Saïd Mekla, journaliste (Le Temps d’Algérie)
« Un exemple de démocratie »
Tant attendues par la communauté internationale, les pays de la région en particulier, les élections en Tunisie constituent à mon humble avis, l’exemple à suivre pour les pays en voie de démocratisation dans la mesure où elles ont consacré le choix réel du peuple tunisien aux convictions multiples.
Des islamistes aux radicaux de gauche en passant par les «centristes», toutes les tendances ont eu «leurs voix», à la mesure de leur représentativité réelle sur le terrain. Même si, des voix s’élèvent déjà pour mettre en gade contre la menace islamiste, il est clair que c’est la démocratie avant tout qui l’a emporté. Pour preuve, les concurrents «divisés» de Ghanouchi qui s’attendaient tout de même à des scores plus importants ont tous reconnu la victoire des islamistes et se sont inclinés devant le choix du peuple.
Maintenant que cette expérience, première du genre dans un pays arabe, s’est déroulée dans de très excellentes conditions, l’on crie aux conséquences désastreuses d’une…démocratie pourtant réclamée, soutenue, «imposée» jusqu’au…dépouillement dont les résultats que personne ne peut contester par ailleurs, ne cadrent pas avec les visions de certains cercles en Occident comme dans le monde arabe qui brandissent dans la foulée de leur déception, le péril islamiste qui est «à nos portes».
Le choix est fait et c’est le choix des Tunisiens. Personne ne pourra leur dire ce qu’ils doivent assumer ou pas. Certes, beaucoup de choses restent à faire et c’est encore le peuple, à travers ses désormais représentants légaux qui définira l’avenir immédiat de la deuxième république de Tunisie. Abstraction faite des jeux de coulisses et autres alliances à venir, l’étape suivante est la plus cruciale.
Samir Azzoug, journaliste (La Tribune)
« Un acte de liberté, de conscience, d’attachement aux valeurs démocratiques »
C’est un évènement historique pour tout le continent africain et une leçon pour nombre de démocraties où le pouvoir des lobbys joue un rôle prépondérant. C’est un acte de liberté, de conscience, d’attachement aux valeurs démocratiques.
Les réactions des partis tunisiens après l’annonce même partielle des résultats démontrent la maturité des intervenants de la scène politique tunisienne. Les Tunisiens nous ont donné une leçon, un pays où une civilisation naît, ne craint jamais pour son avenir. Après des passages à vide, Carthage reprend son rayonnement. Voila ce que je pense dess élections et du peuple digne de Tunisie.
Mehdi Bsikri, journaliste (El Watan)
« Elles sont précurseurs de la démocratisation de la région du Maghreb «
Les élections en Tunisie et leur bon déroulement, d’après le témoignage de confrères et collègues présents sur les lieux, sont peut être précurseurs de la démocratisation de la région du Maghreb. Il ne faut surtout pas oublier que pour arriver à ce stade, d’énormes sacrifices ont été consentis, notamment les centaines de tunisiens assassinés par les sbires benalistes.
Je pense aussi que la menace d’Ennahda est insignifiante. Islamistes ou pas, les Tunisiens ont beaucoup appris des leçons de leur voisin algérien. Si Ennahda gagne les législatives de 2012, il ne faut s’adresser à Ghanouchi, car sans une masse il n’est rien. On peut croire que le vote pour Ennahda s’apparente plus à un vote sanction contre les pseudo laïcs. Il faut laisser le temps au temps. Les Tunisiens ont le destin entre leurs mains ? Nous sommes qui pour leur donner des leçons ? L’essentiel: le sang ne doit pas couler, donc pas de forcing armé.
Karim Aimeur, journaliste (L’Expression)
« Une expérience à méditer »
Le 23 octobre 2011, la Tunisie plurielle a vécu l’un de ses meilleurs moments de ce début du 21e siècle. L’élection d’une Assemblée constituante, après l’une des révolutions populaires les plus pacifiques dans le monde, me laisse méditatif. C’est une expérience à méditer. J’étais très heureux les voyant voter dans la transparence.
Les Tunisiens ont réussi en peu de temps mille et une réalisations à la fois dont les plus apparentes: une révolution qui a chassé un dictateur et une élection plurielle et transparente. Je pense que les Tunisiens ont produit un miracle.
