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L’Irak privé de Jeux olympiques

Le CIO reproche à Bagdad d’avoir «interféré» dans les mouvements sportifs du pays.

Le rêve olympique des quatre athlètes de la délégation irakienne s’est définitivement envolé. Le Comité international olympique (CIO) a confirmé l’interdiction à l’Irak de participer aux Jeux olympiques en août prochain, dans une lettre datée du 23 juillet et adressée au ministre irakien de la Jeunesse et des Sports Jassim Mohammad Jaffer.

«Nous regrettons profondément cette décision qui porte gravement atteinte au Comité olympique irakien, aux mouvements sportifs ainsi qu’aux athlètes irakiens mais qui est malheureusement imposée par les circonstances», peut-on lire dans la lettre, rendue publique jeudi.

Le 4 juin dernier, les instances olympiques avaient suspendu provisoirement le Comité olympique irakien, en raison de l’«interférence» du gouvernement irakien dans les mouvements sportifs du pays. Le CIO n’avait manifestement pas apprécié le vote d’un décret, le 21 mai dernier qui révoquait le Comité national irakien, issu de l’ancien régime de Saddam Hussein, pour le remplacer par un nouvel organisme dirigé par le ministre irakien de la Jeunesse et des Sports.

Le CIO, très à cheval sur les réglements, avait alors affirmé ne reconnaitre que les comités olympiques nationaux, jugeant illégal tout «comité intérimaire» ou tout autre groupe «appointé par le gouvernement irakien». Les instances olympiques avaient également soutenu avec vigueur les membres de l’équipe sortante, les qualifiant de seuls «légitimement élus».

Mais pour Bagdad, c’est là justement que réside tout le problème. Selon le gouvernement irakien, le Comité en question ne disposait plus du quorum suffisant pour mener ses débats. Autre problème soulevé : il n’aurait pas organisé d’élections depuis plus de 5 ans. Mais surtout, son responsable Ahmed Al-Samarrai a été enlevé par des hommes armés en juillet 2006 et l’on est toujours sans nouvelles de lui.

Fin mai, la Fédération internationale de football (Fifa) avait aussi décidé de bannir le champion d’Asie en titre de toute compétition internationale pendant un an. Cette sanction avait finalement été levée «de façon conditionnelle et provisoire» par la Fifa en mai dernier, qui avait indiqué avoir reçu une lettre du gouvernement irakien lui assurant que la Fédération irakienne de football avait été exclue du décret de dissolution.

La décision du CIO est une très mauvaise nouvelle pour un pays ravagé par les tensions communautaires et où le sport peut parfois jouer un rôle de ciment national. En 2007, la victoire des Lions de Babylone, l’équipe nationale de football, en finale de la Coupe d’Asie, avait provoqué une joie immense dans le pays. En 2004 encore, alors que le pays était ravagé par la guerre, l’Irak avait créé la surprise en atteignant les demi-finales de la compétition de football des JO d’Athènes.

En août prochain, quatre athlètes irakiens étaient attendus dans les compétitions olympiques, en tir à l’arc, en judo, en aviron et en haltérophilie. Ils verront les Jeux depuis chez eux, victimes des interférences entre sport et politique.

A propos de l’affaire “ALEXO”: rien que le respect de la loi

Ce dossier «sulfureux» a été évoqué par le wali lors de sa récente visite dans la commune. On croit savoir que, contrairement au Président de l’APW qui n’est pas allé par quatre chemins pour dire tout simplement la vérité en affirmant que cette unité est à inscrire au chapitre des constructions illicites, le chef de l’exécutif, lui préfère «réserver son appréciation aux conclusions de l’étude du dossier par ses services». Manifestement, je pense que ça va «bouger» et je crains fort que cette déclaration sonne «l’ouverture de cette entreprise». Plusieurs indices militent pour cette option.
D’abord, et ça peut sembler anodin, l’absence «énigmatique» du député Meziane, ex-P/APC qui n’a pas pour habitude de rater ce genre d’évènements officiels, et qui a fait de ce dossier «son cheval de bataille» lors de son mandat municipal. Celui-ci, alors que tout le monde l’attendait voir soulever cette question à l’hémicycle, a observé un silence assourdissant depuis qu’il a été promu à l’APN, où curieusement, il n’a jamais parlé «du panier à crabes» comme il se plaisait à désigner cette affaire. Quelque chose a dû s’opérer «là haut». Ensuite, le retour d’Ouyahia à la tête du Gouvernement, pourrait accélérer «la régularisation» de cette entreprise.
L’équipe aux commande de l’APC, ne constituant nullement une résistance, les élus du FFS doivent rester attentifs à l’évolution de la situation et faire preuve de vigilance pour alerter l’opinion. Ils pourraient être invités à une délibération pour «la révision» du POS pour permettre à cette entreprise de rentrer en activité.
Cela dit, voici une modeste contribution rédigée et publiée le 22 août 2006 pouvant apporter quelques éléments d’information relatifs à ce dossier.
Dans des articles parus notamment dans les quotidiens El watan, La dépêche de Kabylie, l’Expression et El Khabar, le PDG d’Alexo, à propos de «son projet dans la commune d’Amizour», continue de porter de graves accusations à l’encontre de la représentation légitime de la population d’Amizour. Tout en se faisant passer pour la victime, celui-ci porte aux «opposants» la responsabilité «de compromettre un investissement de 12 millions de dollars.»
En ma qualité d’élu à l’assemblée populaire communale et, tout simplement en tant que citoyen, me considérant interpellé par les propos du PDG de cette entreprise, je me dois d’apporter – à l’intention de l’opinion – quelques éclaircissements à propos de la position adoptée par l’APC.
D’abord sur le plan de la forme, je dois dire que le PDG d’Alexo, a mal choisi les termes de sa plaidoirie. Quant au «fond» du dossier, beaucoup d’interrogations méritent d’être posées.
Le PDG d’Alexo n’est pas sans savoir que ceux qu’il qualifie «d’opposants», sont les élus de la population, qui ont opposé une fin de non recevoir à un projet qui est loin d’être conforme à tous points de vue. Aux yeux du représentant de l’entreprise Alexo, nous nous serions opposés à un investissement «pouvant garantir des dizaines d’emplois.» Franchement simpliste comme argument ! Qui peut, un seul instant, croire que l’APC a pour vocation de s’opposer à un projet créateur de postes d’emploi, aussi peu soient-ils ? Alexo propose d’en créer des dizaines dont une bonne partie, faudrait-il le préciser, est déjà pourvue.
Le PDG déclare que «la délibération du 27 mars 2006 s’est déroulée mystérieusement à huis clos.» Rien de mystérieux n’a entouré cette réunion. Une disposition du code communal confère à l’assemblée populaire communale de se réunir à huis clos, lorsqu’elle en juge la nécessité. Par quel canal le PDG d’Alexo l’aurait-il appris, d’autant que les onze membres de l’APC ont adopté la même position ?
Lors de cette séance, les membres de l’APC, après avoir longuement débattu de la question, sous toutes ses facettes, sur la base de documents (descriptif de l’activité d’Alexo, correspondances de son PDG, POS) exposés par le président de l’assemblée, une délibération consignant le rejet catégorique de l’implantation du projet a été rendue publique. Cette décision est motivée par deux raisons fondamentales: La non-conformité de la société Alexo à la réglementation en matière d’urbanisme et l’impact préjudiciable de son activité sur l’environnement et la santé publique.
En effet, vis-à-vis de la loi, la société Alexo occupe un terrain que le plan d’occupation des sols de la commune (POS), approuvé par délibération, le 2 novembre 1998, délimite et prévoit comme zone d’habitat et y évacue toute construction à caractère industriel. Il faut convenir qu’il y a, là, violation d’un instrument d’urbanisme financé par l’État, défaut de permis de construire et d’autorisation d’exploitation. Au nom de quel principe fermer les yeux sur une construction illicite et prétendre aller exécuter un arrêté de démolition d’une construction illicite d’un simple citoyen, si cela advenait ? Comment une société comme la SONELGAZ s’empresse-t-elle d’approvisionner en gaz une entreprise en infraction avec la réglementation ? N’y a-t-il pas volonté de «passer en force ?» Si, là encore, il s’agissait d’un simple citoyen qui serait dans la même situation d’infraction, la SONELGAZ, aurait-elle fait preuve d’autant de complaisance ? Aurait-on accordé les mêmes largesses ?
Quant aux répercussions de l’activité en question sur l’environnement et sur la santé publique, le débat, à mon sens, n’a même pas lieu d’être. Car, vouloir en faire un abcès de fixation, cela voudrait dire que, du point de vue juridique, ce projet répond à toutes les normes. Or, c’est très loin d’être le cas. Par ailleurs, et sans prétendre me placer en spécialiste en la matière, il serait tout de même dissimulé de soutenir que ces répercussions sont nulles. Un document de la Direction de l’environnement, au terme d’une enquête qu’elle avait menée et dont nous ne détenons pas la teneur exacte, précise que les incidences sur l’environnement sont «quasi-nulles.» Il y a tout de même une nuance. N’est-ce pas déjà une réserve dont nous ne saurions négliger l’importance ? Les citoyens, n’ont-ils pas le droit de savoir ? Ce qui, si besoin est, bat en brèche, les conclusions de cette curieuse étude d’impact souvent invoquée. «Confiée» à un bureau d’étude dénommé «archi-pro», celle-ci statue que «l’activité repose sur un procédé purement mécanique.» Procédé mécanique mais qui fait appel à des manipulations de produits chimiques. Peut-on accorder un quelconque crédit à une étude d’impact réalisée par un bureau d’étude en architecture, quand il s’agit d’environnement ? A ce propos, il est intéressant de savoir que, presque toutes les fonderies ont des problèmes liés aux rejets de produits toxiques et potentiellement dangereux, dont l’acide fluorhydrique (un réactif important dans les procédés de purification de l’aluminium, pour le traitement ou le nettoyage des surfaces de métal dont l’équipement fait d’aluminium), aux rejets d’eaux chaudes dans les cours d’eau et pouvant progresser et atteindre fatalement les nappes phréatiques. Sachant que celle de la commune d’Amizour n’est située qu’à quelque 500 mètres du site, il y a lieu de s’en inquiéter sérieusement. A cela, s’ajoutent les nuisances sonores qui sont loin d’être un simple désagrément. Une telle activité est-elle concevable au beau milieu d’une zone d’habitat en pleine expansion, à proximité d’un lycée de 1300 élèves et d’une école primaire de 300 collégiens ?
Le responsable d’Alexo annonce le chiffre de «12 millions de dollars», coût du projet en question, et qui est, a-t-il reconnu «soutenu par les hautes autorités du pays.» (Sic.) De quelles hautes autorités du pays s’agit-il ? Si le projet en question est en parfaite adéquation avec la réglementation, pourquoi aurait-il besoin du soutien des hautes autorités du pays ?
A lire certaines autres déclarations, ce projet accuse un énorme retard dans sa concrétisation, ce qui implique un préjudice financier non négligeable. Soit ! Et si tel est le cas, comment expliquer cet acharnement à vouloir l’implanter à Amizour ? Et l’on se demande pourquoi, dès ses premières péripéties, des démarches n’ont pas été entreprises pour accélérer son implantation dans une autre localité. «Faire bénéficier la commune de «quelques dizaines d’emplois ?» Oui, mais selon quelles normes et à quel prix ? Surfer sur «les sentiments» et agir sur «certaines fibres sensibles» ne peuvent répondre aux exigences de la loi et de la réglementation. Créer «des richesses et des dizaines d’emplois» n’octroie pas un sauf-conduit ou une dérogation spéciale pour piétiner ces mêmes lois et réglementation. Celles-ci doivent être les mêmes pour tous, en tous lieux et dans toute leur rigueur.
Par A.Zenati
Ex-élu FFS APC Amizour

