Hommage à Karim Ait Aissi, notre courageux ami
Par Denis Dégé
Karim, Tu es parti vite et nous avons pas eu le temps de bien te remercier. Mais nos demandes sont fortes et sûrement tu les entends ! Bien sûr j’ai gardé le souvenir de ton image… Mais toi, tu es plus que le souvenir. Tu seras toujours vivant… T…on âme est là, elle nous accompagne, nous tes amis et et tes proches. Quand quelque chose nous révoltera, tu seras là pour nous aider. Maintenant là où tu es, tu as tout le réconfort, la lumière et la chaleur. Tu peux te détendre, continuer à rêver d’un autre monde. Nous, nous continuons le chemin ouvert ensemble.
Ton corps a perdu une bataille, mais ton âme – c’est sûr – s’envole en direction de la lumière. Paix dans le cœur, lumière dans la compréhension ! Je laisse Karim s’envoler vers les étoiles et la lumière avec ces quelques mots, et ces quelques souvenirs écrits un peu vite… Mais pour ceux qui ne connaissaient pas Karim voici comment était cet être unique:
« Je n’avais plus de nouvelle de lui, quelques messages sur facebook, il y a encore quelques jours pour appeler les jeunes à se soulever contre la misère ». Ce dernier lien décrit très bien Karim, courageux, militant. Mais sa vie aussi était une lutte pour «s’en sortir». Nous nous sommes vu quasiment à chaque voyage en 2000 et 2010. Je ne situe plus quand s’est passé tel ou tel évènement, mais tous ses souvenirs sont gravés dans mon cœur, avec un immense remerciement pour Karim pour tous les ami(e)s d’Algérie, pour tout ce que nous partageons. Mais Karim, c’était le pilier. L’homme de pensée et d’action.
Je me rappelle la première rencontre… Nous avions pris la route ensemble entre Michelet et Bordj Menaiel. Nous parlions, nous lisions, tellement passionnés mais les virages des routes des montagnes du Djurdjura furent les plus forts, mal au cœur, mais au moins j’avais la certitude d’avoir rencontré un «ami» humaniste dans l’âme… Et après j’ai connu sa vie dans la région de Boumerdes, traumatisée par les évènements des années 90 puis par un terrible séisme. Lui-même, comme tous les rescapés, vivait dans un de ses milliers de challets que l’on voyait de long des routes.
Je me rappelle aussi des rencontres, et des moments partagés perchés dans son petit village de Ait Ahmed. Il m’a transmis la connaissance de Cheikh Mohand, un poète et philosophe kabyle du XIXe siècle que l’on ferait bien d’entendre aujourd’hui. Je me rappelle quand il m’invita à me rendre dans le mausolée, ce fut une forte connexion pour la parole et la sagesse de ce marabout et je sentais que Karim faisait vivre cela dans son action. J’aimais Karim parce que toujours il a refusé la facilité des discours, des clans «berbères» et «arabes». Il recherchait vraiment ce qui était le mieux pour tous.
Karim de plus était un militant du FSS, un admirateur de Hocine Ait Ahmed, un des leaders de la révolution et aujourd’hui toujours en opposition avec le pouvoir en place. Ces dernières années je l’avais trouvé un peu découragé par l’action politique, mais dans ce pays on est souvent inquiété et menacé quand on veut le meilleur. Nous avons organisé de nombreuses réunions sur le mouvement humaniste, la non-violence et toujours nous étions suivi par la police. Quelquefois de simples citoyens complices nous ont bien emmerdés ! Tout cela pour quelques honneurs du systèmes.
Je dois remercier Karim de m’avoir aider à passer des moments difficiles, toutes sortes de trahisons …mais je me dis que pour lui, et toutes les personnes sincères, c’est le lot quotidien… difficile à supporter. D’autant plus, que Karim devait se battre aussi pour vivre et gagner sa vie. Passant d’échecs cuisants comme son entreprise d’informatiques aux Issers à un poste de chargé de communication dans une des plus grandes entreprises algériennes. Mais il me semble pour pour lui, cette lutte quotidienne c’était trop de pression.
Je me rappelles des moments passés avec lui, avec Catherine, et avec Claudie ! Dans notre hôtel un peu pourri et pourtant favori d’Alger: le Touring Hôtel. Presque tout était resté comme dans les années 60 ! Mais on s’en foutait car on avait le projet de créer une révolution humaniste là ou c’est impossible: en Algérie ! Karim était trop militant, trop dans «l’externe» mais il avait commencé à prendre contact avec son intérieur, j’en suis certain… et il me fit quelques beaux témoignages sur l’application des principes d’actions non-violente et sur la carte de la vie face aux situations du quotidien. Donc c’est vrai aussi que je désespérais un peu de lui, mais en fin de compte, nos derniers jours passés ensemble furent une grande réconciliation, un moment merveilleux.
Cela se passait dans un paysage idyllique, «Palm beach» au bord de la mer, il m’avait accueilli comme un «pacha». Karim voulait profiter de la Marche Mondiale pour la Paix et la non-violence pour fonder un grand mouvement humaniste algérien. Il réussit même à attirer tous les journalistes de la presse à la Maison de la Presse d’Alger, lors d’une conférence mémorable. Nulle part, quelqu’un d’autre que Karim a réussi à faire parler de la non-violence et de l’humanisme dans tous les journaux nationaux. »
allah yerhmek ya karim