Moderniste, le Tunisien s’est exprimé le plus librement du monde. Reste à espérer que le discours doré de démocratie et de valeurs universelles des dirigeants du parti islamiste Ennahda ne soit pas un slogan sans fond.
Les Tunisiens méritent de vivre pleinement la démocratie et j’estime que la Constitution qu’établira l’Assemblée répondra aux exigences de cette démocratie. Quand aux Algériens, ils doivent encore patienter. Je souhaite que le printemps Tunisien s’étendra à d’autres contrées de cette planète.
Djamel Chafa, journaliste (Le Temps d’Algérie)
« Dans la transparence »
Le plus important à mon avis, c’est que les élections se sont déroulées dans la transparence. Aucune formation en compétition n’a parlé de fraude telle que nous la connaissons ici en Algérie.
En ce qui concerne l’exploit du parti Ennahda, quoi qu’on dise sur sa filiation islamiste, il s’agit d’abord du choix de la majorité des Tunisiens. Le temps finira par dire s’ils ont raison ou non.
Madjid Khetar, journaliste (Djazair News)
« الانتخابات التونسية تتسم بنوع من الشرعية
أعتقد أن الانتخابات التونسية تتسم بنوع من الشرعية بعد النتائج التي حققها حزب النهضة. وفي فيما يخص مستقبل تونس بعد الانتخابات أرى أن هذا البلد سيمر بنوع من الصعاب والمشاكل وهذا في تحديد نوع النظام، فهذا لن يكون سهلا، خصوصا أن الحزب له قاعدة إسلاموية. وباعتقادي تونس ينتظرها مصيرين، الأول بإمكانها أن تكون أول بلد سيجسد نوع من الديمقراطية بالمغري العربي، وهذا في حالة وفاء حزب النهضة بوعوده في العمل على تكريس الديمقراطية واحترام الحريات، وهذا لن يتحقق إلا إذا طبق نظام سياسي مثل النموذج التركي.
والنظرة الثانية بإمكان تونس أن تشهد أزمة صعبة جدا، والتي لا نتمنى أبدا أن تحدث، وهذا في حالة خيانة حزب النهضة لوعوده وتجسيده لنظام إسلامي، ما سيشكل دون شك خطرا على مستقبل تونس، من جهة، سيمس بالاقتصاد المحلي وسيؤثر تأثيرا بليغا على السياحة التونسية، بالنظر إلى إيديولوجيات الأحزاب الإسلامية، فتطبيق النظام الإسلامي في تونس سيحرم قطاع السياحة من الانتعاش والتحرر، خصوصا أن السياح يقصدون تونس ومناطق السياحية لاسيما الشواطئ نظرا للحرية العالية التي يتمتع بها السائح.
ومن جهة أخرى، سيعرض تونس لأخطار المخططات السياسية الغربية المعادية للإسلام. ولكن عموما أعتقد أن حزب النهضة بقيادة الغنوشي لن يحاول أبدا تكريس سياسة الظلم والتطرف، لأنه تأكد أن الشعب التونسي تحرر من الخوف بعد إسقاطه للنظام الديكتاتوري الذي كرسه بن علي، وبإمكان الشعب أن يعيد نفس الثورة ضد حزب النهضة، وارى أن النهضة مجبرة على فعل المستحيل لإرضاء الشعب التونسي سياسيا خصوصا من الناحية الديمقراطية والحريات وحقوق الإنسان. لكن هذا لن يمنع وقوع تنافس وصراع بين العلمانيين والإسلاميين خصوصا في تقسيم الحقائب الوزارية.
Nassim Brahimi, journaliste (Wakt El Djazair)
« Les Tunisiens doivent être fiers de ce qu’ils ont réalisé »
Les Tunisiens doivent être fiers de ce qu’ils ont réalisé jusqu’à présent et ignorer les critiques et soupçons stériles des intellectuels faussaires de la place parisienne. Si cette élite se souciait vraiment de leur condition politique, elle aurait du le signifier du temps où Ben Ali violait tous les droits élémentaires du peuple tunisien.
Les Tunisiens savent très bien que la victoire écrasante du courant islamique –le terme «islamiste» étant péjoratif- ne constitue aucun danger pour la suite du processus entamé pour établir une démocratie, peut-être la première en Afrique du Nord. Ce que beaucoup d’analystes ne savent pas est que le modèle turc, présenté comme démocratique est en partie inspiré par les écrits de Rachid Ghannouchi dans les années 80. De plus, la Tunisie possède ses propres traditions républicaines garantes du respect de la démocratie.