ChafiK Mesbah est préférable au D.O.K.

mesbah.jpgVoilà une langue qui peut être comprise. Un langage plus courageux, plus objectif, plus respectueux de l’esprit des Algériens d’aujourd’hui qui n’ont pas hérité du même regard que la génération de Novembre. Et par-dessus tout, on se trouve devant un interlocuteur moins méprisant que celui de M. Ould Kablia. Ces arguments doivent rester discutables et non des oracles qui tombent du ciel. Le peuple c’est un ensemble d’individus qui existent qui s’expriment. Et chacun d’eux a droit à la même liberté que Boussouf ou Bouteflika sur tous les sujets.
Nous avons le droit de regarder dans le rétroviseur pour éviter les mêmes erreurs.
Pour ce qui est la stabilité politique, elle ne se réalise certainement pas par les exécutions sommaires et l’instauration d’un climat de terreur au sein de la population et au sein de l’élite dissidente. Toutes les expériences fascistes ont conduit vers un fiasco total. Aujourd’hui encore nous payons le prix faramineux de cette vision initiée et instituée par Boussouf. 47 ans après, le pays est encore embourbé dans la dictature militaire, les conflits d’intérêts, la faiblesse de l’appareil judiciaire, la faiblesse de toutes les institutions de l’État. 47 ans après l’indépendance, le peuple n’est pas encore souverain sauf bien sûr dans la tête de ceux qui profitent de ce système et qui sont soigneusement cooptés pas le système.
Avec sa discipline militaire, le système de la SM on l’a vu, a imposé un système instable. Propice aux politicards sans réels principes qui savent s’adapter à tous les courants qui passent au sommet de l’état. Ils n’ont pas de principe sauf des fonds de commerce comme la gloire de l’Algérie, l’armée de libération, le terrorisme, etc.

Un tel système imposé par un groupe de décideurs vol en éclats dès qu’une occasion se présente. Le Système Boumediene, supporté à bras le corps par Boussouf, a connu une fin tragique; malgré des slogans péremptoires tel que « l’Algérie la tazoulou bi zawal errijal » ou encore « Ishtirakia la raj’ata fiha ». Résultat l’Algérie de la grandeur est bien mal foutu dans tous les classements mondiaux. Bien après des voisins et des pays pauvres de la planète.

Par Sniper

Lahouari Addi à Ould Kablia: » Vous flattez l’armée pour assouvir votre intérêt personnel »*

