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Résumé de la conférence* de M. Abbes Hamadene

journal288644.jpg« Je suis parti d’un diagnostic largement partagé à savoir que « depuis plusieurs années, le mouvement et la région kabyle qui l’a essentiellement porté  sont confrontés à une crise extrêmement grave. Et que cette crise, n’est pas la conséquence d’un déterminisme historique ou culturel, elle est liée à des causes qui trouvent leur prolongement dans la réalité multidimensionnelle de notre pays ».
La question est de savoir « si le mouvement s’est oui ou non donné tous les moyens d’élargir ses champs des possibles et ainsi connaître un meilleur cheminement que celui qu’il a parcouru ?».   Pour essayer de répondre à cette question, je suis parti d’un constat double : « si le mouvement avait un handicap de départ lié au fait qu’il ne pouvait pas puiser dans une tradition politique terriblement affaiblie par 20 années de dictature militaire, il pouvait néanmoins s’appuyer sur un système de valeurs puissant, cohérent et relativement inaltéré depuis des générations et qui a donné à la Kabylie sa réputation méritée de région rebelle. »
Donc, une faiblesse et une force. Ensuite j’ai examiné l’une et l’autre avant d’analyser leur interactivité avec les enjeux politiques du mouvement.  

De cette modeste analyse, on peut tirer plusieurs constatations :
1-  En posant la question de la revendication berbère, le mouvement a engendré des enjeux sans précédent pour lesquels il n’était guère préparé.
2- Le mouvement n’a pas réussi à élaborer un projet politique, «non pas sous sa forme galvaudée et politicienne, mais comme une réinstitution d’espaces politiques autonomes capables de former  et de fournir au mouvement des cadres politiques de qualité, un cadre organisationnel adapté et une vision politique tenant compte à la fois de la diversité politique au sein du mouvement et des enjeux politiques qu’il a suscités.»
3- Le mouvement tirait sa force d’un système de valeurs qui a fait de la Kabylie un bastion de la résistance face à toutes les invasions, des romains jusqu’aux français en passant par les arabes et les turcs.  « Un système de valeurs qui accordait une grande place à la respectabilité, la modération, la tempérance, le don de soi, la fidélité, la solidarité, la confiance et par-dessus tout, l’autolimitation individuelle et collective (Ahezzab). »
4- Les laboratoires du pouvoir sont arrivés à la conclusion que le seul usage de la répression n’était pas suffisant pour mettre à genou le mouvement et la région qui le porte et qu’« Il fallait le torpiller de l’intérieur et cela passerait fatalement par des rapprochements avec des personnes issues du mouvement et tentées par l’aventure participationniste. Le participationnisme est une stratégie politique qui ambitionne de changer le système de l’intérieur en s’alliant avec des  démocrates imaginaires au sein de l’Etat-major de l’armée et des services.
5-  De douteux compromis sont passés impliquant des personnes influentes issues du mouvement. Ces compromis sont perçus par une grande partie de la population comme une violation du pacte qui unissait le mouvement. Le doute s’installe, les repères explosent, de nouvelles pratiques se propagent et métastasent le tissu social, «La modération, la tempérance, la respectabilité laissent place à l’insulte, l’outrance verbale et la menace physique».
6-  La cohésion du mouvement est fragilisée.  Les doutes augmentent sur l’utilité et la pertinence des valeurs qui ont fait la force du mouvement. Les implications politiques et psychologiques sont désastreuses : résignation, cynisme, nihilisme suicidaire, désespoir, crispations identitaires…
7- Si l’hypercritique, l’anathème conduisent à la négation et à la stagnation, La critique et l’autocritique mènent à la compréhension et à la construction. Ma modeste expérience militante m’a appris à être prêt à congédier les préceptes acquis et à m’en tenir à ce doute salutaire qui permet de combattre et non pas à cette oisiveté molle des vérités tranchées et définitives. 

Je vous souhaite les plus belles réussites dans vos efforts et la meilleure inspiration créative dans vos choix présents et à venir. Dans cette perspective, qui mieux qu’un poète peut conclure :
« Le vent n’est pas suffisant,
Il faut aussi la mer pour aller au fond de
L’inconnu pour trouver du nouveau.”  Abbes Hamadene 

* La Maison de l’Algérie a organisé, le 19 avril 2008 à Paris, une rencontre- débat:  » Revendications et cheminement du mouvement berbère: Regards critiques près de 30 ans après le printemps berbère en Algérie « .  La rencontre a été animée par Ahsène TALEB : Militant pour la démocratie en Algérie et Abbès HAMADENE : Militant pour la démocratie. Merci Abbes pour ton analyse pertinente.  El Mouhtarem

L’Algérie en colère? Et après?

Le ministre Moctar Ouane aurait remis sine die la visite qu'il s'apprêtait semble-t-il à effectuer en Algérie cette semaine. La raison, selon toute vraisemblance est que le pays de l'ancien colonel Abdel Aziz Bouteflika serait ''très fâché'' contre le Mali. Et comme pour le lui signifier, il aurait  décidé de ne plus intervenir dans le bordel -appelons le chat par son nom- entretenu dans le septentrion de la république du Mali, le long de sa frontière avec l'Algérie, par la bande à Bahanga.     

Un bordel qui se traduit par la violation de toutes les lois de la république du Mali avec son cortège d'innocents blessés, handicapés à vie, tués, séquestrés, torturés physiquement et moralement. Avec son cortège de rapt, d'enlèvement de biens privés et publics. Tout cela pour des causes plus que douteuses.   

L'évidence, c'est que ceux qui commettent ces crimes contre le Malien et les Maliens ne sont pas sortis des cuisses de Jupiter, encore moins tombés du ciel. Tout comme l'arsenal militaire dont ils disposent.     

Alors, d'où tirent-ils tous ces moyens pour défier arrogamment l'Etat malien au point de chercher à le mettre à genou ? Selon un adage bien de chez nous, qu'aimait d'ailleurs répéter le général Moussa Traoré, ''si tu vois les tripes du poulet tendu, c'est parce qu'il y a un bâton dedans''.   

