Par Chafaâ Bouaiche
Dans un pays normal, une grève ou un rassemblement font partie de la respiration normale d’une société. Dans un pays policier, c’est un acte de subversion, de déstabilisation voire même une entreprise de trahison.
Dans son discours à la nation, le chef de l’Etat, n’ayant rien à proposer d’autre qu’une occupation nationale à la révision de textes qui ne s’appliquent jamais, a donné un aperçu de ce prisme policier. Dans ce discours, ceux qui font grève, manifestent pacifiquement dans la rue pour leurs droits sont clairement désignés comme des fauteurs de troubles, des «mouchaouichine» qui mériteraient qu’on lâche sur eux toute la Balta-Gia d’Algérie.
«Nul n’a donc le droit de réinstaller, d’une façon ou d’une autre, la peur dans les familles algériennes, inquiètes pour la sécurité de leurs enfants ou de leurs biens ou plus grave encore, l’inquiétude de toute la nation sur l’avenir de l’Algérie, son unité, son indépendance et sa souveraineté nationale», a déclaré Bouteflika.
A moins de mettre tous les Algériens dans la case «terroriste», cette mise en garde est totalement déplacée. Mais, c’est le style de la maison poulagua-politique d’Algérie, que de considérer les syndicalistes et les militants des droits de l’homme et de la démocratie comme des «menaces» à écraser et à stigmatiser.
Aux yeux de Bouteflika, militer pour le changement du système veut dire: réinstaller la peur dans les familles et menacer l’unité nationale et sa souveraineté ! Le message est donc clair: les Algériens sont appelés à soutenir le pouvoir qui garantit leur sécurité, et que tout soutien aux forces du changement risque de replonger le pays dans l’inconnu. Est-il surprenant de constater que le discours aphone et laborieux de Bouteflika a créé un sentiment de peur chez les Algériens. Un pays jeune dirigé par un malade a de quoi être inquiet.
Ce discours déconnecté du réel a été immédiatement suivi par deux attentats qui ont fait plusieurs morts dans les rangs de l’armée. Sans faire dans la théorie du complot, on peut observer que les actions macabres des terroristes sont sournoisement exploitées pour mettre en garde contre les velléités de vouloir demander le changement. Le terrorisme, on le sait déjà, sert à justifier la dictature. Il permet au système d’essayer de réinstaller la peur dans les familles algériennes afin de les amener à renoncer voire à se soumettre.