Violences et affrontements dans une cité universitaire à Bab Ezzouar (Alger)
Des blessés légers et plusieurs étudiants interpellés
Une nuit des plus mouvementées que celle que vient de vivre la résidence universitaire III (ex-CUB III) de Bab Ezzouar samedi dernier. L’affaire a pour détonateur l’agression subie par l’étudiant Salhi Khelifa, un étudiant vétérinaire, de la part d’un groupe d’étudiants angolais, durant la nuit de vendredi à samedi.
« Les « Africains » étaient en train de faire la fête dans leur chambre en faisant un grand boucan. Ils étaient ivres et avaient mis la musique à fond. L’étudiant agressé qui logeait à côté et qui préparait un examen leur a simplement demandé de faire moins de bruit », témoigne un étudiant en sciences politiques et résident au RUB3, avant de poursuivre : « Ils l’ont introduit dans leur chambre et l’ont passé à tabac. Le pire c’est qu’ils l’ont déshabillé et l’ont filmé nu avec leurs téléphones portables. Le lendemain, ils ont fait circuler le film dans le campus, à l’université de Bab Ezzouar. » A la résidence universitaire où nous nous sommes rendus hier, le chef de la sécurité confirme ces faits : « J’étais de service cette nuit-là. Vers 1h du matin, des étudiants sont venus me prévenir du passage à tabac d’un étudiant au pavillon L. Je m’y suis rendu en compagnie d’autres agents de sécurité. Et là, il y avait effectivement Salhi Khelifa qui était dans un état assez critique. Nous l’avons transporté à l’hôpital de Zemirli et nous avons prévenu la police qui a pris la situation en main. » Le lendemain, en guise de représailles, les amis de la victime assiègent littéralement le pavillon des agresseurs. « N’ayant pas trouvé les coupables, ils s’en sont pris à leurs vêtements qu’ils ont extirpés des armoires et brûlés », raconte le chef de la sécurité, avant de préciser : « En réalité, les Angolais se sont retranchés auprès de leurs compatriotes dans un autre pavillon. Les Algériens les ont poursuivis et monté un siège autour de ce pavillon. » Selon les étudiants, « à partir de 19h, il y a eu une forte mobilisation de la police antiémeute, armée de matraques, de boucliers et de bombes lacrymogènes. Dehors, plusieurs fourgons de police tenaient la cité en respect ». Un résident s’indigne : « La police a violé les franchises universitaires et l’intimité de nos chambres. » Vers 21h, la situation dégénère totalement. Les violences dureront toute la nuit. « Les policiers bastonnaient tout le monde. Les étudiants leur répondaient avec des pierres », témoigne-t-on. « Nous avons vécu cela comme une provocation. La police nous a considérés comme des voyous », fulmine un étudiant qui a pris part aux affrontements. « Nous étions dans l’incapacité d’évacuer nos blessés. Devant ces dépassements, nous avons alerté des partis politiques et d’autres organisations », souligne le porte-parole d’un collectif d’étudiants. Karim Tabbou du FFS et le secrétaire général de la LADDH répondront à l’appel. Hier, l’état de certaines chambres muées en champ de bataille témoignait encore de la violence des émeutes estudiantines. Bilan de cette nuit agitée : plusieurs étudiants blessés et 13 à 14 arrestations. Nous avons appris à la résidence universitaire III que les étudiants interpellés ont tous été relâchés hier en fin de journée.
Mustapha Benfodil
Le FFS condamne la « répression » policière
Le premier secrétaire du FFS condamne la « répression policière sauvage » des étudiants de la cité universitaire Cube III, à Bab Ezzouar.
Contacté hier, Karim Tabbou, qui s’est rendu sur les lieux au moment des affrontements en compagnie d’une délégation du parti, estime que l’intervention des services de sécurité était disproportionnée. « J’ai vu comment les étudiants ont été chassés, violentés, tabassés et maltraités par les services de sécurité », atteste-t-il. M. Tabbou parle aussi d’arrestations, de coups et blessures et de violation des franchises universitaires. Tout cela s’est produit dans la nuit de samedi à dimanche. « J’étais sur place jusqu’à 3h », souligne-t-il comme pour dire qu’il a tout vu de ses propres yeux. Pour lui, « cette expédition punitive menée contre la communauté universitaire, et ce, malgré la disponibilité du comité des étudiants à dénouer la crise, est la preuve de l’absence de toute volonté au niveau du Pouvoir de laisser s’installer les médiations autonomes et pacifiques ». Appelant les étudiants à « rester vigilants » et à « engager des luttes pacifiques », le FFS exige, dans une déclaration rendue publique hier, la « libération immédiate et inconditionnelle » des étudiants arrêtés. « Notre présence sur place était à la fois une réponse aux appels de détresse des étudiants, mais aussi pour exprimer notre solidarité avec toutes les luttes estudiantines et de la communauté universitaire », soutient encore M. Tabbou.
M. A. O.