L'Algérie a-t-elle été accusée officiellement par le Mali d'être ce bâton ? Non ! Seulement, à en croire une certaine presse, les autorités algériennes auraient piqué une noire colère pour la simple raison qu'elles seraient la cible d'un confrère qu'elles pensent proche du pouvoir.     

Alger mettrait-elle en avant un article de presse pour dissimuler les jalousies qu'elle éprouve chaque fois que la Grande Jamahiriya pose un acte quelconque dans le grand nord ?   

Il faudrait se rappeler que l'origine du bordel remonte à l'affaire du consulat libyen à Kidal il y a deux ans. Comme par hasard ! Si l'ouverture de ce Consulat à Kidal paraissait porteuse d'espoirs pour nos frères du nord, elle était par contre perçue par le puissant voisin algérien comme une provocation. Voire comme une gifle, un affront qui ne devrait rester impuni de notre part. A  ce sujet, nous avions exprimé nos appréhensions à l'époque à travers la question suivante : ''Pourquoi un Consulat libyen alors qu'une frontière n'existe entre notre pays et celui de Kadhafi ?'' C'est vrai que la Libye fait beaucoup d'actions en faveur de notre pays dans le cadre d'une coopération bilatérale bien appréciée en général par Bamako et Tripoli. Ce qui n'est pas le cas avec l'Algérie, en dépit de son énorme poids économique. Ce qu'on pouvait craindre ne tarda pas effectivement à se produire sous la forme d'une nouvelle rébellion armée, revendiquée par ''l'Alliance du 23 mai'' date à laquelle les rebelles ont attaqué par surprise deux villes de la région.     

Amadou Toumani se trouvait alors dans le Kaarta, à Diéma pour être plus précis. Dans le feu de l'action et des négociations ouvertes à Alger entre ladite alliance représentée par Hamada Ag Bibi et l'Etat malien à travers le Général Kafougouna Koné, la Libye fut contrainte de renoncer à son projet de consulat. En avait- elle vraiment besoin? Ne pouvait-elle pas se contenter d'une agence d'investissements pour le nord-Mali ou quelque chose du genre? C'est vrai que les politiques et les Etats ont souvent la mémoire courte. Ils oublient très vite les enseignements tirés des situations douloureuses.   

Les ténors de l'affaire apparemment rentrés dans les rangs, voilà les seconds couteaux à l'image de Bahanga et Fagaga !     

Retour à la case départ ! Revendications, crapuleries, négociations….la roue tourne. Le forum de Kidal ? Les bandits n'ont rien à cirer. A la vérité ce n'est pas leur bataille même s'ils en tirent de substantiels bénéfices.   

Pendant ce temps, l'Algérie -encore et toujours elle – assure. Facile de mettre le feu à la poudre sans se salir directement les mains. Nos autorités finiront par s'en convaincre si elles ne le sont déjà. La preuve : les mêmes causes, les mêmes effets. Encore une fois et comme par hasard ! Le guide s'est invité à la table des pourparlers allant jusqu'à prendre la direction  des opérations. L'affaire des premiers otages est  conclue. Seif El Islam, l'enfant chouchou de Kadhafi obtient la libération de nos soldats. Hurrah ! Tout le monde est content… sauf ''nos amis'' les Algériens. Parce que une victoire de la diplomatie libyo -malienne est ressentie comme un camouflet. Revoilà donc le lugubre Bahanga et sa horde de hors-la loi dans leur sinistre besogne : encore du sang d'innocents sur le sable chaud, des morts et d'autres otages.     

L'Algérie, fâchée contre l'Etat malien parce que…épinglée par un journal malien ne voudrait plus lever le petit doigt ? D'accord ! Mais laissera-t-elle le Bandit Bahanga travailler avec la Fondation que dirige Seif El Islam ? Toute la question est là !   

Par ailleurs, selon notre source, nos ''amis algériens'' auraient également leur opinion sur la mort du Commandant Belkheir et son accompagnateur. Soupçonneraient-ils notre armée nationale ? Nous ne tarderons pas à être édifiés.   