Il faut juste pour les Tunisiens qu’ils apprennent à revisiter l’expérience algérienne pour ne pas sombrer dans la violence politique et s’atteler à construire leur avenir sans prendre en considération les angoisses injustifiées des apprentis démocrates. Les Tunisiens ont vaincu la dictature seuls, et c’est seuls qu’ils devront bâtir leur avenir.
Nadir Iddir, journaliste (El Watan)
« Tout se règle par les urnes, rien par la violence et la coercition »
Les résultats partiels des élections en Tunisie ont confirmé ce qu’appréhendait une partie de l’opinion internationale: les islamistes d’Ennahda arrivent en tête. Le peuple tunisien a fait son choix dans la sérénité; il importe pour nous de saluer cet acte. L’expérience démocratique algérienne avortée a, semble-t-il, bien été pris en compte par nos voisins de l’Est: tout se règle par les urnes, rien par la violence et la coercition.
La société tunisienne, même laïcisée par un régime créé par Bouguiba au lendemain de l’indépendance, est travaillée en profondeur par des mouvements conservateurs présents dans les associations caritatives et autres. Au lieu de dénoncer une quelconque préférence des sociétés arabes pour « la peste verte », il faut connaitre les raisons qui ont favorisé cette poussée prévisible des islamistes: les religieux d’Ennahda en Tunise, comme partout ailleurs, tirent leur force de la faiblesse d’un camp démocratique qui s’est séparé du peuple. Il est temps pour ces partis de renouer avec les vraies pratiques démocratiques en prenant à bras le corps les revendications sociales et politiques des masses. La démocratie, ce n’est pas des discours pompeux, mais c’est surtout des solutions à la misère des gens: l’électeur voit manger à sa faim et voir ses enfants grandir.
Aller dans le sens désiré par les électeurs est la seule garantie d’une adhésion populaire future. L’expérience algérienne, qui a vu l’entrée en force de l’armée dans le jeu politique, a tout compte fait « inspiré » les Tunisiens: le verdict des urnes ne doit pas être dévoyé. Les mouvements qui se réclament de la démocratie doivent éviter de jouer les rabat-joies: l’électeur arabe de Tataouine ou de Béja ou de Khenchla n’est pas plus superstitieux qu’un électeur de l’Arkansas. L’expérience tunisienne, qui n’est qu’à ses débuts, ne l’oublions pas, est déjà riche en renseignements: la démocratie, c’est surtout la respect de l’Autre.
Abdenour Igoudjil, journaliste (Le Temps d’Algérie)
« Une première étape pour l’édification d’un Etat démocratique »
Le pas de géant dont peut se féliciter le peuple tunisien après tant de décennies de dictature ne doit en aucun cas servir la cause obscurantiste. Même si c’est un parti de la mouvance islamiste qui a remporté ces premières élections libres en Tunisie, le respect de la volonté du peuple est très important pour l’avenir et la stabilité de ce beau pays. Il faudrait peut-être aujourd’hui que les Tunisiens fassent une rétrospective et comprendre le pourquoi de cette percée des islamistes qui ont travaillé dans l’ombre même sous le régime de en Ali.
Avant de jubiler (ce qui ne doit pas arriver) pour ce courant qui ne peut se détourner de l’obscurantisme qui constitue sa matrice, faut encore saluer ce premier jet d’un pays de l’Afrique du nord de vouloir instituer une assemblée constituante. La démocratie ne doit cependant pas laisser les libres champs à l’extrémisme et à l’obscurantisme sous toutes ses manifestations.
Les joutes du 23 octobre dernier ne sont, en fait, qu’une première étape pour l’édification d’un état démocratique. Un idéal qu’ils peuvent atteindre s’ils tiennent compte des erreurs commises ailleurs, notamment en Algérie. Nos décideurs sont certainement dans l’embarras. Une Tunisie libre et démocratique les gêne à plus d’un titre. L’exemple Tunisien doit être médité par les autres pays Arabes, avec bien sûr, plus d’attention. Il est en effet difficile de « basculer » d’un régime totalitaire vers un régime démocratique en un laps de temps aussi court.
Propos recueillis par El Mouhtarem