kabli.jpgphotoaddi.jpgEn votre qualité de président de l’Association nationale des anciens du MALG, vous avez répondu à mon article paru le 20 juillet dans ce même quotidien, utilisant une rhétorique que les lecteurs de la presse écrite croyaient révolue et qui ne correspond plus à la réalité politique et sociale de l’Algérie des années 2000. Il est bien sûr de votre droit de rester «congelé», mais vous n’avez pas le droit de faire des procès d’intention en affirmant que mon texte était «un réquisitoire».
J’ai bien précisé que les Algériens étaient attachés affectivement à leur armée parce qu’elle fait partie de leur histoire. Par conséquent, si vous voulez ouvrir le débat, il faut qu’il soit loyal et sans coups bas, sinon restez dans votre bulle, enfermé dans un passé quasi-imaginaire dont vous tirez profit et n’accusez pas ceux qui ne sont pas d’accord avec vous. Vous me récusez le droit de parler de Abdelhafid Boussouf et de ses méthodes en corroborant précisément ce que j’appelle «le réflexe Boussouf» qui a trouvé son prolongement dans les vicissitudes de la construction de l’Etat post-indépendance. Vous allez même plus loin, me conseillant de rester dans «ma nouvelle patrie» (la France), insinuant que les cinq millions d’Algériens qui sont à l’étranger ont choisi une nouvelle patrie, et que les millions d’Algériens qui veulent partir sont à la recherche d’une nouvelle patrie ! C’est grave, M. Daho Ould Kablia, ce que vous dites. Ce n’est pas de l’inconscience, c’est de l’aliénation. Vous confirmez là votre apolitisme que vous avez déjà montré en accusant les Marocains, les Tunisiens et les Egyptiens de ne pas nous avoir aidés durant la guerre de Libération, ignorant totalement la géographie: Ghardimaou se situe en Tunisie et Oujda au Maroc ! Sans l’aide de nos frères marocains et tunisiens, l’armée coloniale aurait étouffé les maquis de l’ALN. Je vous rappelle que durant toute la révolution, Boussouf était entre Oujda, Le Caire et Tunis, où le FLN avait ses bases logistiques qui lui ont permis d’atteindre ses objectifs. Cette fois-ci, vous récidivez contre des compatriotes en leur déniant le droit d’être algériens parce qu’ils souhaitent que l’armée se conforme à la Constitution. C’est cela la mystique nationaliste qui crée une Algérie imaginaire et abstraite que vous opposez à des Algériens en chair et en os et qui, pour vous, sont des traîtres. Vous n’osez pas le mot, mais votre écrit le suggère clairement. Que vous le vouliez ou non, chaque Algérien est attaché à son pays et vous n’avez aucun droit de nier le sentiment patriotique des uns ou des autres. Même sur les harraga, preuve tragique du bilan désastreux de votre gouvernement, vous n’avez pas le droit de porter un tel jugement. Le précédent chef du gouvernement a même eu l’outrecuidance, sans rire, d’affirmer lors d’un colloque à Alger que les harraga quittent le pays pour se marier avec des blondes ! Voilà le personnel politique qui nous est imposé sans qu’il soit élu, caractérisé par l’incompétence et l’arrogance que cache mal une surenchère nationaliste cousue de fil blanc. Vous n’avez pas le monopole de la patrie, M. Ould Kablia. Boussouf avait les circonstances atténuantes : nous étions en guerre, mais vous, vous n’en avez aucune. Nous ne sommes pas en guerre, à moins que vous n’estimiez que votre gouvernement est en guerre contre le peuple ou une partie du peuple. Vous n’avez même pas compris mon propos sur Boussouf. Ce personnage appartient à l’histoire et il fait partie du patrimoine public, ce qui autorise n’importe qui à porter un jugement sur lui. A l’été 1962, une journaliste étrangère avait demandé à Abdelhafid Boussouf s’il avait la conscience tranquille après tout ce dont il avait été accusé. Il lui avait répondu : «Mais Madame, seuls ont les mains pures ceux qui n’ont pas de mains», reprenant le mot du philosophe allemand Immanuel Kant. Cette réponse ne s’adressait pas à un procureur d’un tribunal mais à l’Histoire et aux générations futures. Il a justifié ce qu’il avait fait et c’est aux historiens de juger. Boussouf était marqué par l’ordre colonial injuste qu’il cherchait à détruire par la violence. La radicalité du système colonial l’a forgé dans son intolérance et dans sa suspicion. Il se méfiait même de son ombre. Comme les militants de sa génération, il portait en lui les limites culturelles de sa société, notre société figée par l’ordre colonial dans son retard sur l’Europe. Le populisme révolutionnaire dont il était l’un des représentants a rencontré un écho auprès de larges couches de la population qui aspirait à finir avec l’ordre colonial. Mais pour autant, doit-on sacraliser cette génération et la soustraire aux investigations du débat critique ? Et comment ne pas faire le lien entre les limites idéologiques du nationalisme algérien dans sa phase de formation avec l’impossibilité de construire un Etat de droit cinquante ans après l’Indépendance ? Vous me refusez le droit de réfléchir sur ce lien ? Vous n’acceptez les débats sur l’histoire que s’ils sont apologétiques et menés avec la langue de bois que vous maniez comme un ébéniste expérimenté, comme le montre votre réponse parue dans Le Soir d’Algérie. Vous faites partie de cette élite civile cooptée depuis 50 ans par l’armée et dont le bilan est négatif de A à Z. Pour faire diversion, vous jouez au nationaliste pur et dur, m’accusant d’être contre l’institution militaire et me refusant le droit d’aspirer en tant que citoyen à une armée professionnelle, moderne et surtout respectueuse de la Constitution. Vous considérez qu’une telle armée serait «aveugle, sourde, aphone, et probablement paraplégique», ajoutant même que dans les pays les plus démocratiques, l’armée est «un rempart solide… une force forcément politique…». Vous êtes dans la position du flatteur qui vit aux dépens de celui qui l’écoute. Vous flattez l’armée pour assouvir votre intérêt personnel et, ce faisant, le discours que vous tenez la met dans une impasse politique dont on ne voit pas l’issue. Les officiers et les jeunes du Service national n’osent plus se montrer en tenue de sortie les jours de fête dans les villes et villages comme il y a quelques années. Pourquoi ? Selon vous, l’armée «fait face aux dangers … dont celui de l’éclatement de l’unité intérieure…», ou plus grave «celui qui a failli emporter l’Etat, pulvériser le ciment social, plonger la nation dans un système d’un autre âge», comme si celui que nous vivons aujourd’hui était post-moderne ! C’est exactement cela la «culture Boussouf» : sans le contrôle de l’armée sur l’Etat et sans sa substitution au suffrage populaire au détriment de l’électorat composé de civils au nationalisme tiède, l’Algérie disparaîtrait ! Votre montre, M. Ould Kablia, s’est arrêtée en 1962 et votre culture politique n’a pas changé d’un iota. Vous croyez même à la régularité du «suffrage populaire tel qu’il se pratique dans notre pays», affirmant sans rire que les Algériens ont choisi leurs dirigeants. Ou bien vous êtes naïf, ou bien vous êtes cynique. Vous demandez ensuite à ce «qu’on laisse l’institution militaire achever sa mission contre les ennemis de la nation en tous genres». Je voudrais vous poser la double question suivante : qui sont ces ennemis de la nation et quand cette mission de l’armée prendra-t-elle fin ? Considérez-vous que ces ennemis sont des Algériens qui veulent détruire leur propre nation ? Je suspecte que tout ce discours irréaliste ne serve qu’à cacher un intérêt personnel : celui d’être désigné et non élu à des fonctions officielles. La preuve ? Vous étiez déjà préfet à Oran quand j’étais lycéen ; je vais bientôt partir à la retraite et vous êtes encore ministre ! En sociologie politique, la privatisation de l’autorité publique s’appelle néo-patrimonialisme. L’Etat y est considéré comme un patrimoine d’une élite civile qui demande à l’armée d’être la seule source de légitimité et unique organe de cooptation de responsables politiques qui y trouvent une rente à vie juteuse. Et tant pis pour l’Algérie et ses intérêts supérieurs, et tant pis pour l’avenir des générations futures. Après moi, le déluge. J’arrête là cette lettre ouverte, mais je voudrais vous renvoyer à mes livres et articles relatifs à la «régression féconde» que vous citez en ironisant. Vous n’y avez pas réfléchi parce que pour vous, l’alternance électorale — que l’armée aurait pu garantir — est la fin d’un monde, celui de la cooptation qui permet de ne rendre des comptes ni à l’électorat ni à la justice en cas de mauvaise gestion des ressources publiques. L’armée est généreuse, et il suffit de la flatter. Mais un jour, ses officiers se rendront compte que le jeu ne vaut pas la chandelle et accepteront des réformes comme celles mises en œuvre en Amérique latine, où un pays comme le Brésil est en train de devenir un géant mondial. Je vous transmets, malgré tout, mes salutations patriotiques de l’étranger, où même si «on n’emporte pas la patrie à la semelle de ses pieds», elle reste, qu’on le veuille ou non, dans le cœur.
Lahouari Addi Professeur des universités

*Le titre est d’el mouhtarem

Et votre confort M. Ould Kablia ?

« Le confort douillet » de Addi Houari n’a absolument rien à voir avec votre confort M. Ould Kablia, de vos compaires et le confort des béni-oui-oui du parlement. Ce n’est pas digne de s’en prendre à la personne qui est d’un avis contraire. Boussouf ou un autre ne sont pas des saints. On ne vous a pas entendu sur les victimes de Boussouf: Abane, Khider et autres illustres patriotes.
L’Algérie a vu comment les décideurs, enfants de Boussouf par excellence, ont soudoyé les moudjahine comme vous et les séparer du peuple. L’Algérie est devenue un butin pour vous. Vous avez des droits que nous les misérables n’aurons jamais. Au moment où des centaines de milliers de personnes croupissent dans les bidonvilles, vous vous arrogez le droit de tout rafler vous et maintenant vos enfants. Sans qu’ils soient dans le besoin.
L’Esprit Boussouf encore en vigueur, ne laisse pas de liberté de critiquer et crier très fort à l’injustice dans les médias en Algérie.
L’histoire ne manque pas des situations où des héros sont devenus la honte de leur peuple. Pétain, MNA, vous rappellent-t-ils quelque chose ?
Grâce à vous, de tels commentaires sont passibles de la peine de mort en Algérie. Alors que ce devait être une libre expression. On a le droit à l’autocritique. Y’a pas que vous qui savez parler. On n’est plus à la révolution où les divergences étaient interdites.

