Cœur à deux vitesses
Au moment où des militants du FFS de la commune d’illilten s’apprêtent à rendre un hommage à notre ami, camarade Amrane Oumohand disparu en 2007, je veux adresser ce massage pour témoigner du parcours de ce militant, hors pair, qui s’est distingué, pendant plusieurs années, par des qualités humaines exceptionnelles et un engagement militant sans faille.
Voisins au village « Tizit », où nous avons grandi et fait notre scolarité jusqu’au lycée. Déjà, à cette époque, on a décelé, chez lui, des signes qui feront de lui, plus tard, un militant engagé. Parce qu’il ne trouvait pas l’équipe de football du village représentative de tous les talents, il a monté un projet parallèle d’une deuxième équipe composée des joueurs non retenus en équipe première. Il l’a dénommé «Tansawt» qui a son actif plusieurs succès dans les tournois de foot organisés au village.
N’ayant pas obtenu son bac et ne voulant pas se résigner à rester au village et attendre que cela change, il a passé plusieurs concours pour intégrer des centres de formations professionnelles. Il participe au même temps aux différentes activités de l’association culturelle Tara qui venait de se créer après les événements d’octobre 1988.
En 1993, lui et un cousin Kader, réussissent à intégrer l’ITEEM (centre de formations industrielles) à Alger afin d’y préparer un diplôme de technicien supérieur en électromécanique. C’est à cette période qu’il s’engage pleinement dans l’activité associative et syndicale en fréquentant les étudiants de l’école polytechnique d’El Harrach et la cité universitaire de Hydra. Il fut l’un des initiateurs de la première commémoration du printemps berbère au sein de l’ITEEM, ce qui lui a valu quelques désagréments avec l’administration du centre.
En 1995, il affronte la première grande épreuve de sa vie en perdant son jeune frère Smail, assassiné dans des conditions troubles alors qu’il effectuait son service militaire dans l’ouest de l’Algérie. Il forgera, dès lors, une carapace qui endurcira son caractère déjà bien trempé et sera d’un soutien immense à toute sa famille, et son père en particulier dans cette dure épreuve. Cela coïncidera aussi avec son obtention du diplôme de technicien supérieur en électromécanique. Après quelques mois d’emploi en tant que salarié, il se lance dans la création d’une entreprise en électricité Bâtiment et s’installe à Tizi-Ouzou.
Toujours intéressé par les questions qui taraudent la société algérienne, il venait régulièrement assister aux conférences que nous organisions à l’université et devient rapidement ami avec plusieurs étudiants syndicalistes à l’université. A cette époque aussi, il commence à fréquenter la maison des droits de l’homme et du citoyen (MDHC) de Tizi Ouzou où il a fait connaissance de plusieurs militants des Droits de l’Homme et du FFS. Il devient alors un habitué des lieux et participe activement aux différentes manifestations de
la MDHC.
Il s’est distingué principalement par sa générosité et son grand cœur en soutenant financièrement plusieurs étudiants qui le considéraient comme un des leurs en l’associant aux discussions et débats animés pendant cette période difficile pour l’Algérie.
S’ensuit après une phase intense d’activités professionnelles et militantes au point de négliger sa santé, déjà fragile à cause d’une malformation congénitale cardiaque. Malgré ces alertes, il n’a pas renoncé ni diminuer son engagement militant et continue à multiplier ainsi les déplacements, les soutiens et prises de positions courageuses au regard de sa position d’entrepreneur dépendant exclusivement d’appels d’offres publics. Moi-même étant témoin, à plusieurs reprises, de différends professionnels avec des responsables administratifs zélés, qui se transforment en des tirades politiques de sa part. Il était ainsi notre ami, entier, sans concessions et incorruptible.
Au début des années 2000, nos chemins se séparent, lui est resté en Algérie continuer ses différentes activités et moi parti en France poursuivre mes études. Nous sommes restés en contact et m’informait de l’évolution de la situation dans notre mouvance d’opposition, il nous est arrivé d’avoir des divergences d’analyse sur quelques épisodes de la vie de la Ligue Algérienne des Droits de l’Homme (LADDH) et du FFS mais notre amitié est restée intacte sans un brouillard ou un orage.
Il était un membre très actif lors du congrès orageux de la LADDH en 2005 où sa prise de position a été très courageuse comme à son habitude. Je me souviens l’avoir vu et déjeuné avec lui en aout 2005 lors de mes vacances en Algérie, il montrait des signes de fatigue inquiétants et malgré mon insistance à aller voir un médecin, il n’arrêtait de me rassurer en me disant que c’est juste un coup de fatigue passagère et qu’il allait se requinquer après quelques jours de repos. Je n’étais pas rassuré pour autant et c’est finalement la dernière fois que je le voie. Finalement il aura vécu toute sa vie avec un cœur qui marchait à deux vitesses; la première où il était généreux, proche des petites gens, solidaire et engagé dans toutes les causes justes et jamais à cours d’idée. La deuxième vitesse celle de son organe de cœur qui a décidé d’arrêter de battre un jour du mois de mai 2007.
L’hommage que tes amis te rendent aujourd’hui est le symbole de l’empreinte que tu as laissée gravée dans nos cœurs à jamais. Cette empreinte n’est pas seulement un souvenir mais une incarnation vivante en la personne de ton petit frère Fahem, qui a repris le flambeau de ton engagement et sois-en sûr mon ami, qu’il saura perpétuer cette héritage et relèvera tous les défis que tu as laissés en chantier ; quels soient familiaux ou militants.
Moi et tes amis, serons là pour le guider, l’assister comme tu as été là pour nous, dans les moments difficiles, d’un soutien indéfectible et inestimable.
Ton amitié et ta générosité resteront des modèles de comportement exemplaire pour les générations futures que j’appelle de mes vœux à continuer le combat du cœur, de la solidarité et de l’engagement dans toutes les causes justes. . Ton ami Ahcène Oumeddah
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