31 août, 2011
Au sujet de la Libye, les Algériens sont divisés
LEMONDE | 31.08.11
Alger Correspondance – Mouammar Kadhafi sera livré à la Cour pénale internationale au cas où il entre en Algérie. C’est le message du président algérien Abdelaziz Bouteflika transmis via des sources sûres au journal Echourouk, lundi 29 août. Le jour même où l’épouse du colonel, Safia, sa fille Aïcha, ses fils Hannibal et Mohammed et leurs enfants étaient autorisés à entrer en Algérie.
Ils se trouvaient, mardi, dans la résidence présidentielle qui surplombe Djanet. Seule Aïcha, qui a donné naissance à une fille, se trouvait encore à l’hôpital de la ville. Si la décision du gouvernement algérien suscite un surcroît d’animosité envers la rébellion libyenne, l’approbation l’emporte sur les critiques au sein de l’opinion. « Ils n’allaient quand même pas laisser une femme accoucher dans la brousse », s’écrie un Algérois.
Le discours d’un membre du CNT sur les « comptes » que l’Algérie devra rendre provoque une réaction indignée contre les « révolutionnaires de l’OTAN ». Vivement critiqué par une partie des élites politisées et de la presse pour son refus de soutenir la rébellion contre la dictature de Kadhafi, le gouvernement a invoqué le principe de « non-ingérence », tout en mettant en avant le risque de voir les armes passer entre les mains d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI).
Une position qui ne passait pas au début au sein de l’opinion algérienne, choquée par les appels de Kadhafi à traquer les insurgés « rue par rue, maison par maison ». Les rebelles libyens bénéficiaient au début d’une forte sympathie. L’entrée en guerre de l’OTAN a provoqué un retournement. « Personne ne pleurera la fin du régime Kadhafi, mais personne non plus ne se fait d’illusions sur ce que les Occidentaux veulent mettre en place en Libye », explique un opposant.
« Pure propagande »
Des journaux algériens, dont El Watan, ont continué à fustiger l’attitude officielle qui fait de l’Algérie « un pays sans voix, sans position, sans vision, sans perspective, sans personnalité diplomatique », mais beaucoup ont trouvé que le minimalisme des autorités algériennes se justifiait. Signe de cette évolution, la chaîne Al-Jazira a connu une désaffection significative au sein du public algérien avec le début de l’intervention occidentale. « C’est devenu de la pure propagande, je me suis réfugié sur France 24″, raconte un ancien ministre.
Une information, selon laquelle les rebelles du CNT ont débaptisé la place de la Révolution-Algérienne à Tripoli pour la renommer place Abou-Dhabi, a suscité de vives réactions. « Depuis le 5 juillet 1962, pas un avion français n’a largué ses bombes sur l’Afrique du Nord et ses populations grâce aux sacrifices de générations d’Algériens, mais aussi des autres peuples de la région. Par la grâce de « révolutionnaires » d’un nouveau type, l’erreur a été « réparée »", a réagi avec vigueur un lecteur du blog d’opposition Algérie-Politique.
Il suggérait également au CNT de baptiser la place des noms des « généraux Challe et Morice ». Il existe clairement un décalage entre les élites et l’opinion. Sur le plan politique, la venue d’Aïcha et ses frères bousculent les lignes. De Doha, au Qatar, Abbasi Madani a dénoncé, mardi, au nom du Front islamique du salut (FIS), la décision « d’accueillir la famille du criminel et tyran Kadhafi ».
Le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RDC, laïque) ironise, lui, sur le « cadeau » du régime algérien pour l’Aïd.
Amir Akef