Par un anonyme

L’Algérie est-elle à la veille d’une révolution démocratique ?

Les jours du général Mohamed Mediene dit Toufik à la tête du DRS sont comptés. Son limogeage ou «sa démission» sont imminents. Cette fois, il ne peut survivre au terrible scandale de la révélation du journal italien La Stampa qui a décrit comment les moines de Tibhirine et l’évêque d’Oran ont été assassinés par les militaires.

Le silence pesant du pouvoir algérien et de tous ses satellites, qui n’ont pas encore réagi, prouve qu’un profond malaise s’est installé à la tête de l’Etat et de l’ANP. Ce calme malsain précède la tempête qui ne va pas tarder à s’abattre dans les sphères du pouvoir ou… dans la rue.

La parenthèse de 20 ans de dictature militaire depuis les événements d’octobre 88 va-t-elle enfin se refermer pour laisser le processus politique de souveraineté populaire reprendre son cours?

Toufik a été nommé au département renseignement et sécurité (DRS, ex-Sécurité Militaire) en septembre 1990 en même temps que son adjoint Smain Lamari (décédé en septembre 2007). Ils ont été proposés à ces postes au président Chadli par son directeur de cabinet, le général Belkheir qui couvaient leur carrière depuis longtemps. Toufik et Smaïn n’ont dû leur longévité qu’à leur folie sanguinaire et à la protection de Belkheir, lui-même protégé par de puissants lobbies.

Mais l’énormité du scandale de la tuerie des moines et l’émotion suscitée par la mise en scène de leur décapitation sont telles que ces lobbies protecteurs ne peuvent plus rien faire pour eux. Le linge sale du sang des manipulations du terrorisme doit maintenant être lavé entre algériens. L’honneur de toute une armée vient d’être bafoué par une telle infamie.

Pour se maintenir à leurs postes, Toufik et Smaïn ont commis les pires crimes et exactions, contre le peuple et contre leurs propres compagnons d’arme.

Déjà en janvier 92, le président Chadli voulait limoger Toufik et le général Khaled Nezzar, alors ministre de la défense. Il n’en eut pas le temps et fut destitué. Son successeur «imposé par l’armée» Mohamed Boudiaf était arrivé à la même nécessité de se débarrasser des patrons de la sécurité militaire qui géraient et protégeaient les réseaux de corruption. Il fut assassiné d’une rafale dans le dos le 29 juin 1992.

En juillet 1993, Kasdi Merbah, ancien patron de la sécurité militaire sous Boumediene de 1962 à 1978, a senti un vent de changement à la tête de l’ANP avec la nomination de Liamine Zeroual qui venait de remplacer Nezzar, qui avait échappé de peu à un attentat à la bombe à El Biar. Il s’est proposé à Zeroual pour reprendre du service à la tête de la SM. Il fut assassiné le 21 août 1993.

En 1996, Zeroual, devenu président de la république a voulu nommer le général Saidi Fodil à la place de Toufik. Son assassinat fut maquillé en accident de la route à Ouargla où il était en poste à la tête de la 4ème région militaire.

En 1997, Zeroual a voulu nommer son ami, le général Mohamed Betchine, ex-patron de la SM (88-90), comme ministre de la défense pour se débarrasser de Toufik. Ce dernier a répliqué par l’organisation de massacres de civils à grande échelle qui créèrent la psychose jusqu’aux portes d’Alger. Les souvenirs de Raïs, Bentalha, Beni-Messous, etc… ont atteint les sommets de l’horreur. Betchine, puis Zeroual furent poussés à la démission.

Enfin, en avril 2001, deux ans après son élection, Bouteflika a tenté de limoger Toufik, qui a aussitôt enflammé la Kabylie avec la complicité de ses alliés dans la gendarmerie. Et pour empêcher le FFS et le RCD de récupérer le mouvement de protestation, Toufik a provoqué la création des arouch en les infiltrant. Le brasier kabyle fut entretenu jusqu’à la conclusion d’un accord sur le 2ème mandat de Bouteflika.

Aujourd’hui, la situation est des plus critiques pour le pays. D’un côté, Bouteflika, malade et en fin de règne, ne présente plus aucune crédibilité ni pour le régime, ni pour la population. D’un autre côté, l’agent du DRS Ahmed Ouyahia, sentant l’aubaine du chaos, fait le forcing pour asseoir son autorité sur les appareils sécuritaires et prendre le pouvoir par la censure et la répression des opposants.

Le tout nouveau mandat d’arrêt lancé contre le président soudanais, Omar El Bechir, par le procureur général de la Cour pénale internationale (CPI), est venu ajouter de l’huile sur le feu qui a gagné les sphères du pouvoir, complètement affolées.

La vérité sur les «assassinats pédagogiques» des chrétiens en Algérie, que le DRS voulait attribuer à des «terroristes islamistes», est maintenant dévoilée au grand jour. Ce nouvel épisode de l’affaire des moines donne du crédit à toutes les autres révélations faites par des officiers du DRS et de l’ANP qu’on peut découvrir sur le site du MAOL (www.anp.org) ou dans les livres publiés par Hichem Aboud, Habib Souaïdia, Mohamed Samraoui, Abdelkader Tigha.

Cela veut dire aussi que toutes les plaintes déposées contre les généraux (disparus, assassinats, torture, etc…) vont être regardées d’un autre œil et leur procédure accélérée.

Mais, alors qu’on sent bien que les généraux en poste ou à la retraite s’agitent dans tous les sens, il est regrettable de constater que les opposants politiques et les intellectuels continuent à somnoler comme s’ils n’étaient pas concernés.

Il faut se rendre compte que l’Algérie politique n’est ni en avance, ni en retard. Elle ne peut vivre qu’au rythme que lui imprimeront ses élites. A l’échelle individuelle, on peut parler de drames. Des intellectuels et des militants, qui étaient arrivés à maturité politique dans la période 88-92, peuvent se sentir aujourd’hui comme des vieillards aigris et dépassés qui ont raté quelque chose dans leur vie après ces vingt années de dictature.

Mais à l’échelle d’une Nation, l’expérience algérienne peut se comparer à celles d’autres pays qui ont connu les mêmes troubles générationnels causés par des coups d’Etat et des dictatures militaires. Aujourd’hui, ces pays ont des régimes démocratiques stables et sont devenues des puissances régionales et économiques reconnues et respectées dans le concert des Nations.

On peut citer l’exemple si proche de l’Espagne du général Franco qui a semé la terreur de 1936 à 1974, avant de laisser ce pays se reconstruire socialement et se stabiliser politiquement. Au Portugal, la longue dictature du général Salazar avait virtuellement éliminé les partis politiques, laissant un grand vide comblé par les militaires qui ont petit à petit lâché le pouvoir aux civils qui gouvernent depuis deux décennies.

Plus loin de nous, au Brésil, les militaires ont pris le pouvoir par un coup d’Etat en 1964, avant d’en être chassés par les civils en 1985. En Argentine, après 20 ans de «péronisme», l’armée fomente un coup d’Etat en 1976 entraînant un lourd bilan de 30.000 disparus exécutés ou morts sous la torture. Les civils ont repris le pouvoir en 1983 et passé les militaires en jugement.

Les expériences les plus proches de ce que vit l’Algérie sont assurément les exemples turc, grec et chilien. Dans ces pays, «l’armée a pris le pouvoir par des coups d’Etat, instauré des dictatures, suspendu la Constitution, promulgué l’état d’urgence ou d’exception, annulé des élections, dissous les assemblées, interdit les syndicats, censuré la presse, violé les droits de l’Homme, emprisonné, torturé, assassiné, etc…». Malgré ça, ces pays vivent aujourd’hui dans des régimes démocratiques modernisés et stables depuis une vingtaine d’années grâce à la résistance militante et au courage de leurs élites.

