Le 27 mars 1957, j’ai mis l’uniforme. Et j’ai commencé à faire la chasse des gens qui ont tabassé mon père. Une année après, on avait capturé un type. Le capitaine m’avait appelé et il m’avait dit :Viens voir. Aujourd’hui, on a pris un Fellaga. Je me suis tout de suite rendu au poste. Ce jour-là était mon jour de chance. Effectivement, ce type était parmi les gens qui avaient tabassé mon père. Il a commencé à pleurer. Je lui ai dit :N’aie pas peur, mon frère. Tu vas tout me dire la vérité. Alors, il m’avait dit : C’est votre voisin avec lequel vous aviez des problèmes et des conflits de terrain. Il voulait massacrer ta famille. Moi, je n’y suis pour rien. C’est lui qui a donné l’ordre d’exécuter ton père et ton frère.
A ce type, je ne lui ai rien fait, mais les autres, c’était la chasse à l’homme. Que Dieu me pardonne, je les ai égorgés comme ils ont égorgé les miens. Et c’est comme cela que je suis devenu un harki, si on peut appeler cela un harki. J’ai quitté l’Algérie en 1963. Je vis à Roubaix. Je suis vieux et je suis devenu Français. Je ne regrette rien. Si c’est à refaire pour la même raison, je vais le refaire. Moi, j’ ai eu une histoire. Je l’ai réglée à ma manière. C’est tout. Le reste, harki, moudjahid, je n’avais rien à cirer.