Par Nadjia Bouaricha (El Watan)
La machine propagandiste et de désinformation, que représentent nos médias audiovisuels, atteint jour après jour des niveaux de bassesse à faire pâlir de jalousie les médias les plus fermés de l’ère soviétique. Plaire aux décideurs et mentir à l’opinion, tel est le credo de ces outils de la contrevérité.
Alors que dans les pompeux discours officiels, on chante l’ouverture des médias publics à l’opposition, au quotidien des exemples sont légion pour montrer que le pouvoir ne veut pas lâcher son emprise et son monopole sur ces outils désuets et à inscrire dans le chapitre des déchets de l’histoire des médias. Fermée à longueur d’année à l’opposition, la radio fait une fois, quand l’injonction lui vient de haut lieu, entorse à sa coutume et invite un parti de l’opposition.
C’est pour elle une occasion non pas d’ouverture mais de faire siennes les thèses du pouvoir et tenter de charger cet invité de l’opposition comme on charge un accusé dans un commissariat. Ce fut le cas, samedi dernier dans l’émission «100% politique» de Radio Internationale. Le premier secrétaire du Front des forces socialistes (FSS) a été l’invité de cette émission et a eu à entendre la plus inattendue des comparaisons. La journaliste, dans un excès d’on ne sait quel zèle, n’a pas cessé de lancer des remarques malveillantes et réductrices à son invité, dans le but très clair de tourner en ridicule ses positions et non pas de permettre aux auditeurs de les connaître.
Oubliant son rôle de journaliste et empruntant une autre casquette, celle-ci commence par dire à son invité, alors qu’il lui parlait de la grave situation que traverse le pays, que son discours lui fait penser à un retraité dans un café pas content de ses fins de mois. Mépris pour son invité et mépris pour les retraités. Et d’en rajouter une couche en lui disant : «N’êtes- vous pas fatigués au FFS de dire le même discours depuis 48 ans ?» La journaliste, visiblement chargée non pas d’interviewer mais d’essayer de piéger l’invité, ose faire un parallèle qui renseigne on ne peut mieux sur la bassesse et l’effronterie dont peut être capable un appareil de propagande aux mains du pouvoir qu’est la radio. Insistant sur la préparation de «l’après-Aït Ahmed», son invité Karim Tabbou lui rétorque que «les Algériens savent qu’Aït Ahmed est à Lausanne, mais ils ne savent pas où se trouve le chef de l’Etat.
Les Algériens ne savent même pas s’il est dans un hôpital, est-ce qu’il est mort ou est-il vivant ?» Une réponse qui permet de poser pour une fois le problème de santé du Président dans un média public. Ceci n’a pas été du goût de son intervieweuse qui franchit le seuil de l’inconcevable et compare le nombre d’années d’Aït Ahmed à la tête du FFS à celles de Mouammar El Gueddafi à la tête de la Libye. «Il a fait plus fort qu’El Gueddafi», dit-elle. La phrase est lâchée et sonne comme un grave dérapage. Tabbou s’offusque d’une telle remarque et dit : «Je ne vous permets pas de faire un tel comparatif. Aït Ahmed est à la tête d’un parti de l’opposition, il a donné sa vie pour ce pays, il a une histoire qui témoigne de son combat.
Faire un comparatif avec un sanguinaire comme El Gueddafi c’est vraiment manquer de respect à la personne d’Aït Ahmed. Je ne l’accepte pas.» Et d’ajouter : «Je ne veux pas qu’on fasse ce type de comparaison, tout simplement parce que Aït Ahmed est un homme qui a libéré un pays et El Gueddafi est un homme qui a écrasé un pays.» Telle est l’ouverture de façade voulue par un pouvoir qui jure de changer, mais qui fait tout pour se maintenir en gardant ses vieux réflexes d’accuser ses adversaires de ses propres tares. Après la falsification des livres d’histoire, on s’attaque maintenant aux vrais acteurs de l’histoire. Nul étonnement à une telle dérive commise par un média forgé et conçu comme un appareil «gœbbelsien».
La photo n’illusstre pas l’article d’El Watan