Tous ces exemples si proches de notre expérience prouvent que «l’horloge politique» algérienne ne peut tourner que si les élites se hissent à la hauteur de l’Histoire de leur peuple. Et se rendent compte que la paralysie intellectuelle et militante est le résultat de la stratégie mise en œuvre par le «makhzen du DRS» de Toufik: répression, censure, arrestations, tortures, assassinats, attentats,… et corruption massive.

Les élites civiles et militaires doivent maintenant créer des commissions d’enquête à l’APN et à l’ANP, demander des comptes et la dissolution du DRS. Les intellectuels et les journalistes doivent s’exprimer sur ce sujet et lancer des enquêtes. Une Nation et un système politique et social ne peuvent évoluer et se régénérer que s’ils consentent à faire des sacrifices.

Du fond de leurs tombes, les têtes des moines trappistes sont revenues nous parler et demandent aux algériens de couper les têtes de ceux qui les ont mis dans le trou.

Par Saâd Lounes

Dahou Ould Kablia répond à Addi Lahouari

ouldkablia.jpgPar Dahou Ould Kablia (*)
Vous avez pris, depuis longtemps, la courageuse initiative, d’ouvrir les colonnes de votre journal à tous ceux qui souhaitent enrichir le débat national sur les questions les plus diverses impliquant le passé, le présent, ou le devenir de notre pays. Dans le numéro du 20 juillet, ce fut le tour du Pr Addi Lahouari de le faire à travers une mise au point ciblée, qu’il a mise à profit pour commettre un long développement sous le titre «devoir de mémoire et les impératifs scientifiques».
La lecture de ce réquisitoire amène, malheureusement pour lui, à la conclusion qu’il ne possède ni la mémoire suffisante pour traiter des problèmes de la guerre de Libération nationale, ni la méthodologie indispensable pour les analyser de manière scientifique. Son analyse est basée essentiellement sur des préjugés fallacieux à l’endroit de certains dirigeants de cette époque et des convictions non moins fallacieuses sur l’influence de ces dirigeants sur la seule force de l’Etat post-Indépendance, c’est-à-dire l’institution militaire. Se dédouanant de prime abord et à plusieurs reprises de toute «hostilité envers cette institution», il n’en déclare pas moins que sa forte politisation et le rôle qu’elle s’est attribué, de l’Indépendance à ce jour, sont à l’origine de toutes les dérives qui ont mené le pays, selon ses dires, à «la faillite de l’économie nationale, l’archaïsme de l’école, l’effondrement de l’université, le délabrement des hôpitaux, l’arbitraire des tribunaux, la corruption généralisée…», et cela par le fait que le choix des hommes à tous les niveaux de responsabilité a été et est toujours imposé par l’armée «pourvoyeur exclusif de légitimité», par officines interposées. Sur sa vision propre de cette institution, il la verrait, quant à lui, une armée «forte, disciplinée, professionnelle, loyale, respectueuse de la Constitution et des dirigeants issus d’un suffrage populaire seul source de légitimité». Sans m’attarder sur son déni de légitimité au suffrage populaire tel qu’il se pratique dans notre pays, je reviens sur le sens qu’il entend donner, dans cette vision, à sa conception «d’armée disciplinée», qui n’a pas été choisi innocemment. Disciplinée serait donc, d’après lui, synonyme d’aveugle, sourde, aphone et probablement paraplégique. Alors qu’il sache que dans la plupart des pays du monde, notamment chez les plus puissants et les plus démocratiques, l’institution militaire est, face aux périls permanents, un rempart solide, une force matérielle et une force morale, donc une force forcément politique dont le poids a un rapport direct avec toutes les stratégies de défense et de survie élaborée ou mises en œuvre. L’Algérie, encore moins, ne peut échapper à cette règle ; elle qui a pu accéder à l’Indépendance dans la plénitude de sa souveraineté grâce à l’Armée de libération nationale et au sacrifice incommensurable d’une population qu’elle a mobilisée et encadrée. Depuis, elle n’a cessé de faire face aux dangers, celui de l’éclatement de l’unité intérieure dès les premières années de l’Indépendance, puis celui de l’agression extérieure à sa frontière Ouest à la même époque et d’autres dangers encore dont le plus grave a failli, durant la décennie rouge, emporter l’Etat, pulvériser le ciment social, plonger la nation dans un système d’un autre âge par une expérience projetée que M. Addi imaginait se déclinant en «régression féconde». Ensuite pour expliquer comment l’institution militaire a accédé à ce statut de super-Etat, notre professeur-historien prend le chemin le plus saugrenu : l’influence maléfique d’un seul homme, Abdelhafidh Boussouf qui a imprimé aux cadres de l’armée, une culture politique basée sur la volonté de puissance faisant de l’Algérie une «réalité mystique dans laquelle les Algériens sont dissous et n’ont aucune existence humaine». Il ajoute : «L’esprit Boussouf a vidé l’indépendance de son contenu et donné la victoire à la France trente ans après l’insurrection de Novembre !» M. Addi ne mesure nullement l’incongruité de ses propos avançant de nouvelles accusations d’une extrême gravité : Boussouf «suspicieux voyant des traîtres partout et assassinant à tour de bras». Boussouf «hostile à Ferhat Abbès qu’il insultait publiquement, révélant sa haine pour les politiciens et les valeurs libérales ». Il n’entre pas dans mon intention de réfuter dans cet article, l’inconsistance de ses propos. Cela serait sans effet sur quelqu’un qui a dépassé toutes les limites de l’outrance contre un homme dont il ignore tout, tout en suggérant de «combler une lacune en préparant des thèses sur sa personne ». L’outrance est dirigée également et surtout contre une institution, l’Armée nationale populaire, qui porte bien son nom de socle puissant de la souveraineté populaire qu’elle sert par son patriotisme, son sens du devoir, sa cohésion, sa compétence et son engagement. Je n’en dirai pas plus, laissant le soin aux lecteurs d’apprécier la littérature de notre professeur qui a encore beaucoup de choses à apprendre sur une révolution riche de hauts faits guerriers et de valeurs patriotiques irréversibles, avant de distiller sa «science académique» aux autres. Un conseil toutefois, que M. Addi reste dans le confort douillet de son Université de Lyon, dans sa nouvelle patrie ; qu’il laisse Boussouf reposer en paix, qu’il laisse l’institution militaire achever sa mission contre les ennemis en tous genres de la nation et qu’il laisse les Algériens d’ici assumer leur passé et construire avec les dirigeants qu’ils se sont librement donnés leur avenir.
D. O. K.
(*) Président de l’association nationale des anciens du MALG

Commentaire: Pourquoi Ould Kablia n’a pas répondu à l’article paru récemment dans le journal italien La Stampa , sous la plume de Valerio Pellizzari, accusant l’Armée algérienne d’avoir tué les moines de Tibhirine? El Mouhtarem 

Le camouflage identitaire, un non-être

La camouflage consiste à modifier son apparence dans l’objectif de tromper ; tromper pour se protéger ou bien pour induire l’autre en erreur. Chez les humains, le camouflage peut aussi être l’expression d’un défaut de définition de soi. On ne sait pas trop qui l’on est alors on adopte des identités différentes, que certains qualifieront d’instabilité et dans laquelle je préfère voir un jeu de miroirs.

Si le jeu est conscient et dénué de malveillance, il ne fait de mal à personne ; au contraire, on peut s’y associer et rire avec l’acteur-l’actrice. Si le jeu a pour objectif conscient de dérouter, d’induire une appréciation fausse du réel, alors il devient une violence et les « spectateurs » doivent s’y intéresser de plus près.

Qu’une personne change de nom, de prénom, de look, de confession, de compagne-compagnon … pour son propre plaisir ou confort, ça relève de sa liberté et personne n’a à en redire. Qu’elle modifie son identité dans sa relation aux autres, qu’elle prenne une apparence qui met les autres dans l’obligation de s’interroger sur le sens de cette modification, ne serait-ce que pour pouvoir s’y adapter,  en fait l’affaire des autres aussi.

Ce préambule pour introduire mon sujet : le commentaire de Paul Mohand (PM par la suite, Mohand étant l’équivalent berbère de l’arabe Mohammed) du 17 juillet 08 en réaction à l’article d’Elmouhtarem « Louisa Hanoune (Louisa par la suite) insulte Ferhat Mehenni » du même jour. Je précise que je réagis à ce que j’ai lu, sans prendre partie pour personne, ne connaissant ni l’un ni l’autre ni le troisième. 