Sory Haïdara / Le Challenger du 17 avril 2008

Autour du livre de Boualem Sansal

Les faussaires et le débat

Jeudi 17 Avril 2008, La Tribune

Par Mohamed Bouhamidi

En introduisant son dossier, paru dans la dernière livraison du quotidien Algérie News, sur le Village de l’Allemand, le dernier livre de Boualem Sansal, Arezki Louni, signant l’édito du dossier «Sansal» et indiquant ainsi clairement que le journal prenait position, annonce l’existence d’une polémique qu’il qualifie aussitôt de cabale dont il monte immédiatement le procès en procureur informé et soucieux des pièces à conviction. 
Fort bien, examinons le corps du délit. Avant ce dossier, nous ne pouvions noter dans la presse nationale que quatre réactions critiques, quatre seulement et certainement pas coordonnées. R. Lourdjane signe la première dans le quotidien El Watan en réaction aux interviews de Boualem Sansal affirmant la véracité et la réalité d’un village de l’Allemand et de l’absence totale de la question de la Shoah dans la télévision algérienne. R. Lourdjane indique que Sansal ment sur les deux points. Le seul village de l’Allemand que connaît R. Lourdjane est en fait un «village des Allemands» créé avec la guerre, dans la région de Tiaret pour accueillir les Alsaciens-Lorrains après la guerre franco-allemande de 1871. Ensuite la télévision algérienne a bien diffusé une série sur la Shoah réalisée par notre poète N. Abba. Il ne dit pas plus que, dans son interview, Sansal a menti sur deux affirmations précises et vérifiables. J’ai signé la deuxième réaction, car Sansal situant le Village de l’Allemand dans la région de Sétif, j’ai indiqué que ce village, plutôt un lieu-dit, existait réellement mais qu’il a été construit, avec et autour d’un moulin, par Henry Dunant, le futur créateur de la Croix-Rouge pour accueillir des colons suisses du canton de Vaux dans une concession accordée à une grande banque suisse. Non seulement Sansal ment sur ce point précis qu’il avance comme point de départ réel de son roman mais il commet en plus un crime contre la mémoire de… et confond allégrement Croix-Rouge et croix gammée.
La troisième réaction vient de Omar Mokhtar Chaalal, parue dans le quotidien Horizons, qui parle de ce lieu-dit en racontant sa véritable histoire et rajoute que, n’étant pas une commune, ce hameau n’a jamais eu de maire ni français, ni algérien ni allemand, outre que jamais n’y a vécu un étranger après l’indépendance.
Et Boualem Sansal est catégorique sur la véracité de ce qu’il prétend mettre à l’origine de son roman. Je le cite : «Je suis ainsi, j’ai besoin de m’appuyer sur une histoire vraie pour écrire. Dans une fiction pure, je me sentirais comme un acrobate qui travaille sans filet, j’aurais trop peur de divaguer. Dans le Village de l’Allemand, je suis parti d’une histoire vraie, celle d’un  officier SS qui, après la chute du 3ème Reich, est parti se réfugier en Egypte et, plus tard, est venu finir sa vie en Algérie, après s’être battu pour son indépendance… On m’expliqua que ce village était ‘‘gouverné’’ par un Allemand, ancien officier SS, ancien moudjahid, naturalisé algérien et converti à l’islam. Dans la région, on le regardait comme un héros, un saint homme. J’ai senti chez mes interlocuteurs une réelle admiration à l’évocation de son passé nazi, ce qui n’était pas pour me surprendre : la geste hitlérienne a toujours eu ses sympathisants en Algérie…»
Et cela marche. Dans le dossier, Samira Negrouche, qui n’a pas lu le livre, déclare : «Il s’agit d’un roman inspiré d’une histoire vraie.» Répliquer que, vérification faite, il s’avère que cette histoire est construite et totalement mensongère relève de la cabale. Mais avons-nous le droit de porter un regard critique sur les déclarations de B. Sansal ? C’est bien la première question à laquelle doivent répondre Arezki Louni, Bachir Mefti, Samira Negrouche et Christiane Chaulet Achour dont on ne sait pas très bien si elle a fait une déclaration d’ordre général ou si elle faisait référence à ces trois articles sur la véracité des affirmations de Sansal. Jusque-là, rien de concret ne vient étayer l’acte d’accusation et le corps du délit est introuvable : pas d’anathèmes à l’endroit du livre, aucun appel à l’interdiction ni à l’autodafé, aucune stigmatisation. Bien au contraire puisque l’une de ces réactions souhaitait que le livre soit disponible en Algérie pour que les lecteurs s’en fassent une idée par eux-mêmes, loin de toute velléité de tutelle de l’administration. 
Reste la quatrième réaction parue dans la Tribune sous la forme d’une lecture que j’ai faite du roman de Sansal. Comme je n’ai lu aucune autre note sur le livre dans la presse nationale, le dossier d’Algérie News ment aussi sur ce plan-là. La seule note consacrée à ce livre a bien été faite après lecture. A moins de considérer cette lecture comme nulle pour insuffisance de formation critique, l’équipe qui a présenté le dossier ment aussi sur ce point- là.
Mais puisque la cabale n’existait pas, le dossier l’invente en ouvrant, pour le besoin, des fenêtres à des regards critiques. Le corps du délit n’existant pas, le procureur le crée de toutes pièces à l’instant du procès mais en usant de deux subterfuges et d’une vilenie. Le premier subterfuge est d’accorder la parole à des personnalités comme Rachid Boudjedra, Amine Zaoui, Ahmed Selmane en les stigmatisant dans l’éditorial par leur marquage en tant qu’acteurs de la cabale qui n’a pas eu lieu, répétons-le. Le deuxième subterfuge consiste à rajouter du sens à leurs textes en les insérant dans un montage. Pris chacun à part, ces textes disent un point de vue ; mis dans un ensemble, on leur fait dire un autre point de vue.
Louni écrit : «Au moment où les uns saluent le courage de l’écrivain, celui d’exprimer une vision qui reste du domaine de la fiction et de la création littéraire, d’autres versent dans l’injure et la diffamation. Certains n’ont d’ailleurs même pas pris la peine de lire l’ouvrage controversé pour l’apprécier à sa juste valeur. Ils ont, au contraire, agi par esprit revanchard. Les termes utilisés pour qualifier l’œuvre de Sansal cachent mal la haine viscérale de leurs auteurs contre tout ce qui incarne une vision diamétralement opposée à la leur. Ils n’hésitent pas à adopter les raccourcis pour accabler ceux qui sont parvenus à se faire une place sur la scène littéraire mondiale. La réaction de l’un d’eux, qui n’en est pas à son premier impair, même à l’encontre de défunts, est révélatrice de cette réalité.» Il parle évidemment de Tahar Ouettar auquel personne n’a pardonné ni n’est prêt à pardonner  l’ignominie de ses déclarations sur Tahar Djaout. Mais alors pourquoi le convoquer dans ce procès ? Mais il fallait bien ce repoussoir pour marquer les regards critiques de ce voisinage imposé par le procureur et tout aussi inventé que le reste. La vilenie rajoute au dossier son air de procès fabriqué pour atteindre un ailleurs qui n’est pas dit explicitement.

