* Journaliste à l’APS, animateur de l’«Initiative pour la dignité du journaliste» Les syndicats des «journalistes-maison» ne ruent pas dans les brancards : ils tombent dans les bras du pouvoir, font la courte échelle à l’Instance Bensalah, en mal d’interlocuteurs crédibles pour conduire ses consultations politiques. Samedi dernier, une délégation «représentant»
la Fédération nationale des journalistes algériens (FNJA), syndicat affiliée à l’UGTA et du Syndicat national de journalistes (SNJ), structures syndicales arrimées au pouvoir et souffrant d’un déficit chronique en légitimité et en représentativité, a pris part au «Bensalah show». Sur la table des «consultations», que des sujets sérieux engageant l’avenir des journalistes et le devenir de la liberté de la presse : statut particulier du journaliste, loi sur l’information, conseil de l’éthique et de la déontologie, régulation du champs médiatique….
- Des syndicats de journalistes, le SNJ et et la FNJA en l’occurrence, ont été reçus samedi dernier par la «commission Bensalah». En dépit d’un déficit en légitimité et en représentativité, ces deux structures syndicales siègent également dans la commission ministérielle chargée de se pencher sur la question des salaires des journalistes. Que vous inspire cette usurpation continue de la qualité de représentant de journalistes et ce compagnonnage inopportun du régime ?
La commission Bensalah a fait du remplissage avec ces deux organisations. Elle a meublé sa journée tant elle n’avait pas grand monde à recevoir ce samedi. Il se trouve que la corporation de journalistes est la moins organisée du pays. Le problème de la représentativité et de la légitimité de ces deux syndicats se pose avec acuité. Le SNJ n’a pas renouvelé ses instances depuis cinq ans et la FNJA dont le bureau fédéral est dissous depuis plus de deux mois, fonctionne par cooptation (de l’UGTA). Désavoués, délégitimés, les animateurs de ces syndicats veulent se réhabiliter en s’inscrivant dans cette démarche de consultations politiques, alors qu’en réalité ils ne font que s’enfoncer davantage.
Concernant l’objet de ces consultations: nouveau code de l’information, régulation du champs médiatique, conseil d’éthique, etc., il se trouve qu’au niveau du ministère (de la Communication) un processus est déjà en cours pour, entre autres, la révision de cette loi et dont le projet, d’après le ministre, sera présenté en Conseil des ministres avant la fin juin. Alors pourquoi se rendre chez l’instance de Bensalah tout en sachant que celle-ci ne terminera pas son travail en juin, et que l’essentiel des préoccupations sérieuses des journalistes est traité à un autre niveau ? A mon sens, cette rencontre tient du simple protocole. Pas plus. Pour ce qui nous concerne, nous animateurs de «l’Initiative pour la dignité du journaliste», nous n’avons pas été invités ni à ce processus, ni associés au travail de la commission ministérielle.
Nous ne sommes pas une organisation corporatiste et notre seul objectif est de susciter un débat autour des préoccupations réelles des journalistes en partant du constat que les organisations existantes, instrumentalisées politiquement, ont déserté depuis longtemps le terrain des luttes syndicales.
- Misère d’une corporation ouverte aux quatre vents, la FNJA a plaidé, entre autres, pour un plan de carrière en faveur des journalistes, la révision du statut particulier du journaliste (statut non encore promulgué) et surtout pour la révision à la baisse de l’amende infligée au journaliste coupable de diffamation. Le FNJA trouve excessive les 750 000 DA d’amende prévue par le code pénal. Un commentaire ?
Les journalistes qui se sont exprimés au nom de la FNJA n’avaient pas de mandat légitime pour ce faire. Ils ont été désignés, comme au bon vieux temps, cooptés par le secrétariat de l’UGTA. Qu’on se le dise ! S’agissant du projet de loi sur l’information qui sera présenté au gouvernement fin juin, nous n’en connaissons pas la teneur exacte. Hormis ce que le ministre, qui n’a pas donné lecture publique de ce projet, a bien voulu dire, à savoir que les articles prévoyant des peines d’emprisonnement du journaliste allaient être supprimées et que des dispositions nouvelles allant dans le sens de la protection du journaliste, de l’accès garanti à l’information y seront consacrées. Maintenant, pour cette histoire d’amende «excessive», par principe, je suis contre toute peine infligée à un journaliste en exercice. Je m’interroge toutefois si une dépénalisation complète du délit de presse opérée dans le contexte actuel, avec le niveau d’indigence, de désorganisation, de déliquescence de la profession, d’absence d’un conseil d’éthique, ne va pas nous plomber davantage !
Mohand Aziri