Je constate en premier lieu que l’obscénité du langage employé par PM ne fait pas l’objet d’une expression ferme et soutenue de désaccord ; les commentateurs passent vite à l’essentiel : se jeter à la figure des fleurs parfois épineuses et se (dé)battre sur les qualités et défauts des héros du jour : Louisa et Ferhat, Ferhat et Louisa si vous préférez.

Le langage employé par PM mérite pourtant que l’on s’y attarde (vous le trouverez sur le blog). Peut-être ce blog est-il réservé à des jeunes garçons un peu turbulents et que j’y fais figure d’intruse … Le fait est que, non avertie de cette disposition éventuelle,  j’y ai accès et le contenu du commentaire en question me semble hallucinant ; on ne s’exprime pas de cette façon en public. Sans compter que, en faisant usage d’obscénité sur ce blog, PM porte atteinte à la fois à Elmouhtarem (béni soit ce pseudo en l’occurrence !) qui exclut explicitement l’injure de son blog, et à toutes les femmes dont sa mère, sa soeur, sa fille plus tard.

Je m’interroge donc : qu’est-ce qui rend possible un tel écart de langage dans un espace ouvert au monde entier ?

J’ai beau chercher, je ne trouve qu’une réponse : c’est possible quand on se bouche les oreilles intérieures et qu’on ferme les yeux sur ce que l’on fait. En clair : c’est possible quand personne ne sait d’où ça vient, comme cela se passe dans une classe quand un élève lance un propos quelconque à haute voix ou un objet pour embêter l’enseignant ou un camarade sans qu’il soit possible de l’identifier. Comme un jeune enfant qui, se cachant à lui-même derrière ses toutes petites mains, il vous crie « cherche-moi ! ». Nous y voilà : sans être identifié ; en étant camouflé.

Reste à trouver la nature du camouflage … Je cherche encore et ne trouve qu’un réponse : le pseudo pseudo.

Sauf qu’il ne faut pas faire de confusion : un pseudo vous identifie aussi qui vous attribue une identité choisie délibérément pour vous présenter à un public indéfini dans l’objectif mais de préserver sa vie privée. Le camouflage, lui, trompe.

Dans le cas de Paul Mohand (il n’est pas question ici d’entrer dans la controverse sur la conversion, il s’agit ici de langage), il y a de quoi cligner des yeux (pour voir ou ne pas voir, c’est à voir).  Si je ne veux pas voir, je ne verrai rien et PM ne m’intéressera pas plus que Louisa, Ferhat ou Robert. Mais je m’intéresse à ce que je lis et je ne peux pas rester indifférente à Paul Mohand. Pourquoi ? Parce que …

Soit c’est Paul et il ne peut pas s’exprimer de façon aussi outrageuse ; soit c’est Mohand et il ne le fera pas plus. C’est ainsi : Paul ne se le permettrait pas du fait qu’il est en territoire étranger pour lui et Mohand ne se le permettrait pas pour la raison exactement inverse : il est sur son territoire et le territoire et communautaire. Paul Mohand est donc un camouflage nécessaire pour n’être ni l’un ni l’autre et pouvoir ainsi commettre une faute grave en toute sécurité. Personne ne peut le reprendre ni sur une question de morale ni sur une question de territorialité.

Supposons tout de même que PM soit une identité civile authentique. Elle pose aussi un problème au porteur du prénom. Dans le cas d’une conversion, ou bien elle est sincère et on choisit forcément le prénom que l’on associe à la nouvelle pratique dans laquelle on s’engage (ce sera Paul OU Mohand), ou bien la conversion a été acquise à prix coûtant et qu’au fond on s’en moque bien. A 5000€ la conversion, je me convertis tour à tour à deux religions ennemies tous les mois (plus, je ne sais pas si je supporterais …) et je m’en remettrais à Dieu pour faire ses comptes à lui entre les bons et les méchants.

Ce camouflage identitaire est donc bien commode pour s’autoriser des propos obscènes en public. Reconnaissons cependant que 1/ qui ne dit mot consent ; 2/ le phénomène de l’obscénité est une pratique nationale et bien plus encore.

Parlant de l’Algérie (le blog est algérien), considérons ces quelques camouflages et interrogeons-nous sur la nature de la terre mystérieuse nommée Algérie qui s’y cache. Cette terre appartient-elle aux résidents ou bien n’est-elle qu’une résidence surveillée ? Est-elle république ou monarchie, démocratie ou dictature, état souverain ou zone franche ; au début, en cours de ou en fin d’élaboration ?

Dans la vie publique, les amalgames faits entre des notions libératrices (république, justice …) et des pratiques « stupéfiantes » (est-il nécessaire d’en citer ?) constituent une orgie d’obscénités à l’adresse des algériens (sans que l’on puisse affirmer catégoriquement que ces obscénités soient délibérées). C’est ce « terrain vague » de la pensée qui rend possible les propos tenus pas PM sur le blog. C’est cela aussi qui rend possible que des avocats évoquent la puissance divine comme argument de défense de leurs clients qu’ils déclarent n’avoir aucune responsabilité dans les conditions de construction des immeubles détruits lors du séisme à Boumerdés (Elmouhtarem 19 juillet 08). Quel pays peut en même temps se targuer d’indépendance et produire de tels énergumènes ? Quel pays peut s’affirmer œuvrer « pour et par le peuple » tout en produisant des fuites incessantes vers l’étranger ? Et l’UPM là-dedans, encore un  faux-semblant ? Pour masquer quoi ? A qui ? Trompé par son titre royal, le roi est seul à ne pas savoir qu’il est nu.

Dans la vie privée, les algériens se souviennent-ils que d’autres algériens sont morts, beaucoup sous la torture, il n’y a pas si longtemps, pour que eux vivent libres ? Parmi eux, ceux qui savent et tournent pudiquement leur regard sont-ils moins aveugles que le roi ? Ou bien le camouflage est-il déjà trop épais, les habitudes de confort trop profondes pour faire sursauter camouflés et camouflants …

A force de ne s’intéresser qu’aux choses « sérieuses », on finit par ne plus voir le détail qui fait vrai … Ceci n’est pas vrai seulement pour l’Algérie. 

Par Wi Yilan’