Le relativisme idéologique 
Tenons-nous en aux principaux indices de cet ailleurs. Le premier d’entre eux est que cette affirmation proclamée de donner la parole à tous pour qu’ait lieu le débat sans la stigmatisation est inconsistante. Tous ceux qui n’ont pas lu ce livre ou même qui l’ont lu sont tenus de respecter la liberté de création. C’est bien la première fois que d’un point de vue philosophique la liberté de création s’accompagne de la mort de la liberté de critique. Parce que c’est une œuvre de pure fiction, alors taisez-vous ! Toute atteinte à l’œuvre devient une atteinte à la liberté. Il ne nous reste plus qu’à nous mettre au garde-à-vous idéologique. Mais cela n’est pas suffisant dans la panoplie des arguments, Maougal en rajoute un autre de toute beauté : cette œuvre n’est pas à mettre entre toutes les mains. C’est tout à fait novateur ! C’est bien la première fois, aussi, qu’on proclame que les œuvres littéraires doivent être protégées du public et que le peuple des lecteurs n’est pas globalement mature pour aborder ce livre hors du commun ! Il ne nous manquait plus que les imams de la lecture, des directeurs de conscience, des exégètes qualifiés pour nous, peuple immature et enfoncé dans des lectures «idéologiques». Maougal nous invite, en sorte, à une lecture «censitaire», celle des mandarins, un remake du premier collège des lecteurs.
Christiane Chaulet Achour ne dit pas autre chose, peut-être à son corps défendant, dans le sens que donne le montage de ce dossier à son intervention. Nos lectures sont «idéologiques». Ne connaissant pas encore les validations épistémologiques d’une lecture scientifique des œuvres d’art et de la littérature, il me semble difficile de faire autre chose que des lectures marquées par l’idéologie et, à un degré supérieur, des lectures armées par des grilles empruntées aux sciences sociales.
Aussi, je préfère m’en tenir à ces lectures idéologiques étayées par ce que je sais des sciences humaines. Mais lecture idéologique quand même, affirmée et assumée. Et c’est bien le deuxième indice de cet ailleurs vers lequel on nous entraîne : par un tour de passe, la «lecture idéologique» ou «non  objective», comme le regrette un autre intervenant, soustrait le roman  à l’idéologie. Comment en arrive-t-on à nous culpabiliser d’avoir une lecture idéologique d’une œuvre par essence idéologique ? Par ce tour de passe-passe qui fait passer le roman de l’ordre de la représentation à l’ordre du droit. Le roman ne se construit plus sur une vision du monde, sur son interprétation, sur sa représentation, sur l’instance émotionnelle mais sur une catégorie juridique : la liberté et le droit à l’expression. Il n’appartient plus au monde de la vérité mais au monde du formel juridique. Il n’appartient plus au monde et, par conséquent, ne participe plus aux luttes de ce monde. C’est bien ce que l’on veut nous faire croire.
Exit Marx ou Gramsci pour la lecture autour des enjeux sociaux ; exit Freud pour la lecture autour des enjeux psychiques. Nous sommes en pleine mythologie. Ce texte devient un texte parmi d’autres, sans sens ni direction particulière, sans prise de parti dans les luttes des hommes et n’a rien à voir avec la multiplication des visées néo-coloniales qui veulent nous faire passer le 1er Novembre pour une erreur historique, une atteinte au rêve d’une Algérie multiraciale et multiculturelle qui nous aurait sauvés des griffes de l’islamisme et de son terrorisme. Le dossier nous invite au relativisme. Il n’existe plus d’enjeux. Nous allons remiser au placard nos vieilleries idéologiques qui nous ont fait croire au passage, à l’intérieur de la littérature, des conflits, des visions, des espérances des hommes. Nous classerons désormais M. Darwish, G. Amado, G.G. Marquez, L. Aragon dans une malle au fin fond du grenier et nous nous convertirons au relativisme.
Mais ce n’est pas que ce seul enjeu. Le dossier nous glisse en contrebande, comme avérées, deux thèses : l’islamisme est un fascisme et il trouvait sa source dans l’idéologie de la guerre de libération. Il nous faudrait un peu plus que les affirmations de Sansal et de Louni pour classer l’islamisme dans la case «fasciste», le vert étant le fils du gris et pour ce premier argument que nous ne voyons pas où se trouve ce grand capital dans notre pays qui aurait poussé à la création de ce fascisme dans une réaction de peur face aux risques de prise de pouvoir par la classe ouvrière. Il nous en faudrait un peu plus pour oublier le rôle de l’impérialisme anglais et américain dans sa création, sa manipulation et son utilisation. Même si l’élucidation scientifique de l’islamisme n’est pas achevée.
Etrange dossier qui invente une polémique et une cabale et qui, pour se légitimer, les convoque le jour même du procès. Etrange dossier qui reprend les procédés de l’auteur qu’il tient à défendre. Etrange dossier qui nous invite à nous taire et à faire place à la divine parole d’un créateur. L’enjeu doit être bien important pour qu’on nous somme de nous taire sous mille et une argumentations et surtout qu’on esquive les seules questions qui aient été posées avant ce dossier : avons-nous le droit, oui ou non, de critiquer n’importe quelle œuvre littéraire ou artistique et ces œuvres appartiennent-elles à l’instance de représentation du monde réel et sont-elles donc une partie des enjeux de ce monde ?
Ce dossier avait, cependant, un objectif plus immédiat : disqualifier toute la défense du mythe fondateur de notre Etat-nation,  la guerre de libération et le 1er Novembre. Leur ôter tout ce caractère sacré qui fait qu’au-delà de nos divergences, de nos luttes internes, des affrontements, en tant qu’Algériens, nous défendons notre lignée symbolique, notre  appartenance commune à l’Algérie dont nous plaçons la naissance dans le 1er Novembre. Il faudra aussi compter sur le poids de nos mythes agissants avant d’espérer mener un débat à sens unique avec ou sans le soutien discret des appareils idéologiques de l’Etat français et de ses démembrements locaux.

M. B

L’élection présidentielle 2009 est une élection fermée

jpgleselectionsalgerie.jpgVoilà déjà plus d’un an qu’on en entend parler, qu’on prépare la mayonnaise pour qu’elle prenne, pour faire avaler la pilule. Que d’agitation ! Les uns courent à la soupe et soutiennent révision constitutionnelle et 3° mandat, les autres, dits « société civile », demandent le respect de la constitution: les éditorialistes, les politologues, les «intellectuels» s’en donnent à cœur joie à lancer des présages.

En réalité tout se passe dans le secret du « laboratoire », le seul valable. Le scénario est probablement déjà décidé : un 3° mandat si son Excellence daigne accepter. Pour le moment on continue de le supplier tout en laissant s’exprimer quelques voies discordantes. Afin que sous la pression du peuple il se sente obligé d’accepter. Mais la situation est parfaitement maîtrisée par les stratèges du régime, le timing médiatique est en route pour s’acheminer « douga douga » vers la consécration. Pourvu que ça dure !

