« Algérie Politique » Correspondance particulière
La ville rose a accueilli, le 19 novembre 2010, le leader du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD), Said Sadi pour présenter son livre: « AMIROUCHE: une vie, deux morts, un testament.»
Il n’y a pas si longtemps, quand Saïd Sadi avait encore les faveurs des «Décideurs d’Alger», écumait, à l’heure de grande écoute, les plus prestigieux plateaux des télévisions françaises. Le 19 novembre 2010, un «obscure collectif algérien», de manière quasi incognito, avec, pour toute publicité, des appels téléphoniques hautement sélectifs à de potentiels auditeurs triés sur le volet, Saïd Sadi a fait une escapade à Toulouse où il a, dans une salle située à l’écart d’une banlieue de la ville Rose, fait la promotion de son dernier livre.
Après avoir abordé l’histoire contemporaine algérienne de manière audacieuse et manichéenne, par exemple, pour lui, l’historien algérien, Mohamed Harbi, a fait un effort colossal, notamment pour son travail consacré aux archives de la révolution algérienne, mais: «C’est un militant politique et le neveu d’un général», a-t-il ajouté.
L’invité a largement rappelé ses démêlés avec le pouvoir, ses séjours dans les geôles algériennes, sa participation en tant membre fondateur de la Ligue algérienne de droits de l’homme, mais il n’a soufflé mot sur son rôle de rabatteur de premier plan des « Janviéristes » (putschistes de janvier 1992), ni tiré le bilan de l’éphémère participation de son parti au premier gouvernement de Bouteflika.
Bien que Sadi ne regrette pas l’entrée de son parti au gouvernement en 2000, il n’en reste pas moins que désormais il vilipende toutes les initiatives de la politique de Bouteflika, s’il y en a bien sûr. Il faut rappeler tout de même que son parti avait appelé à boycotter l’élection du 15 avril 1999 ayant porté Bouteflika à la tête de l’Etat, la qualifiant à ce moment-là de la dernière fraude du siècle.
Il a brossé un tableau peu reluisant de la situation générale d’une Algérie qu’il déclare à la fois dans un état comateux et au bord de l’implosion.
Après avoir rappelé la répression des non-jeûneurs, des convertis au christianisme, l’absence de tout projet d’investissement socio-économique pour la Kabylie, il s’est interrogé sur la persistance du terrorisme dans la même région. Ne s’était-il pas farouchement opposé à toute forme de commission d’enquête nationale ou internationale sur les massacres de masses et sur les dizaines de milliers d’enlèvements et d’assassinats politiques durant les années 90 ?
En effet, la médiatisation outrancière des procès des non-jeûneurs ne vise-elle pas à susciter des sentiments de dénigrement à l’égard de la région? Or, a-t-il expliqué, il y a eu plusieurs affaires similaires dans les autres wilayas. Mais le régime a déployé ses moyens pour les étouffer. En revanche, il faut rappeler que les procès intentés aux non-jeûneurs sont en contradiction flagrante avec la constitution algérienne garantissant la liberté de conscience.
Par ailleurs, en revenant sur l’arrêt du processus électoral de décembre 1991, Sadi avoue qu’une partie de l’armée était prête à composer avec les islamistes. Il cite à ce titre un commandant de la gendarmerie et l’actuel chef des forces terrestres. Il fallut, poursuit-il, la mobilisation des citoyens pour que les militaires interrompent le processus électoral.
En somme, pour bâtir la démocratie en Algérie, il faudrait que la voix de la rue soit plus décisive que celle des urnes. Mais comment appellera-t-on cette République dans ce cas là ?
Sadi fait porter tout le poids des malheurs de l’Algérie sur les épaules d’un seul homme, de Bouteflika, tout en se gardant de citer: « Les décideurs », que l’orateur doit sans doute bien connaître, qui ont grandement ouvert, à vie, les portes du palais d’el Mouradia à l’enfant terrible d’Oujda.
L’orateur a parlé tantôt comme un homme politique, tantôt comme un historien et tantôt comme médecin et psychiatre.
Comme médecin et psychiatre, il a déclaré: «… Ali Belhadj, l’un de mes anciens compagnons de geôle, que je connais bien, est un homme délirant mais qui se bat pour ses convictions», a-t-il martelé. Cependant, selon le même orateur, Bouteflika est : « … Sans projet politique, ni conviction, ni volonté aucune».
Pour sortir de la crise, le médecin et psychiatre a proposé à son maigre auditoire de patienter, de laisser la biologie faire son œuvre. « …Quand les tenants de la légitimité révolutionnaires seront morts et enterrés, le jour se lèvera enfin et tout ira mieux pour les Algérien », a-t-il promis.
Berthold Brecht a prédit: malheur et anéantissement aux peuples qui lient leur sort à l’avenue de l’homme providentiel. En l’an 2010, voici Saïd Sadi qui invite les Algériens, qui vont bientôt manquer d’air pour respirer, à confier leur destin à l’avenue du Mahdi.