Addi Lahouari* répond à Mohamed Chafik Mesbah

addi.jpgDans une longue interview avec un ancien officier de l’ALN publiée par Le Soir d’Algérie des 23 et 24 juin 2008, vous avez cité mon nom à plusieurs reprises, me présentant comme «étant hostile à l’institution militaire». Sachant le rôle historique de l’armée dans la création de l’Etat indépendant, cette présentation me désigne comme opposant à l’armée, donc à l’Algérie. C’est exactement cela que j’appelle «la culture politique Boussouf» qui voit des traîtres partout et qui a été à l’origine de liquidations physiques de militants sincères durant la révolution armée. J’ai écrit de nombreux ouvrages et articles sur le système politique algérien et sur sa genèse historique, dans lequel après l’indépendance l’ANP, sous une forme non assumée constitutionnellement, joue le rôle de pourvoyeur de légitimité. C’est cette tradition héritée du passé de l’armée comme source de légitimité que je récuse en tant que citoyen et qui est, de mon point de vue de chercheur en sociologie politique, à l’origine de la profonde crise dans laquelle est plongé le pays depuis de nombreuses années. Avant de développer cette hypothèse, M. Chafik Mesbah, permettez-moi de clarifier un point essentiel qui éviterait des malentendus. Je ne suis pas «hostile à l’institution militaire» comme vous le prétendez, et les Algériens sont tous attachés affectivement à leur armée, institution issue de luttes de plusieurs générations du mouvement national. A titre personnel, et à l’instar de milliers de jeunes formés par l’université, j’ai eu une expérience enrichissante comme officier du service national qui a été l’une des meilleures périodes de ma vie. Les militaires que j’ai côtoyés font partie de la société algérienne dans ce qu’elle a de meilleur et de pire, comme dans n’importe quel échantillon de l’humanité. Parmi les militaires, il y a des gens humbles et attachants comme il y a des gens qui le sont moins. Je garde en mémoire de mes dix-huit mois passés à Tamanrasset le souvenir de certains officiers dont la bravoure et l’intégrité sont une source d’inspiration. J’ai eu l’insigne honneur de servir sous les ordres du commandant Trache Mahieddine, aujourd’hui colonel à la retraite, ancien maquisard au nom de guerre Si Ghaouti qui avait rejoint l’ALN alors qu’il était lycéen. Je peux témoigner de sa droiture, de sa rigueur, de sa simplicité et de son sens de la discipline. Je suis convaincu que l’armée algérienne compte des centaines de Si Ghaouti, véritables hommes d’Etat, imprégnés de l’amour de la patrie et possédant une ouverture d’esprit et un sens des rapports humains qui imposent le respect. Il en existe y compris dans le DRS, à l’instar du commandant Si Salah, directeur régional de la Sécurité militaire à Tamanrasset (années 1977-1979) qui était d’une perspicacité hors du commun Je ne suis donc pas «hostile à l’institution militaire» comme vous le prétendez. Par contre, je suis contre la politisation de l’armée algérienne, c’est-à-dire contre le fait que le commandement militaire, à travers des subterfuges et des ruses, choisisse les dirigeants de l’Etat et les membres de l’Assemblée nationale, en utilisant le service d’espionnage et de contre-espionnage pour en faire un parti politique clandestin au-dessus des lois. Pour moi, le DRS est un service de l’Etat qui a été détourné de sa mission et s’adonne à des activités contraires à la Constitution. Il empêche en un mot le fonctionnement de l’Etat, ce qui le met dans l’illégalité la plus totale et expose ses fonctionnaires à des poursuites judiciaires, pour peu que le droit prime sur la kalachnikov. J’ai la faiblesse de croire que ce point de vue est celui d’une majorité d’Algériens, en tout cas de tous les démocrates, et probablement de certains militaires ayant le sens de la perspective historique et de la modernité politique. Cette posture n’est en rien hostile à l’armée. L’Etat algérien a besoin d’une Armée forte, disciplinée, professionnelle et dont les officiers seraient loyaux à la Constitution et au président de la République, en tant qu’expression du suffrage populaire, seule source de légitimité. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, en raison de cette culture politique qui a marqué le mouvement national et dont Abdelhafid Boussouf est l’illustration extrême. Il n’y a pas d’ouvrages et de thèses sur Boussouf – et c’est une lacune à combler – mais selon ce qui est rapporté par ceux qui ont collaboré avec lui ou l’ont approché, Boussouf a été un chef nationaliste qui cultivait la suspicion au plus haut degré. Son hostilité à Ferhat Abbas, qu’il méprisait et insultait publiquement, révèle sa haine pour les politiciens et les valeurs libérales. Son nationalisme – et c’était un nationaliste – relevait de la mystique qui broyait tous ceux qui exprimaient une divergence avec ses vues. D’où les pratiques de liquidation de centaines de militants du FLN, dont le plus célèbre est Abbane Ramdane. A l’indépendance, nous avons hérité de cette culture reproduite par la Sécurité militaire, devenue non pas un service de l’Etat au-dessus des divergences politiques des uns et des autres, mais le bras séculier du régime qui l’a chargée de traquer l’opposition (Mohamed Khider, Krim Belkacem, Ali Mecili et d’autres encore dont l’assassinat a été maquillé). Le régime qui a renversé le GPRA en 1962 s’est approprié l’Etat et s’est identifié au peuple, déclarant à qui veut l’entendre que toute opposition est une opposition au peuple algérien et à la Nation. C’est cela la grammaire Boussouf inculquée à des militaires qui considèrent que s’ils ne contrôlent pas l’Etat, la Nation disparaîtrait ! C’est la raison pour laquelle ces mêmes militaires cooptent et choisissent des civils à qui ils confient la gestion de l’Etat. Mais ces civils ne rendent compte ni à l’électorat ni à la justice, d’où la corruption, le gaspillage et la mauvaise gestion des ressources qui caractérisent tous les services administratifs de l’Etat coupé de la population. Réduite à un pouvoir exécutif, l’administration n’a aucune autorité politique, d’où la faillite de l’économie nationale, l’archaïsme de l’école, l’effondrement de l’université, le délabrement des hôpitaux, l’arbitraire des tribunaux, la corruption généralisée de tous les services, y compris celui des impôts. La crise ne tombe pas du ciel, M. Chafik Mesbah, pour reprendre la phrase d’un homme que vous admirez. Elle provient de ce que le gouvernement n’a aucune légitimité et aucune autorité politique, et n’est qu’un appendice des services de sécurité qui lui confient des tâches administratives. La conséquence est là devant nous : le quotidien des Algériens, riches ou pauvres, est amer, et tous rêvent de partir. Le phénomène de la harga illustre tragiquement le bilan de ce régime et de cette culture politique mystique qui l’habite. Pire encore, M. Mesbah, des centaines de milliers de jeunes cherchent à acquérir la nationalité française que leurs parents, les armes à la main, ont refusée. Des enfants de chouhada et de maquisards fouillent dans les archives familiales cherchant désespérément une attestation de service militaire dans l’armée coloniale pour entreprendre les démarches de réintégration dans la nationalité française. L’esprit Boussouf a vidé l’indépendance de son contenu et a donné la victoire à la France trente ans après l’insurrection de Novembre. On en est au point où des jeunes reprochent à leurs parents maquisards d’avoir fait sortir la France ! Quel bilan ! La crise est là, profonde et a pour origine une culture dans laquelle la vie n’a aucune valeur et pour laquelle l’individu n’a que des devoirs et aucun droit. Pour Boussouf et ceux qu’il a formés et qui l’ont suivi, l’Algérie est une réalité mystique dans laquelle les Algériens sont dissous et n’ont aucune existence humaine. Mais qu’est-ce l’Algérie si ce n’est les Algériens en chair et en os ? Tuer un Algérien, torturer un Algérien n’est-ce pas tuer et torturer une partie de l’Algérie ? Voici le débat que nous devrions avoir un jour en public et dans les grands médias pour tenter d’expliquer et comprendre la crise actuelle et la frustration de la jeunesse et aussi pour trouver une solution de sortie de crise pour mettre fin aux souffrances de millions de compatriotes à qui il est interdit de faire de la politique, c’est-à-dire de choisir leur président, leurs députés et leurs maires. Je n’ai jamais douté du nationalisme de n’importe quel Algérien, mais lorsqu’on me soupçonne de tiédeur nationaliste, je me dis en moi-même : je suis face à un mystique (derouiche) dangereux pour la gestion des affaires de l’Etat, un mystique qui est une menace potentielle à la dignité et aux libertés de ses compatriotes. Réveillez-vous, Monsieur Mesbah ! Ce n’est pas parce qu’il y avait dans les rangs de la Révolution des maquisards admirables comme le colonel Ali Hamlat dit Si Yahya, que vous avez interviewé, ou comme le colonel Trache Mahieddine dit Si Ghaouti, dont j’ai parlé, que nous n’avons pas le droit de porter des jugements sur la génération qui a libéré le pays. Me refuser le droit de porter un jugement sur Boussouf, chef national historique, c’est refuser à une génération le droit de juger la génération précédente. C’est inciter le pays à sacraliser son passé, à fermer les yeux sur ses insuffisances et ses archaïsmes, et c’est aussi le condamner à ne faire aucun progrès. Je vous invite Monsieur Chafik Mesbah à relire ce que j’ai écrit et je vous défie d’y trouver quelque chose qui porte atteinte à notre armée ou à la dignité de ses officiers. Par contre, vous y trouverez l’analyse des luttes politiques pour le pouvoir dans une société qui a connu la modernité à travers la domination coloniale, ce qui explique bien des paradoxes, le premier étant celui du populisme généreux qui donne naissance à un Etat de corrompus régi par la loi de la jungle. Avec mes salutations patriotiques
L. A.

* Professeur à l’Institut de sciences politiques de Lyon. Ancien professeur de sociologie à l’Université d’Oran.
Former Fellow of the Institute for Advanced Study, Princeton, N-J., USA. Officier de reserve, classe 1977 C.