Une inconnue toutefois : et si Abdelaziz Bouteflika disait non ? Et s’il disait « ça suffit, j’ai fini mon boulot », à la manière de ceux qui entrent dans l’Histoire par la grande porte ? Alors là les supputations pourraient être intéressantes, voire passionnantes pour les commentateurs car ainsi l’élection pourrait être ouverte, enfin pas trop quand même, car les chefs, nos tuteurs, veillent au grain. Un peu comme en Turquie ? Peut être que l’initiative lancée par Mehri, Aït Ahmed et Hamrouche aurait une certaine consistance, en particulier si elle était rejointe par ceux de la « société civile ». Peut-être que la population se mobiliserait. Peut-être qu’on pourrait même arriver à un deuxième tour, ce qui ne nous est jamais arrivé, avec des élections un peu plus libres, un peu plus transparentes.

Allez, faut pas rêver ! Pour le moment on est parti pour un 3° mandat, en attendant la suite, c’est-à-dire la Présidence à vie. Il s’agit seulement d’amuser la galerie histoire de faire patienter.

Kamel DAOUD, 08 04 2008

Militant des droits de l’homme

Belkheir, Touati, Khdiri et le critère de taille

Existerait-il un critère de taille qui lierait ces trois noms ? demandons-nous à de hautes personnalités. «Ils sont tous les trois de ou proches de l’armée.» Ce qui ne serait pas pour dire que les décideurs qui ont marqué l’histoire nationale des pouvoirs gardent intact leur statut de «faiseurs de président», beaucoup d’équilibres à ces niveaux ayant été cassés par les soins de Bouteflika. Ce serait plutôt ce qu’en penseraient les grandes puissances qui est mis en avant dans ces discussions. Les grandes puissances, ce sont bien sûr les Etats-Unis et la France. Pour ce qui est de Belkheir, il a toujours été soutenu dans les hautes sphères des pouvoirs «qu’il a la caution des deux, des Américains et des Français.» Pour Touati, il est plutôt dit que «ce sont les Américains qui le soutiennent au cas où… ». Reste Khdiri, «l’homme qui a parlé à l’avion», qui suscite curiosité. Mais c’est peut-être parce qu’il a parlé à l’avion koweitien détourné dans les années 80 sur Alger, qui lui vaudrait ce genre d’attention. A ce propos, les Américains étaient «tout ouïe» aux échos en provenance d’Alger. Khdiri aurait-il marqué leur esprit à ce point ? L’on ne saura rien de tout cela d’autant que rien ne dit que Bouteflika serait prêt à céder la place. Il serait d’ailleurs malheureux qu’il le fasse seulement sous ce genre de pressions. D’autant qu’il semble que pour l’instant, il se tourne vers Moscou même si l’affaire des MIG 29 a quelque peu troublé l’atmosphère entre les deux capitales.

Il est affirmé dans les milieux diplomatiques que Bouteflika continuera d’être aux yeux des Russes l’homme par qui l’idée de la création d’une OPEP du gaz pourrait avancer sûrement. Les dernières déclarations du ministre de l’Energie, Chakib Khelil, sur la question ne sont pas passées inaperçues. Il faut croire que Moscou a réussi à convaincre les grands producteurs de gaz de la faisabilité et de la nécessité d’un tel regroupement, même le Qatar, ce petit pays aux importantes réserves de gaz mais qui abrite la plus grande base militaire américaine. La participation du président de la République au sommet arabe qui se tient aujourd’hui à Damas – sauf imprévu de dernière minute – ne trompe pas sur son rapprochement avec Moscou et son scepticisme à l’égard de Washington. La Russie, faut-il le rappeler, a poussé tous les Arabes à assister à ce sommet. Elle tente même de forcer la main aux Américains en imposant son idée d’organiser une conférence internationale sur la paix au Moyen-Orient.

Il est désolant que les souverains arabes, notamment le saoudien et l’égyptien, continuent de réfléchir et de réagir à de si importants événements en fonction de l’humeur de leurs parrains occidentaux.

La crise des subprimes dont les conséquences sur l’économie mondiale pourrait être cette carte que l’Amérique de Bush jouerait pour tenir en haleine le reste du monde. Il faut croire que l’entêtement de l’Iranien Ahmedinedjed à enrichir l’uranium, les multiples réactions de Moscou pour contrecarrer la politique américaine, la fulgurante expansion de l’économie chinoise et les changements politiques en Amérique latine cachent mal l’intention de ce reste du monde à vouloir changer l’ordre mondial. «Le monde ne peut plus continuer à fonctionner ainsi, il faut que ça change», nous avait dit le président iranien lorsqu’il nous avait reçus en juillet dernier à Téhéran. 

Ghania Oukazzi, Le Quotidien d’Oran  du 26 mars 2008

Sid Ahmed Ghozali à propos du départ de M. Hamrouche du gouvernement

Le départ de Mouloud Hamrouche était-il un départ naturel ou provoqué ?

