8 novembre, 2007
Les aventuriers de l’Arche perdue
Le Tchad est-il un Etat indépendant et souverain ? C’est une évidence pour tout le monde sauf pour le président français qui s’engage publiquement qu’il ira chercher ses six concitoyens impliqués dans l’affaire de l’Arche de Zoé, quoi qu’ils aient fait. En tenant ce genre de discours, le président français est dans une posture de déni car il disqualifie non seulement la justice tchadienne, mais il professe arrogance et mépris envers tout un pays. L’affaire de l’Arche de Zoé est désormais suffisamment connue sur le plan international pour en rappeler les tenants et les aboutissants, sauf à dire que les charges qui pèsent contre les six Français détenus au Tchad sont accablantes. A bon droit, ces six Français devront être jugés au Tchad puisque c’est dans ce pays qu’ils ont commis les délits qui leur sont imputés, c’est-à-dire la tentative d’enlèvement de 103 enfants africains, dont au moins 91 jeunes Tchadiens. Il n’est donc pas possible de faire comme si rien ne s’était passé. En réalité, il y a une sorte de fuite en avant de la part du président Sarkozy, car le procès au Tchad des six Français pourrait révéler autre chose que leur seule responsabilité dans l’affaire. Les membres de l’ONG française ne pouvaient, en effet, pas agir sans attirer au moins l’attention des services de sécurité et de renseignements de leur propre pays. C’est une affaire dans laquelle il y a beaucoup de questions sans réponse. Dans cet ordre d’idées, il y a lieu de se demander si les six Français avaient reçu l’assurance – et les moyens – de pouvoir agir en toute impunité. Mais il n’est pas banal d’opérer le transfert massif de 103 enfants africains – même pour des motifs humanitaires – sans susciter une légitime méfiance. A cet égard, les autorités tchadiennes ont pu faire preuve de vigilance et empêcher un rapt d’enfants à très grande échelle. Maintenant que ces faits sont avérés, c’est bien sûr à la justice tchadienne de prendre le relais. Comment le président français peut-il alors affirmer qu’il irait chercher ses compatriotes quoi qu’ils aient fait ? La sagesse, la raison imposent respect de la procédure d’instruction pour laquelle la justice tchadienne est pleinement compétente. Le « quoi qu’ils aient fait » utilisé par le président Sarkozy résonne comme une mise en garde, une menace contre le Tchad, mais aussi une autorisation explicite donnée à tout ressortissant français dans le monde de commettre un délit en ayant la garantie que leur chef d’Etat se porterait immédiatement à la rescousse. Or, dans cette affaire de l’Arche de Zoé qui n’a manifestement pas livré tous ses secrets, il serait plus responsable d’inviter à la sérénité et de placer une confiance résolue en la justice tchadienne. Le volontarisme du président français, dans de telles conditions, ne s’accorde ni avec les usages diplomatiques ni avec les plus élémentaires règles de respect de la souveraineté des Etats peu enclins à accepter un prétendu devoir d’ingérence parfaitement assimilable à une manifestation néo-colonialiste. C’est aujourd’hui le cas du Tchad, et son exemple sera certainement médité sous toutes les latitudes. Quant aux Français protagonistes de cette triste histoire, ils sont – pour paraphraser un film célèbre – les aventuriers d’une Arche de Zoé perdue. Au moins de réputation.