Le cauchemar Ouyahia entre Boumediene et Saddam Hussein

ouyahia1.jpgDès le retour annoncé d’Ouyahia dans les travées du pouvoir, les patrons de presse se sont pressés de se coucher sous ses pieds en encourageant leurs journalistes à se bousculer pour lui cirer les bottillons. L’éternel chef de gouvernement n’a pas tardé à leur verser une récompense en effaçant leurs énormes dettes d’imprimerie.

Ce nouvel acte de corruption massive, après celui de janvier 92, sonne encore le glas de l’espoir d’une liberté de presse en Algérie. Ce scandaleux détournement de fonds publics doit être vigoureusement dénoncé par la classe politique, le secteur économique et les journalistes eux-mêmes. Son acceptation silencieuse va entraîner le pays dans la pire des dictatures qu’il ait connu jusqu’à présent.

D’une part, il s’agit d’un signal donné à tous les candidats à l’allégeance et à la soumission. Les caisses de l’Etat sont pleines et les récompenses peuvent pleuvoir. D’autre part, c’est le début d’une autocensure de la presse et d’une complicité totale dans le processus que vient d’engager Ouyahia pour la prise définitive du pouvoir.

Les analyses faites précédemment sur le rôle ambigu que va jouer Ouyahia par rapport à l’échéance de 2009, sont déjà dépassées. Un fait unique dans les annales du pouvoir algérien s’est produit et autorise les pires inquiétudes. Le commandant de la Gendarmerie nationale, le général Ahmed Boustilla, et le DGSN, le colonel Ali Tounsi ont été convoqués par Ouyahia pour leur ordonner de durcir davantage les mesures de répression. Jamais un chef de gouvernement n’avait rendu publique une telle réunion auparavant. Cela relevait des prérogatives du président de la République. D’autant plus que ni le ministre délégué à la Défense, Abdelmalek Guenaïzia, ni le ministre de l’Intérieur, Nourredine Zerhouni, n’ont assisté à ce «Conseil interministériel restreint de sécurité».

Il semble maintenant de plus en plus avéré que Bouteflika ne jouit plus de toutes ses facultés politiques, physiques, intellectuelles et mentales. Ce qui explique sa mise sous tutelle apparente. D’abord par le DRS qui a placé manu-militari Ouyahia à la tête du gouvernement. Ensuite par Sarkozy qui s’est substitué en porte-parole du président algérien en annonçant sa participation au sommet de l’UPM.

Depuis quelques mois, les reports des apparitions publiques de Bouteflika se succèdent les uns aux autres. On ne se souvient même plus de la dernière réunion du Conseil des ministres. Mais le fait le plus significatif de l’incapacité de Bouteflika à exercer le pouvoir a été son dernier discours du 5 juillet. En annonçant que les portes de la réconciliation resteraient «indéfiniment» ouvertes, il s’est rendu coupable d’une incroyable aberration. Cela veut dire qu’on peut monter au maquis aujourd’hui et descendre demain, remonter le lendemain et redescendre le surlendemain, et ainsi de suite.

Quand donc, l’Algérie sortira-t-elle de ce cycle infernal de répression-terrorisme-réconciliation ? Tout simplement quand les élites politiques, civiles et militaires sortiront de leur sous-développement, leur amateurisme, leur khobzisme et leur lâcheté.

La confiance aveugle faite jusqu’à présent à l’ANP n’a plus de raison d’être. Ce temps est définitivement révolu. L’ANP d’aujourd’hui n’est plus dirigée par des anciens maquisards qui jouissaient de la légitimité historique. L’honneur de ses officiers et soldats vient d’être bafoué sans aucune réaction d’amour propre. L’armée a été accusée publiquement d’avoir tué les sept moines de Tibhirine et l’évêque d’Oran. Aucune réaction officielle de l’ANP, ni du gouvernement, ni de la presse, face à cette vérité déjà révélée par des officiers algériens. Le silence coupable et honteux doit laisser place aux sanctions les plus sévères à l’encontre des responsables de cette ignominie inqualifiable et de toutes les falsifications qui ont trompé l’opinion publique algérienne et internationale.

La responsabilité collégiale à la tête de l’ANP n’existe plus. Les fameux conclaves et réunions de crise de l’état-major ont disparu. Le commandement de l’ANP est maintenant concentré entre les mains de deux généraux seulement, Larbi Belkheir et Mohamed Mediene dit Toufik, chef du DRS. Ils ont éliminé l’un après l’autre tous les généraux qui avaient du poids.

En nommant des officiers du DRS à la tête des régions militaires, des états-majors, des commandements opérationnels et des directions centrales et fonctionnelles, ils ont dangereusement déstabilisé l’équilibre des rapports de force dans l’organisation matricielle de l’ANP (1). Dans une ambiance délétère où tout le monde soupçonne tout le monde, les officiers n’arrivent plus à se parler, se concerter et évaluer correctement la situation.

Il faut aussi rappeler que toutes les institutions de l’Etat et le secteur économique public sont sous le contrôle du DRS depuis la promulgation du décret d’état d’urgence en janvier 1992 et toujours en vigueur. Des officiers de DRS contrôlent les ministères, les wilayas, les banques et entreprises publiques, les ambassades, etc… C’est de ce pouvoir exorbitant que veut s’accaparer Ouyahia en violant la souveraineté populaire et en jugulant toute opposition.

Les méthodes de bachagha d’Ouyahia sont connues et ont déjà été décrites. Il a considérablement renforcé la mainmise du patronat français sur l’économie algérienne. Il s’est aussi associé ouvertement au chauffeur de bus Takhout et à l’aide-comptable Issad Rebrab en leur ouvrant toutes grandes les portes des coffres-forts des banques publiques. La poisse et les malheurs de sa gouvernance sont également connus. Mois d’un mois après son retour à la tête du gouvernement, le prix du baril a déjà perdu 20$. Mais le pire reste à venir.

Ouyahia est un attardé politique qui a 40 ans de retard sur les pratiques démocratiques d’accession au pouvoir. Il rêve d’un destin à la Boumediene qui avait éliminé tous les opposants pour apparaître comme le seul chef suprême, le zaïm. Il est bon de rappeler que Boumediene avait écarté plusieurs héros et leaders de la guerre de libération. Mohamed Boudiaf, Hocine Aït-Ahmed, Ahmed Ben Bella, Ferhat Abbas, Benyoucef Benkhedda, … pour ne citer que les plus illustres, ont été emprisonnés puis contraints à l’exil. Krim Belkacem, Mohamed Khider, Mohamed Chaabani, Ahmed Medeghri, etc… ont été assassinés.

A moins que ce cauchemar d’Ouyahia ne rêve d’un destin à la Saddam Hussein. Cet ex-agent de la CIA avait réuni dans une salle tous les leaders politiques irakiens et pendant qu’il fumait tranquillement son cigare, un de ses lieutenants égrenait une liste. A l’appel de leur nom, des personnes se levaient et sortaient accompagnés de sbires pour recevoir une balle dans la tête.

Rappelons aussi qu’à la naissance du RND, le parti du DRS que dirige Ouyahia, deux hommes politiques avaient tenté d’en prendre le leadership, Abdelhak Benhamouda et Amar Benbaïbeche. On sait ce qu’il advint de l’un, assassiné sur les marches de la maison du Peuple, le siège de l’UGTA. Et on est toujours sans nouvelles de l’autre depuis qu’il a été jeté aux oubliettes.

La classe politique doit se réveiller et se mobiliser pour débarrasser le pays de cette créature monstrueuse du système. Ouyahia doit rendre des comptes sur tous ses méfaits lorsqu’il était en poste au moment de l’assassinat des moines, les massacres de villages entiers, les «assassinats pédagogiques», les fraudes électorales massives, l’emprisonnement des cadres, les atteintes aux droits de l’homme, les arrestations arbitraires, les actes de torture, etc…

Ouyahia n’a aucune légitimité pour être chef de gouvernement avec un parti minoritaire et sans présenter de programme à l’APN. Il piétine le peu de dignité qui reste encore aux députés. Louiza Hanoune et Saïd Sadi ont exprimé leur étonnement sur le non-respect de la Constitution. Mais aujourd’hui, il ne suffit plus de dire, il faut agir.

Par Saâd Lounes

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