C’est fifty-fifty. J’ignore l’existence d’une lettre de démission de sa part. On m’a dit qu’il a été démissionné. L’évolution des choses conduit à voir que la réalité est plus subtile que ça. Quand on évoque, en effet, ceux qui étaient derrière la conception du discours du 19 septembre 1988 qui mettait les échecs de la décennie 1980 sur le dos du FLN, et ceux qui ont obtenu le limogeage de Kasdi Merbah, ce sont les mêmes forces informelles des arcanes du pouvoir que l’on évoque. Je n’exclus donc ni l’hypothèse d’un problème de loyauté quelque part, le long d’une ligne de clivage au sein du microcosme civil et militaire, ni même celle d’une démission qui aurait été «concertée» aux fins de blanchir le sacrifié d’octobre 1988, le FLN et de le remplacer par un nouveau bouc émissaire. Lequel serait… le gouvernement Ghozali, par exemple ? Du temps où j’étais aux Affaires étrangères, le chef du gouvernement, à peine installé dans ses fonctions, semble avoir suscité des questionnements dans certains milieux de la Défense. J’étais présent au Conseil des ministres où il a dénoncé les services de la Défense comme étant la source d’attaques contre son gouvernement pour obtenir aussitôt le départ du responsable desdits services. C’est un fait unique dans les initiatives et les pouvoirs des chefs de gouvernement depuis l’amendement de la Constitution de novembre 1988. De surcroît, l’opacité dans les actions économiques et financières du chef du gouvernement et dans ses initiatives politiques semble avoir préoccupé le ministre de la Défense au point de s’en montrer suffisamment alarmé auprès du président, puisque c’est une séance d’«explications» qui fut tenue à la présidence, d’un côté les chefs du parti et du gouvernement accompagnés des ministres de l’Intérieur et des Finances, et de l’autre côté de la table, le directeur de cabinet et deux conseillers du président, ainsi que les ministres de la Défense et des Affaires étrangères. Les questions portèrent sur la situation financière du pays, sur les préparatifs des élections communales et sur les tractations politiques qui tournaient autour des futures élections législatives. Après quelques réponses très évasives, données dans une atmosphère d’une grande froideur, la séance tournait court et se soldait rapidement par une sorte de fin de non-recevoir à la question posée : «Où allons-nous ?». (In Le Soir d’Algérie du jeudi 19 mars 2008

Les guerres de Bush pour le pétrole

Par Hocine Malti, Algeria-Watch, 21 mars 2008

(Extrait)…Grande était la déception des participants du rallye Lisbonne – Dakar quand on leur a annoncé, en toute dernière minute, la veille du départ de la capitale portugaise, que l’épreuve était annulée ! Les rêves et les économies des uns, les ambitions et les contrats de sponsoring des autres s’étaient, tout d’un coup, envolés. Le groupe Amaury, organisateur de la course, déclarait avoir pris cette décision à la demande expresse du ministère français des affaires étrangères, qui avait eu connaissance de menaces de l’organisation terroriste Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), qui projetait de s’attaquer à la caravane lors de la traversée de la Mauritanie (…)

Vous pouvez lire le texte complet sur www.algeria-watch.org

هل تراجع الأفافس أم تراجع المجتمع الجزائري؟ El Khabar du 8 mars 2008

كثيرا ما يتساءل الملاحظون السياسيون والصحفيون ومناضلو حزب جبهة القوى الاشتراكية عن الأسباب التي جعلت الحزب يتراجع في الساحة السياسية. وما زاد من قلق المناضلين  تلك النتائج الضعيفة التي حققها الأفافاس في الانتخابات المحلية ل29 نوفمبر 2007، حيث لا يتقبل هؤلاء الهزيمة التي سجلها حزبهم بشكل غير مسبوق. 

وإذا أردنا تفسير هذا التراجع لا يمكننا أن نتجاهل النقائص الداخلية للأفافاس، لكن ليس من النزاهة أن نعتمد هذه النقائص كعامل وحيد لتفسير ذلك. فلا شك أن الأفافاس منذ نشأته سنة 63 ، واجهته صعوبات ذات علاقة بالمحيط السياسي العام الذي لم يتقبله آنذاك كونه لعب دورا كبيرا في توعية شرائح اجتماعية واسعة بأهمية تكريس دولة الحق والقانون، وهو ما أزعج أصحاب القرار وأتباعهم. ولا بد أن نسجل هنا الدور الذي لعبه المناضل الكبير علي مسيلي الذي اغتيل في أفريل من سنة 87 بباريس، وفقد بذلك الأفافاس وقائده حسين آيت أحمد  عنصرا محركا للحزب. 

ومباشرة بعد الانفتاح الديمقراطي، انخرط المواطنون في الأفافاس بشكل واسع سيما في وسط البلاد. وكانت الحركة الثقافية الأمازيغية بمثابة الدعامة الأساسية للحزب في بداية الأمر، لكن انفتاحه على  كل الشرائح الاجتماعية أدى إلى توغل الكثير من إطارات الحزب الواحد والإدارة في صفوفه وتمكن هؤلاء من الصعود بسرعة إلى المراكز القيادية. وعلى سبيل المثال، فإن أحد الوزراء الذين استقبلوا وفدا عن الحركة الثقافية الأمازيغية يوم 25 جانفي 1990 أصبح فيما بعد عضوا قياديا في الألإافاس، ويضاف إلى هؤلاء عدد كبير من الإطارات البورجوازية التي التحقت بالحزب وبذلت كل ما في وسعها لقطعه عن المجتمع. وكان هذا بداية لإقصاء الإطارات السياسية المنتمية لمدرسة الحركة الثقافية الأمازيغية والمناضلين ذوي العزيمة الفولاذية، ليتحول الأفافاس من حركة مقاومة سلمية إلى آلة انتخابية لا تأثير لها على الأحداث.   

وكانت مشاركة الأفافاس في الانتخابات التشريعية لجوان 97  بحجة إنقاذه من الاختفاء، منعرجا حاسما في حياة الحزب حيث دخل رسميا في المنطق المشاركاتي وساهم حضوره في المجلس الشعبي الوطني في تجميل الواجهة الديمقراطية.  أما على المستوى الداخلي للحزب فقد تراجعت روح التضحية من أجل القضية الديمقراطية تاركة المجال لتقاليد جديدة في التنظيم والسلوك إلى درجة أن بعض البرلمانيين شكلوا شبكات ولاء داخل القواعد النضالية.  وعن مساهمة البرلمانيين في توسيع القواعد الحزبية، أقول بأن هذا خطأ والدليل أن هؤلاء لم يستطيعوا جمع ال75 ألف توقيع التي تشرح حسين آيت أحمد للانتخابات الرئاسية سنة 99. وزيادة على ذلك فإن 90 بالمائة من  نواب الأفافاس لم يدفعوا اشتراكاتهم، وقد تم فصل 18 منهم بسبب عدم دفع الاشتراكات. 

وسنة بعد المؤتمر الثالث للحزب، اندلعت أحداث منطقة القبائل التي أظهرت بسرعة أن هياكل الأفافاس عاجزة على مواكبتها، كما أدت نتائج الحزب في الانتخابات المحلية لأكتوبر 2002 إلى زعزعة مصداقيته في نظر المواطنين. إذ كان على الحزب أن ينسحب من تسيير تلك البلديات مباشرة بعد الإعلان عن نتائج الانتخابات التي يجب أن نأخذ فيها بعين الاعتبار جو العنف الذي كان سائدا في منطقة القبائل أثناءها. 

لكن غياب الأفق الخارجية وغياب إستراتيجية للنضال من أجل دولة القانون، جعل مناضلو الأفافاس يقضون جل أوقاتهم في معركة من أجل أخذ السلطة داخل الحزب والدخول في هياكله القيادية لضمان مكانة في قوائم الترشح لمختلف المواعيد الانتخابية… فالهدف الأساسي للعديد من المناضلين في الأفافاس اليوم هو الفوز بمنصب رئيس بلدية ورئيس المجلس الشعبي الولائي. 

والآن هل توجد الديمقراطية في الأفافاس؟ شخصيا أستطيع التأكيد على أن رئيس الحزب لم يتدخل أبدا في تسييره الداخلي، بل الذين ينتقدون « السير غير الديمقراطي » هم من يطلبون منه في كل مرة التدخل. لكنني في المقابل أعتبر الديمقراطية داخل حزب ما لا تتوقف عند التصويت على اللوائح بل يجب فتح نقاش حر على مستوى كل هياكله. 

وفي الأخير، إن الاعتقاد بإمكانية أن يناضل الأفافاس لوحده من أجل تكريس دولة القانون يعد خرافة. وعليه أعتبر تراجع الأفافاس مرتبط بتراجع المجتمع الجزائري. 

شافع بوعيش 

ناطق رسمي سابق في الأفافاس

Algérie: révélations posthumes du journaliste Saïd Mekbel

saidmekbel7ab58.jpgPar François Gèze (Editeur), www.rue89.com

Dans cette « confession », recueillie en 1993 par Monika Bergmann, Saïd Mekbel, directeur du quotidien algérien Le Matin, assassiné « par des islamistes » un an plus tard, explique pourquoi il est convaincu que les meurtres d’intellectuels attribués aux GIA étaient commandités par le général « Tewfik » Médiène. Et il dit sa conviction que s’il est tué à son tour, ce sera sur son ordre.

C’est le cœur serré que l’on referme, après l’avoir lu, « Saïd Mekbel, une mort à la lettre », le livre d’entretiens entre Saïd Mekbel et Monika Borgmann. Journaliste algérien, le premier était le directeur du quotidien Le Matin, jusqu’à son assassinat, par deux balles dans la tête, le 3 décembre 1994, « par des islamistes ». La seconde est une journaliste allemande, qui s’était rendue en Algérie il y a quatorze ans, fin 1993, pour tenter de comprendre comment certains intellectuels algériens résistaient alors à la vague d’assassinats de leurs pairs, attribués aux islamistes, et « pourquoi ils restaient en Algérie alors que d’autres quittaient le pays ». Elle obtint alors de Mekbel trois entretiens approfondis, où celui-ci, par la grâce d’une mystérieuse empathie, confia à la journaliste allemande des secrets qu’il n’avait jamais révélés auparavant, même à sa famille.

Un témoignage majeur sur le début des « années de sang »

Pendant des années, « peut-être trop longtemps », dit-elle, Monika Borgmann n’a pas voulu rendre public ce « testament », se demandant si elle « avait le droit de le publier ». Son propre parcours de réalisatrice de documentaires engagés au Liban l’a fait changer d’avis, la convainquant « de l’importance de ‘raconter l’histoire’, […] surtout quand il s’agit de pays qui ont fait le choix de réagir à tant d’années de violence, à tant de massacres, d’assassinats et de disparitions, par l’adoption de lois d’amnistie coupant court à toute recherche de vérité ».

De fait, on peut regretter que ce témoignage majeur sur le début des « années de sang » en Algérie n’ait pu être rendu public plus tôt. Il aurait peut-être contribué à éviter le terrible aveuglement de la majorité des médias internationaux sur la réalité de la « sale guerre » déclenchée en janvier 1992 par les généraux algériens, suite à leur coup d’Etat annulant la victoire électorale du Front islamique du salut (FIS) aux élections législatives de décembre 1991.

Il faut dire que le paradoxe est vertigineux, car le journal de Saïd Mekbel, journaliste chevronné (il avait fait ses classes à l’Alger républicain d’Henri Alleg, après l’indépendance de 1962), était alors à la pointe du combat des « éradicateurs » algériens: ces intellectuels laïques, le plus souvent sincères, avaient fait le choix de soutenir sans réserve l’entreprise d’éradication des partisans de l’islam politique, en fermant les yeux sur les terribles exactions des « forces de sécurité » pour parvenir à leur but -torture généralisée, exécutions extrajudiciaires, disparitions.

« En haut, il y a des gens qui font tuer par pédagogie »

Et pourtant, au-delà des contradictions et des fulgurances de ce témoignage, son fil rouge, répété de façon obsessionnelle, est la mise en cause par Saïd Mekbel de la thèse officielle attribuant aux islamistes les assassinats en série qui frappaient l’intelligentsia algérienne depuis le printemps 1993:

« Il y a un projet pour liquider cette frange de la population, [parce qu’elle] sait ce que signifie la République, ce que signifie une démocratie » (p. 29); « On veut tuer ceux qui détiennent l’héritage de la civilisation universelle » (p. 30); « Il y a un cerveau quelque part qui choisit. Peut-être que les exécutants, ceux qui tuent, sont recrutés parmi les petits tueurs islamistes, chez les intégristes. Mais moi, je pense qu’en haut, il y a des gens qui choisissent. Ces choix sont faits très froidement » (p. 34); « Au début, je me disais que c’étaient les intégristes qui tuaient. C’était facile. […] Mais maintenant, je suis persuadé qu’il y a des gens qui font tuer un peu par pédagogie! » (pp. 37-38); « Si on me tue, je sais très bien qui va me tuer. Ce ne sont pas des islamistes. C’est une partie de ceux qui sont dans le pouvoir et qui y sont toujours. Pourquoi? […] C’est que je suis le seul responsable d’un journal qui n’a jamais travaillé pour le régime » (p. 74).

« Quelqu’un qui nous connaît tous »

Et cet opposant de toujours, arrêté et torturé par la sécurité militaire en 1967, qui s’était interdit de publier quoi que ce soit entre 1965 et 1988, date de l’ »ouverture démocratique », révèle enfin à Monika Borgmann sa conviction, nourrie d’une connaissance intime du système de pouvoir algérien. Ainsi, selon lui, le commanditaire de ces crimes d’intellectuels, « c’est quelqu’un qui nous connaît tous »:

« Il a géré leurs carrières, leurs fichiers, leur vie, leurs diplômes, etc. » (p. 100).

La journaliste allemande lui demande alors:

« C’est quelqu’un de l’armée? Je te demande ça parce que Khalida Messaoudi a rendu Toufik responsable. »

Il répond:

« C’est ça, c’est lui. […] Son nom est [Mohamed] Médiène. […] Quand j’ai découvert ça, j’ai essayé de rassembler, de faire le puzzle. […] Ce qui est terrible chez cet homme-là, c’est qu’il semble être l’auteur d’une théorie qui affirme que certains pays doivent sacrifier leur élite à un moment donné de leur histoire. […] Et selon cette théorie, il faut commettre des actes choquants pour réveiller les masses, pour réveiller la conscience, la société civile. […] C’est un terrorisme pédagogique. » (p. 100-104)

Début 2008, le général Mohamed Médiène, chef inamovible des services secrets de l’armée (le DRS) depuis 1990, reste le vrai patron d’une Algérie où la majorité de la population est plongée dans la misère, malgré la manne des pétrodollars accaparée par lui-même et ses pairs. Certains contestent toutefois de plus en plus ouvertement sa puissance, au prix d’une nouvelle « lutte de clans » par terrorisme islamiste interposé. Tous ceux qui n’ont pas renoncé à comprendre ce drame toujours actuel doivent impérativement lire ce livre bouleversant.

* Saïd Mekbel, une mort à la lettre, de Monika Borgmann – Téraèdre/Dar al-Jadeed, Paris/Beyrouth, 2008 – 141 pp., 15€.

Le problème des MIG russes est dû à des pressions de la France et la situation politique en Algérie

boutefpoutine.jpgL’Algérie va rendre prochainement à la Russie 15 chasseurs Mig-29, fournis en 2006-2007, en raison de leur qualité inférieure aux attentes, a affirmé lundi le quotidien russe Kommersant. 

Selon une source dans la Compagnie Aéronautique Unifiée russe (OAK), citée  par le journal, rapporte l’AFP, un accord officiel dans ce sens a été signé la semaine dernière entre les responsables des forces aériennes algériennes, du Service fédéral russe pour la coopération militaire et technique et de la principale entreprise publique russe chargée des exportations d’armements, Rosoboronexport. 

Les avions doivent être rendus à la Russie dans les prochains mois, a indiqué cette source. 

Pourtant il n’agit pas pour le moment de la rupture totale du contrat, a-t-elle précisé. 

Selon Kommersant, la Russie propose à l’Algérie de remplacer les 15 Mig-29  par des avions plus modernes, mais beaucoup plus chers, les Mig-29M2 ou Mig-35. 

En ce qui concerne les chasseurs qui seront rendus par l’Algérie, ils pourraient être vendus au ministère russe de la Défense ou à un pays tiers, indique le journal. 

Pourtant, «il n’est pas exclu qu’après +une mise au point+, l’Algérie acceptera les 15 Mig rebutés », souligne Kommersant. 

Le contrat pour la vente de matériel militaire russe à l’Algérie a été signé  lors de la visite du président russe Vladimir Poutine en Algérie en mars 2006, dont 34 Mig-29 pour un montant de 1.286 milliards de dollars. La coopération militaire et technique russo-algérienne serait un des sujets principaux de discussion lors de la visite officielle de deux jours du président algérien Abdelaziz Bouteflika, qui doit arriver lundi à Moscou,  ajoute Kommersant. 

Par ailleurs, d’après des analystes russes, le problème des Mig est surtout dû à des  pressions de la France, qui tente de vendre à Alger ses chasseurs Rafale, et à la situation politique en Algérie. «Le problème des Mig n’est apparu qu’il y a six mois : jusque-là l’Algérie était un des consommateurs les plus fidèles d’armements russes », souligne Rouslan Poukhov, directeur du Centre d’analyse de stratégies et de technologies.   

«Visiblement ce tournant n’est pas dû à une mauvaise qualité des armements, mais à la situation politique en Algérie » et à la politique de la France vis-à-vis d’elle, dit-il. 

Selon l’analyste, la décision de la direction algérienne de rendre les Mig russes est la conséquence de pressions exercées par les nouvelles autorités françaises sur Alger». 

«Contrairement à Jacques Chirac dont la politique d’exportations militaires a été plutôt discrète, Nicolas Sarkozy applique une politique plus insolente ou disons plus pragmatique dans le domaine», estime-t-il. 

L’avion de combat polyvalent construit par Dassault attend toujours son premier client étranger après treize ans de campagnes infructueuses. En octobre 2007, le Maroc a finalement préféré le F16 américain.
La France courtise désormais la Libye qui pourrait acheter 14 Rafale. 

L’analyste Fiodor Loukianov, rédacteur en chef de la revue «Russie dans la  politique mondiale», est du même avis. «Le nouveau président français cherche à renforcer l’image de son pays par tous les moyens et parallèlement à défendre les intérêts du monde national des affaires», dit-il. 

L’affaire des MIG serait également «une monnaie d’échange» dans la lutte des clans en Algérie, estime par ailleurs Kommersant. 

En Algérie, «des militaires influents utilisent le problème des Mig pour affaiblir la position du chef d’état major de l’ANP le général Ahmed Gaïd Salah loyal envers le président algérien », selon le quotidien.

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